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24/04/2013 à 07h:05 Par Rémi Carayol, envoyé spécial
Visite du président Issoufou, le 22 janvier, sur une base militaire au nord de Niamey. © AFP
À l'ouest, il y a le Mali, sa guerre, ses jihadistes et ses trafiquants ; au nord, c'est la Libye, menacée par l'anarchie ; au sud, Boko Haram et ses attentats meurtriers... Conscientes du danger, les autorités du Niger ont mis le paquet. L'essentiel, en ces temps troublés, c'est la sécurité.
Lorsqu'on décolle, on ne les voit pas, mais ils sont là, dans ce grand hangar beige situé à l'autre bout de l'aéroport Hamani-Diori, à Niamey. Deux sont américains, deux autres sont français. Grands, immenses, à croire ceux qui les ont vus. Depuis dix semaines, ils prennent tous les jours les airs vers le nord en quête d'indices trahissant une présence suspecte dans le désert. Les autorités nigériennes ne veulent pas s'étendre sur le sujet. Tout juste consentent-elles à admettre que, depuis que les drones sont là, les jihadistes et les trafiquants se terrent. « Effet psychologique immédiat », se réjouit une source sécuritaire étrangère.
Ceux qui les pilotent, les réparent, analysent les images qu'ils envoient sont moins discrets. On les croise dans les grands hôtels de Niamey, où ils côtoient d'autres acteurs de cette guerre : des Français en partance pour Gao ou Kidal, au Mali ; des commandos en transit pour le nord du Niger où ils protégeront les mines d'uranium ; des agents de renseignements... Niamey n'est pas une ville-garnison, mais elle est bien gardée.
Touaregs, Arabes, Peuls, Songhaïs
« Nous avons considérablement renforcé le quadrillage de la ville », indique Abdou Labo, le ministre de l'Intérieur. Tous les points névralgiques sont surveillés. Les ambassades, les ministères et les hôtels sont protégés par l'armée. Dans le reste du pays, les patrouilles se sont multipliées. Depuis la crise en Libye, en 2011, et le retour de près de 3 000 combattants touaregs qui opéraient au sein de la Légion verte de Kaddafi, le Niger a pris très au sérieux les menaces qui pèsent sur son territoire. Il suffit de regarder une carte pour comprendre que le pays est cerné de toutes parts.
Au nord-ouest, il y a le Mali. « Au nord, ce sont les mêmes populations : Touaregs, Arabes, Peuls, Songhaïs... Il y a beaucoup de connexions », souffle une source sécuritaire nigérienne. Un temps, les chefs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont lorgné les montagnes de l'Aïr, un refuge situé au centre du Niger et jugé aussi séduisant que l'Adrar des Ifoghas, au Mali. « On a fait en sorte de leur couper la route », indique notre source sécuritaire. La frontière est désormais surveillée par 5 000 hommes.
À l'intérieur du pays, le dispositif avait été renforcé dès la chute de Kaddafi. Le Niger avait lancé l'opération Mali Bero pour contenir les velléités de ceux que l'on appelle ici « les retournés ». Depuis Arlit, 500 soldats surveillent une zone immense, mais où les voies de passage sont rares. Des hélicoptères et des avions de reconnaissance sont mis à contribution. « Les populations coopèrent, indique Brigi Rafini, le Premier ministre. Elles ne veulent pas revivre une nouvelle rébellion. » « Aqmi n'a aucune chance de se réfugier au Niger », conclut un officier.
Quant au Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), il a peut-être attiré jusqu'à 3 000 Peuls du Niger. « Cela faisait des années qu'ils étaient en conflit avec une tribu touarègue, explique le ministre de l'Intérieur. Pour eux, rejoindre le Mujao était un moyen de se venger et de gagner de l'argent : chaque recrue se voyait proposer entre 500 et 1 000 euros. Mais après l'intervention française au Mali, ils sont vite rentrés. » Le Niger s'en est rapidement occupé. « On les a désarmés et on les tient à l'oeil. »
Drone français de retour de mission au Mali à l'aéroport de Niamey, le 20 février.
© AFP
Business
Au nord, il y a aussi la Libye, où règnent les bandes armées et les trafiquants et où l'on trouve bon nombre de Nigériens : des Touaregs (dont l'ancien leader de la dernière rébellion en 2007, Aghaly Alambo), mais aussi des Toubous du Niger, du Tchad et de la Libye qui profitent de l'anarchie pour faire fructifier les affaires. Les intentions de leur chef, un certain Barka Wartougou, ne sont pas claires. Il y a quelques semaines, les renseignements nigériens ont repéré une colonne de pick-up de l'autre côté de la frontière. « La Libye, c'est ce qui nous préoccupe le plus, indique un ministre aux compétences régaliennes. Pour l'heure, ces groupes n'ont pas d'ambitions hors des frontières libyennes. Les Touaregs se battent pour gagner leur place dans le nouvel État, et les Toubous ne sont là que pour le business. Mais à terme, si on laisse s'installer l'anarchie, Aqmi pourrait s'y réfugier et lancer une nouvelle offensive. » Et puis il y a le Nigeria, au sud, et les intégristes de Boko Haram. Ceux-là peuvent « venir incognito. On ne peut pas faire la différence entre les Haoussas du Nigeria et les nôtres », note une autre source sécuritaire. Comme le nord du Cameroun, l'extrême sud-est du Niger leur sert de base de repli. « On sait qu'ils sont nombreux à Diffa », admet un officier nigérien. Pour l'heure, Boko Haram livre un combat national. « Mais le jour où la secte changera de projet, ce sera impossible à contrer », parie un observateur étranger.
Élu à la tête du pays il y a tout juste deux ans, Mahamadou Issoufou a pris la mesure du danger. « Il s'est très vite rendu compte que l'armée ne pourrait pas faire face à une menace. Encore moins à trois... », glisse un diplomate français. Près d'un dixième du budget national est consacré à la sécurité. Combien exactement ? « Secret-défense », répond Mahamadou Karidjo, le ministre de la Défense.
Il faut y ajouter les dépenses exceptionnelles décidées en cours d'année : 44 milliards de F CFA (67 millions d'euros) en 2012, et l'effort devrait être similaire cette année. « C'est de l'argent que l'on prend à l'éducation et à la santé », convient le ministre de l'Intérieur. Pourtant, les Nigériens ne s'en offusquent pas. « Au début, on trouvait que c'était trop, explique Moustapha Kadi Oumani, figure de la société civile. Un pays qui n'arrive pas à nourrir tous ses enfants, comment peut-il acheter des armes ? Mais avec le recul, nous donnons raison à Issoufou. Dans la région, nous sommes les seuls en sécurité. C'est plus important que tout. » Avec tout cet argent, et avec l'aide de pays amis (à commencer par la France et les États-Unis, qui ont formé un grand nombre de soldats, dont les premiers bataillons antiterroristes), on peut transformer une armée. « On a augmenté les salaires et les primes, acheté du matériel, des chars, et commencé une campagne de recrutement », indique le ministre de la Défense.
Assurance tous risques
Mais l'effort le plus important a été fait dans les airs. Une véritable révolution ! Il y a quelques années, le Niger ne comptait aucun hélicoptère. Aujourd'hui, il en a sept : deux MI-17 (transport de troupes) et deux MI-35 (combat) achetés du temps de Mamadou Tandja pour contrer la rébellion du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), et trois Gazelle (combat) donnés par la France en mars. L'armée possède en outre deux avions de reconnaissance DA-42 équipés de caméras à vision nocturne, un avion de transport C-130 et, depuis quelques semaines, deux Sukhoi pilotés par des Ukrainiens. Ces avions de chasse, bien qu'achetés d'occasion, « nous ont coûté les yeux de la tête, confie un diplomate. Mais ils font la fierté de l'armée, et c'est une assurance tous risques contre les futures rébellions ».
Reste à développer ce sans quoi une armée ne vaut pas grand-chose : le renseignement. Aujourd'hui, les RG nigériens ne comptent qu'une centaine d'agents. « On a mis en place un réseau d'informateurs dans les villages, mais on sait que ça ne suffit pas », convient le ministre de l'Intérieur. Le gouvernement envisage de former un bataillon de renseignement, mais ce n'est pour l'heure qu'un projet. Certains, à l'état-major, rêvent même de s'acheter des drones. « Nous y réfléchissons sérieusement », confie un officier. En attendant, « nous sommes obligés de compter sur nos amis français et américains » et sur leurs drones si discrets. « Sans eux, nous sommes des aveugles et des sourds, a l'habitude de dire le président Issoufou. C'est inacceptable. »
Des bases étrangères permanentes ?
Combien de temps les Français et les Américains vont-ils rester au Niger ? Réponse des plus hautes autorités : le temps qu'il faudra. « Pour l'heure, ils nous aident beaucoup. Ils ont des moyens que nous n'avons pas, ils sont indispensables », indique un officier. Officiellement, on compte une centaine de soldats français à Niamey, et plusieurs dizaines à Arlit. Ces derniers, membres du Commandement des opérations spéciales (COS), ont pour mission de protéger les mines d'uranium. Mais à Paris, on assure que cette présence, liée à l'opération Serval au Mali, n'est que temporaire : pas question d'installer une base pérenne comme au Tchad ou au Gabon. « On peut imaginer une présence réduite comme au Burkina », indique un diplomate. Quant aux Américains, ils seraient une petite centaine. Selon plusieurs sources, ils envisageraient d'installer dans le pays une base permanente abritant des drones.
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Par Rémi Carayol, envoyé spécial
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