dimanche 14 avril 2013


Deby, les djihadistes et Boko Haram

Deby a déclaré à la presse internationale que « la menace djihadiste existe au Tchad » et cette même presse de propager de manière complaisante les propos de Deby. Ce n’est qu’un secret de polichinelle, la lutte contre l’islamisme militant est devenue une activité qui permet à tout pouvoir indexé par les différentes organisations pour son manque de démocratie, des libertés individuelles et collectives, de détourner l’attention et d’être toléré sans contrepartie de sa part. Tel est l’un des plans de Deby en envoyant ses troupes au Mali. Et pourtant, Deby est l’un des principaux acteurs dans le développement de l’islamisme en Afrique centrale et de l’Ouest.
En avril 1989, quand il a quitté précipitamment le Tchad pour se réfugier au Soudan, la première personne à qui il fut présenté, était le tout puissant Hassan Al Tourabi, la matière grise du gouvernement islamiste de l’époque. Après l’avoir attentivement écouté et ayant obtenu toutes les garanties, Al Tourabi a présenté Deby à Oumar El Béchir, le chef de la junte. La junte a mis à la disposition de Deby un autre membre de la junte, un zaghawa du nom de Tidjani Adam Tahir. Celui-ci accompagna pour la première fois Deby à Tripoli et le présenta à Kadhafi, le reste est connu. Profitant de cette occasion en or, Al Tourabi, a fait infiltrer le MPS et à tous les niveaux, des islamistes agitateurs soudanais et tchadiens, professionnels de la propagande insidieuse. Parmi eux, le plus connu et le plus influent en ce moment est Hissene Hassane, appelé communément par les tchadiens «le Dr Colonel », l’actuel président du haut Conseil des Affaires Islamiques. Ainsi donc, le Tchad connu pour la pratique d’un islam tolérant, est-il en train de devenir le terrain de prédilection des islamistes d’un nouveau genre ? En effet, la présence massive des wahhabites, reconnaissables par leurs hirsutes barbes mal entretenues et leurs « djallabia » qui s’arrêtent aux tibia, forts violents et intolérants au cours de leurs prêches semble être un premier indice. Les va et vient incessants des agents prosélytistes pakistanais, indiens ou du golf, la multiplication des « halwa ou mabrouka », sorte d’école du parti qui ne dit pas son nom, l’endoctrinement à outrance, la multiplication des mosquées dans des lieux où quelque fois aucune âme ne vive en est certainement le second indice. Par complaisance ou mégarde, Deby a fait le lit de l’islamisme au Tchad et ses déclarations sur les menaces des djihadistes sur le Tchad sonnent le glas d’une situation de non-retour.
Les premiers effets de cet islam intolérant sont apparus au Nigeria voisin. S’il est considéré de manière générale que Boko Haram est une création des généraux nigérians nordistes ayant échoué dans leur tentative de reprise le pouvoir politique au Nigeria, pour enquiquiner les présidents sudistes successifs, l’origine et l’émergence de ce mouvement se trouve être le Tchad de Deby. Pour masquer leur rôle, les généraux nigérians ont sous-traité via Deby pour faire fonctionner Boko Haram. L’ex Gouverneur de l’Etat du Bornou fut l’homme de main des généraux de Lagos et en même temps l’intermédiaire privilégié entre eux et Deby. Ainsi ce sont le Gouverneur et Deby qui ont pratiquement tout fait pour rendre visible Boko Haram et ses activités. Mieux, Deby a joué un rôle important et fut un intermédiaire de choix dans les relations entre Boko Haram et les islamistes d’obédience wahhabite.
L’ex Gouverneur Ali Shérif de Maiduguri et Deby ont donc financé entièrement Boko Haram. A ses débuts, Boko Haram a élu domicile à N’Djamena, où l’ex Gouverneur était présent tous les weekends. Les réunions des membres de Boko se tenaient à N’Djamena, les financements de différentes provenances étaient concentrés à N’Djamena. Les armes, les moyens de communication sont aussi fournis par N’Djamena. Si Ali Shérif est l’œil des généraux de Lagos, du coté tchadien ce sont les Abdramane Moussa, Mahamat Ahmat Hadjara, Djibert Younous, etc., qui ont joué les intermédiaires, en espérant gagner une partie du flux financier important.
Boko Haram a acquis une notoriété internationale, elle est officiellement affiliée à Aqmi et dès lors elle a pris ses distances vis à vis de ses premiers géniteurs, mais il y a un domaine où Boko Haram, Deby et Ali Shérif ont continué à collaborer : le trafic de drogue. En effet, la drogue en provenance de l’Amérique du Sud est déchargée dans les différents ports de l’Afrique de l’Ouest ; de là, elle est transportée, escortée par les éléments de Boko Haram et de Aqmi jusqu’en Egypte en traversant plusieurs pays et particulièrement le Tchad, pour être réintroduite en Europe. Ces opérations sont personnellement suivies et supervisées par Ali Shérif qui avait élu entre temps domicile à N’Djamena et qui faisait des va et vient entre N’Djamena et le nord du Tchad, lieu de transit de la drogue. Depuis les évènements du mali, il se fait de moins en moins visible à N’Djamena.
Bien que Deby soit engagé contre AQMI au Mali, Boko Haram a toujours pignon sur rue à N’Djamena. Et dire que Boko Haram est une menace pour le Tchad, est une plaisanterie de mauvais goût, tant les relations sont étroites et anciennes. Au contraire, comme Boko Haram est vigoureusement traqué par le régime de Lagos, il utilise N’Djamena et la bienveillance de Deby pour ses nombreuses activités, particulièrement dans les pays voisins : Cameroun et Niger.
Même si le Tchad est en train de combattre les djihadistes, Deby conserve des relations privilégiées avec le régime soudanais, intermédiaire incontournable de toutes les activités djihadistes en Afrique, ce qui veut dire qu’il a la protection du centre névralgique d’islamisme. Boko Haram est dans nos murs et le jour où il y aura un évènement fâcheux au Tchad, sachez tout simplement qu’il s’agira d’un montage pour des coups fourrés à la Machiavel.

Aucun commentaire: