jeudi 11 avril 2013


Il faut enquêter sur ces décès et améliorer les conditions de détention à la prison centrale de Bamako
11 AVRIL 2013
« Le fait que le gouvernement malien se soit abstenu d'enquêter sur les tortures infligées à ces sept hommes prend une tournure encore plus tragique suite au décès de deux d'entre eux en prison. Il s'agit là des cas les plus récents de décès en détention dus à l’insalubrité des prisons. Le gouvernement malien devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer à la fois le traitement et les conditions de détention de tous ses prisonniers ».
Corinne Dufka, chercheuse senior sur l'Afrique de l'Ouest
(Nairobi, le 10 avril 2013) – Deux hommes de l'ethnie touarègue, qui avaient été arrêtés le 15 février 2013 et torturés par des soldats maliens dans la ville de Léré, près de Tombouctou, sont morts en détention à la prison centrale de Bamako.

Human Rights Watch avait interrogé sept hommes, dont les deux qui sont morts, et documenté les tortures qu'ils avaient subies dans un communiqué publié le 26 mars. Ils avaient été transférés le 5 mars au Camp de gendarmerie numéro 1 à Bamako, où ils avaient reçu une assistance médicale. Fin mars, ils avaient été transférés à la prison centrale de Bamako.

« Le fait que le gouvernement malien se soit abstenu d'enquêter sur les tortures infligées à ces sept hommes prend une tournure encore plus tragique suite au décès de deux d'entre eux en prison », a déclaré Corinne Dufka, chercheuse senior sur l'Afrique de l'Ouest à Human Rights Watch, qui avait interrogé les sept hommes avant leur transfert à la prison centrale. « Il s'agit là des cas les plus récents de décès en détention dus à l’insalubrité des prisons. Le gouvernement malien devrait prendre des mesures concrètes pour améliorer à la fois le traitement et les conditions de détention de tous ses prisonniers ».

Des personnes qui connaissaient les deux hommes ont indiqué à Human Rights Watch qu'ils étaient morts durant la nuit du 6 au 7 avril, à cause d'une chaleur accablante, et sans doute aussi des suites des blessures causées par les mauvais traitements subis auparavant. Il est probable que les tortures les avaient fragilisés, favorisant une détérioration rapide de leur état de santé. Alors qu'ils étaient détenus par l'armée, l'un des deux hommes s’était vu injecter une substance corrosive et souffrait d’une côte fracturée et de brûlures dans le dos. Toutefois, une personne qui les connaissait a affirmé que « quand ils ont quitté la gendarmerie, la santé de ces hommes était en amélioration ».

Une personne, qui s'est entretenue avec plusieurs de ces détenus dans leur prison fin mars, a déclaré que les sept hommes étaient incarcérés dans une petite pièce dépourvue de ventilation, et qu'ils s'étaient plaints de la chaleur excessive qui y régnait de jour comme de nuit. La période allant de mars à mai est la plus chaude de l'année au Mali; à cette époque, la température moyenne à Bamako est de plus de 38 degrés centigrades. Dans une pièce close sans bouche d'aération, la température est encore plus élevée. Le témoin a affirmé que l'un des détenus qui a ultérieurement succombé lui avait dit: « Si on ne nous sort pas de cette pièce, nous allons tous mourir de chaleur ». Le témoin a indiqué que les cinq hommes survivants avaient été transférés le 9 avril dans une pièce mieux ventilée.

L'armée avait arrêté les sept Touaregs, âgés de 21 à 66 ans, à Léré le 15 février, puis les avaient torturés car elle les soupçonnait de soutenir les groupes islamistes armés. Dans des entretiens avec un chercheur de Human Rights Watch le 20 mars, les sept hommes avaient affirmé avoir été roués de coups de poing et de coups de pied, brûlés et soumis à des injections forcées d'une substance corrosive, ainsi qu'à des menaces de mort, alors qu'ils étaient détenus par l'armée. L'un d'eux avait affirmé avoir subi une torture avec de l'eau comparable à la technique du « simulacre de noyade » (« waterboarding »). Un autre avait perdu l’usage d’un œil après avoir reçu un coup de crosse de fusil au visage et un autre encore était devenu partiellement sourd du fait de nombreux coups de pied à la tête.L’armée malienne avait repris Léré fin janvier, dans le cadre d’une offensive dirigée par la France pour reconquérir le nord du Mali, qui était tombé aux mains de groupes islamistes armés en 2012.

Human Rights Watch a recommandé au gouvernement malien de:
 
·         Mener rapidement une enquête impartiale sur les circonstances de ces deux décès en détention et sur les tortures infligées aux autres détenus;
·         Poursuivre en justice de manière appropriée toutes les personnes responsables de leur torture ou de leur décès;
·         Garantir une indemnisation adéquate à leurs familles;
·         Garantir des conditions de détention humaines pour tous les détenus de la prison centrale de Bamako et dans les autres lieux d'incarcération; et
·         Élaborer un projet détaillé d'amélioration des services de santé et des conditions de détention dans les prisons.


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