TESHUMAR.BE est dedié à la CULTURE du peuple touareg? de ses voisins, et du monde. Ce blog, donne un aperçu de l actualité Sahelo-Saharienne. Photo : Avec Jeremie Reichenbach lors du Tournage du film documentaire : « Les guitares de la résistance Touaregue », à la mythique montée de SALUT-HAW-HAW, dans le Tassili n’Ajjer-Djanet- Algérie. 2004. Photo de Céline Pagny-Ghemari. – à Welcome To Tassili N'ajjer.
mercredi 16 janvier 2013
Offensive française au Mali : « L'Algérie grince des dents »
Article publié le : mardi 15 janvier 2013 - Dernière modification le : mardi 15 janvier 2013
RFI
Des combattants du MNLA, le 2 février 2012.
AFP PHOTO / MNLA
Par Clémence Denavit
Dix mois après le renversement du président Amadou Toumani Touré au Mali et en pleine intervention française, nous revenons sur ce qu’est le Mali aujourd’hui avec l’invité de RFI, Pierre Boilley, professeur à l’université Paris I et directeur du CEMAf, le Centre d’études des mondes africains.
RFI : Le Mali est aujourd’hui un pays divisé, avec le nord d’un côté, le sud de l’autre. A l’origine de cette division, il y a le renversement du président ATT (Amadou Toumani Touré ) et des difficultés qui persistent à Bamako.
Pierre Boilley : Oui. En fait, le renversement du président ATT n’a fait qu’entériner la fin de cette partition, parce qu’elle a commencé bien avant. D’abord, elle était là, malgré tout, avec un certain nombre de rébellions qui ont existé depuis 1963. Et puis effectivement, en janvier, là, il y a eu le début du MNLA, qui a fini par évacuer l’administration et l’armée malienne du nord. Donc, c’est une partition qui est de fait, depuis à peu près un an maintenant.
Et c’est une partition, évidemment, qui se nourrit des difficultés que rencontrent les autorités à Bamako pour s’entendre ?
Oui, le sud n’est pas dans un état très brillant. Je pense – et tout le monde l’a bien vu – que le coup d’Etat du capitaine Sanogo le 22 mars a accéléré encore cette partition, puisqu’elle a démoralisé l’armée, et que tout le monde a fui d’une certaine façon, pour une dernière offensive éclair qui a fini par faire tomber Kidal, Gao et Tombouctou en trois jours. Cela à partir des derniers jours de mars et les premiers jours d’avril. Donc, au sud, il y a effectivement un pouvoir qui est partagé.
Le capitaine Sanogo, jusqu’à présent, avait encore la haute main sur le pouvoir, et le pouvoir civil de transition était quand même, en grande partie, en otage par rapport à cette influence militaire, même si officiellement la transition devait réorganiser des élections et réinstaurer un pouvoir légal.
On peut revenir sur la situation du nord. Géographiquement, ne serait-ce que quand on regarde une carte, il y a une division entre le nord et le sud. Il y a donc quatre mouvements principaux, islamistes, jihadistes, dans le nord. On peut revenir sur ces différents mouvements ; Ansar Dine, al-Qaïda au Maghreb islamique et le Mujao d’abord ?
Trois mouvements, peut-être des mouvements islamistes, en tout cas favorables à l’instauration de la charia, mais qui ne sont pas tout à fait de même nature. D’abord, installé – il faut le rappeler – depuis 2003, à partir de l’incursion, depuis l’Algérie, du GSPC, qui s’est transformé donc en 2007, en Aqmi, al-Qaïda au Maghreb islamique, un mouvement qui est très largement composé d’Algériens au départ et qui a été renforcé par des gens venus d’un peu partout ensuite, mais qui reste quand même un mouvement d’origine algérienne.
Le Mujao (le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) qui est lui composé en partie de personnes de la région, notamment du côté de la communauté arabe mais aussi qui a été rejoint par des tas de gens différents, y compris les Songhaïs et les Touaregs. Et puis, ce mouvement Ansar Dine, qui est lui aussi adepte de la charia, mais qui est d’origine touarègue, de la région essentiellement touarègue, bien qu’il y ait, là aussi – c’est comme pour tous les autres mouvements – des gens qui l’ont rejoint.
Et puis, un autre mouvement dont on parlera peut-être, qui est complètement différent, qui est le mouvement indépendantiste, qui n’a aucune revendication religieuse…
Le MNLA…
Le MNLA, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad.
Ce mouvement s’est d’ailleurs vraiment distingué des trois autres dont nous avons parlés – puisque avec des revendications territoriales, politiques, pas religieuses – le MNLA qui s’est allié aux autres au début, a finalement décidé de se distinguer de ces mouvements ?
C’est un mouvement qui s’est distingué dès le départ. Même qui, d’une certaine façon, s’est distingué dès son origine, puisque avant même le début de la rébellion, le MNA qui s’est transformé ensuite en MNLA, était un mouvement qui n’avait aucune revendication religieuse sur le territoire, mais plutôt une revendication d’autonomie par rapport au sud, une revendication qui était donc territoriale et politique. Donc le MNLA est resté tout le temps dans cette optique-là, même si il y a eu à des moments des tentations d’alliance avec une partie de ces jihadistes proches localement, c'est-à-dire celle d’Ansar Dine.
… Le MNLA qui a proposé son aide
Oui, le MNLA a proposé son aide. Et ce n’est pas la première fois qu’il l’a proposée, d’ailleurs. Là on l’a mieux vu parce qu’effectivement, les yeux sont tournés sur le Mali, sur le nord et sur Bamako. Mais c’est vrai, il y a deux jours, le MNLA a dit qu’il était finalement le mouvement le plus à même [d’aider], connaissant le terrain, connaissant les gens et surtout ayant combattu ces mouvements salafistes, encore ces derniers mois et ces dernières semaines, le plus à même donc de faire effet de troupes au sol et de pouvoir réussir mieux que, peut-être, des contingents qui viendraient d’autres régions d’Afrique.
Mais, Pierre Boilley, cela pose des problèmes, puisque le MNLA est un groupe rebelle. Est-ce qu’on peut vraiment accepter l’aide d’un groupe rebelle, d’une rébellion ?
NOTRE DOSSIER SPÉCIAL MALI
Alors ça, c’est évidemment diplomatiquement un petit peu difficile d’accepter l’aide d’un groupe qui voulait au départ l’indépendance. Ceci dit, le MNLA a mis aussi un peu un bémol à ses revendications, puisqu’il a accepté l’autodétermination, voire une forme d’autonomie. Qui, rappelons-le quand même, était déjà inscrite dans le pacte national en 1992, donc à l’issue des négociations qui avaient existé lors de l’avant-dernière rébellion, à la condition qu’on ne prenne pas en compte celle de 2006 et les autres.
Donc ce qui est demandé, c'est en fait la possibilité de pouvoir s’autogérer en grande partie. Et c’est d’une certaine façon moins grave diplomatiquement, que ce qui avait été demandé au départ. Donc, c’est difficile.
Il y a la question de l’Algérie qui a une position totalement ambiguë aujourd’hui...
L’Algérie a une position très ambiguë depuis le départ du mouvement. L’Algérie, en fait, a toujours eu une politique qui est celle d’une influence sur son sud, donc sur le nord du Mali. Elle n’a jamais voulu – et elle l’a dit et redit – qu’il y ait une intervention militaire extérieure. Alors au départ, il s’agissait d’une opération qui devait être exclusivement africaine. Là, elle est un petit peu obligée, bien sûr, en fonction des événements et surtout de cette avancée, de cette attaque islamiste, d’accepter les choses. Mais je suis assez persuadé qu’actuellement l’Algérie grince des dents, parce que non seulement c’est une intervention extérieure, mais c’est en plus une intervention qui est dominée par les Français, ce qu’elle ne doit pas apprécier du tout.
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