mardi 16 avril 2013


Nigéria:

Otages. Portrait du chef de Boko Haram, Abubakar Shekau

Terrorismevendredi 22 mars 2013

« La force ne servira pas » à libérer les otages de la famille Moulin-Fournier détenus par Boko Haram, a déclaré hier, dans une vidéo diffusée sur i-Télé, Abubakar Shekau. Chef du groupe islamiste, il est l’un des jihadistes les plus recherchés d’Afrique. Et l’un des plus méconnus.
Un disciple de Mohamed Yusuf
Abubakar Shekau aurait, plus ou moins, une quarantaine d’années. Il grandit à Mafoni, un quartier défavorisé de Maiduguri, dans le nord-est du Nigéria, une région frontalière avec le Cameroun, le Tchad et le Niger. Selon Jeune Afrique, il « traîne dans la rue et fume de la marijuana ».
Comme beaucoup de jeunes du coin, il est fasciné par le prédicateur Mohamed Yusuf, avec qui il entre en contact au début des années 2000. Celui qui défend aujourd’hui les principes de la Charia n’a pas reçu de véritable formation théologique. Il est présenté tantôt comme un fondamentaliste, tantôt comme un brigand opportuniste et violent. Abubakar Shekau ne parle pas l’anglais et s’exprime en kanuri, en haoussa ou en arabe.
Lutte armée
Mohamed Yusuf fonde Boko Haram, qui signifie en langue haoussa « l’éducation occidentale est un péché », en 2002. Cette extrémiste, qui s’inspire directement des Talibans d’Afghanistan, dénonce la constitution nigériane comme étant calquée sur les valeurs occidentales et déclare vouloir instaurer la charia et un État islamique sur l’ensemble du Nigeria. Abubakar Shekau participe activement à la lutte armée et aux actions terroristes organisées par Boko Haram, dans les années 2000.
Son retour d’entre les morts
En 2009, une série d’attaques contre les forces de sécurité nigérianes incite l’armée à lancer une opération de grande envergure contre le groupe islamiste. Un assaut frontal, le 26 juillet 2009, permet la capture du chef Mohamed Yusuf. Il est abattu quelques heures après cette arrestation. Abubakar Shekau est, lui, blessé par balle par les autorités le 30 juillet 2009, alors qu’il cherche à fuir Maiduguri en compagnie de 200 autres militants, dont une grande partie est éliminée au cours de l’attaque. Les autorités nigérianes confirment son décès.
En réalité Abubakar Shekau se cache dans le désert entre le Tchad et le Soudan. En juillet 2010, le djihadiste fait une réapparition surprise dans une vidéo postée sur Internet. Il s’y proclame leader de Boko Haram et promet une lutte sans merci au gouvernement central.
L’un des jihadistes les plus recherchés d’Afrique
Abubakar Shekau embarque l’organisation dans des attaques suicides modelées sur celles d’Al-Qaïda. À partir d’avril 2011, le groupe multiplie les attentats à la bombe contre des églises chrétiennes, des gares, des hôtels, débits de boisson et des bâtiments officiels.
En janvier 2012, le djihadiste signe son grand retour dans une vidéodiffusée sur internet. Il y tient un discours virulent qui prône une guerre sans merci contre les politiques, les policiers et surtout les chrétiens, notamment le président nigérian Goodluck Jonathan. « Boko Haram est connu pour mettre ses menaces à exécution », affirme Martin Ewi le chercheur à l’Institut pour les études de sécurité à Pretoria, dans une interview pour France 24. « Quand Abubakar Shekau dit quelque chose, ça crée un véritable effet de panique dans tout le pays ».
« Je prends plaisir à tuer tous ceux qu’Allah me demande de tuer, de la même façon que je prends plaisir à tuer un poulet ou un bélier », déclare-t-il dans une seconde vidéo revendiquant les attentats de Kano, les plus meurtriers depuis la création du mouvement (180 morts le 20 janvier 2012).
Le 21 juin 2012, Washington l’ajoute à sa liste noire antiterroriste. Mais le chef de Boko Haram est introuvable. On signale sa présence tantôt au Nigeria, tantôt au Tchad ou dans le Nord-Cameroun. Ses apparitions se résument aux rares vidéos postées sur la Toile. Keffieh sur la tête et kalachnikov à portée de main, pour certains analystes l’image qu’il veut donner rappelle celle d’un certain Oussama Ben Laden.
La prise d’otages, une nouvelle stratégie
Le 25 février 2013, Boko Haram revendique l’enlèvement de la famille Moulin-Fournier, capturée le 19 février au Cameroun. Dans une vidéo postée sur Youtube, le groupe djihadiste demande la libération de certains de ses combattants et de leurs familles. « Ils veulent la libération de leurs frères au Cameroun et ils veulent la libération de leurs femmes emprisonnées au Nigeria », confirme Tanguy Moulin-Fournier, le père de famille.
Ce kidnapping marque un changement de stratégie pour le groupe islamiste. Et l’utilisation de l’arabe dans les communiqués renforce l’impression d’un rapprochement de Boko Haram avec les groupes terroristes internationaux, à commencer par Aqmi. Il pourrait aussi s’agir d’une nouvelle tactique pour contrer la puissance grandissante d’un autre groupe terroriste nigérian : Ansaru, qui s’est fait remarquer ces dernières années en multipliant les enlèvements d’étrangers.
Hier, Abubakar Shekau est apparu dans une nouvelle vidéo, diffusée par i-Télé. Il revendique en personne la prise d’otage et affirme la détermination de Boko Haram : « Nous les retenons parce que les autorités nigérianes et camerounaises ont arrêté des membres de nos familles, qu’ils les brutalisent et que nous ne savons rien de leurs conditions d’emprisonnement », explique le djihadiste. « Nous affirmons au monde que nous ne libérerons pas les otages français tant que nos familles sont emprisonnées. La force ne servira pas à les libérer, nous sommes prêts à nous défendre avec force ».
Une des épouses du chef djihadiste et son jeune enfant sont retenus par l’armée nigériane depuis 2012.
Camille Martin

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