mercredi 17 avril 2013


15/4/2013
Conseil de sécurité
CS/10970

Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        
6946e séance – matin                                       

AU TERME D’UN DÉBAT SUR L’AFRIQUE, LE CONSEIL DE SÉCURITÉ SOULIGNE LA NÉCESSITÉ
DE RÉPONDRE AUX CAUSES PROFONDES ET AUX DIMENSIONS RÉGIONALES DES CONFLITS

Au terme d’un débat relatif à la « prévention des conflits en Afrique: s’attaquer aux causes profondes », le Conseil de sécurité a souligné, ce matin, dans une déclaration présidentielle, la nécessité de répondre aux causes sous-jacentes des conflits qui affectent le continent africain et à la dimension régionale de ces conflits.  Cette séance du Conseil de sécurité, qui a été présidée par la Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Rwanda, Mme Louise Mushikiwabo, était axée sur la prévention structurelle des conflits, à savoir leurs causes politiques et socioéconomiques.

Dans sa déclaration, M. Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, a indiqué que plusieurs facteurs sont à la source des conflits, que ce soit en Afrique ou ailleurs, et a cité à cet égard la faiblesse des institutions, les violations des droits de l’homme, ou la répartition inégale des ressources, des structures de santé ou du pouvoir au sein d’un pays.  « En outre, les tensions persistent là où les individus sont exclus, marginalisés, et là où leur participation utile n’est pas assurée dans la vie politique ou sociale », a souligné M. Ban.  Pour empêcher les conflits, le Secrétaire général a mis l’accent sur la bonne gouvernance, en particulier à travers le renforcement de la démocratie, ainsi que la création d’institutions d’État solides, responsables et plus efficaces.  « Il faut également œuvrer à promouvoir l’état de droit et à établir un contrôle véritablement démocratique sur les forces armées de chaque pays », a-t-il préconisé.  Le Secrétaire général a passé en revue plusieurs crises aux causes complexes, notamment dans la corne de l’Afrique ou dans la région des Grands Lacs.  Dans tous les efforts déployés par les Nations Unies en Afrique, il a souligné que l’Organisation tire avantage des organisations régionales existantes « qui ont retrouvé une nouvelle vigueur ». 

Pour le Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Togo, M. Elliot Ohin, les conflits internes qui éclatent en Afrique prennent souvent leurs racines dans « l’apprentissage laborieux de modèles de gouvernement et de concepts politiques exogènes ».  Le Ministre d’État togolais a notamment relevé que le tracé des frontières, hérité de la colonisation, apparaissait comme une source majeure de conflits sur le continent.  En outre, il a plaidé pour que la gouvernance économique des États africains soit repensée à travers un changement de mentalités, car les problèmes économiques du continent sont dus à la mauvaise gestion de ses nombreuses ressources.

« L’Afrique d’aujourd’hui n’est plus l’Afrique des années 80 ni celle des années 90 », a, pour sa part, souligné le représentant de l’Éthiopie, M. Tekeda Alemu, dont le pays assume la présidence de l’Union africaine.  Il a noté que les dirigeants africains avaient été en mesure de réaliser des progrès importants, comme cela a été démontré en Somalie notamment, ou de gérer des situations complexes, comme celle existant entre le Soudan et le Soudan du Sud.  « Les organisations sous-régionales du continent jouent un rôle clef en faveur de la paix et de la stabilité », a souligné M. Alemu.  Selon lui, la qualité des relations entre l’ONU et l’Union africaine peut encore être améliorée, en se basant sur la force de l’une et de l’autre », a-t-il insisté

De son côté, la Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Rwanda, Mme Mushikiwabo, qui présidait la séance, a fait remarquer que près de 70% de l’ordre du jour du Conseil de sécurité concernent les conflits en Afrique.  Or, a-t-elle demandé, « nous acquittons-nous de notre mandat si nous n’examinons pas les facteurs qui provoquent ceux-ci? ».  Elle a souligné que, depuis sa création, voilà 50 ans, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) avait démontré que les Africains étaient capables de travailler ensemble pour prévenir et régler les conflits.  Aujourd’hui, l’Union africaine doit cependant « faire plus et mieux, et elle a décidé de le faire », a-t-elle ajouté.  Le Rwanda a également mis en évidence l’expérience en matière de prévention des conflits acquise avec la justice et le processus de réconciliation tiré des tribunaux gacaca, qui ont fermé leurs portes en juin 2012 après avoir traité plus de 2 millions de cas liés au génocide rwandais de 1994.  Ce point de vue a été soutenu par le représentant de la Chine, qui a dit que la communauté internationale devrait aider les Africains à résoudre leurs problèmes par des voies africaines et respectant leurs vrais besoins et leurs traditions.

Parlant de justice, Mme Mushikibawo a assuré que le Rwanda a toutes les raisons d’appuyer un système robuste de justice internationale, mais qu’il ne croit pas que la Cour pénale internationale (CPI), telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, peut prévenir les conflits ou empêcher l’impunité.

Plusieurs membres du Conseil de sécurité, États parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), comme l’Argentine, l’Australie, la France, le Royaume-Uni, le Luxembourg et la République de Corée, ont d’ailleurs regretté que la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité ne fasse pas mention de la CPI.  « La justice joue un rôle essentiel dans la prévention des conflits, car elle est essentielle pour rappeler que le recours à la violence est illégal », a dit le représentant de la France.

Pour les États-Unis, prévenir les conflits nécessite de mettre en place des institutions capables et légitimes de gouvernance.  Mais la présence d’une société civile efficace et de médias libres peut aussi augmenter la confiance que les citoyens ont envers le système politique, leur permettre de se faire entendre et de faire comprendre leurs préoccupations.

Saluant la spécificité des organisations régionales, la Fédération de Russie a proposé de renforcer le partenariat entre le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.  Pour lever les obstacles qui empêchent de transformer le continent africain en un continent de paix, il faut se reposer sur un partenariat égal et mutuellement avantageux, sans connotation idéologique, a préconisé le représentant russe.

Le Rwanda avait élaboré un document de réflexion afin de guider les débats du Conseil.* On pouvait y lire que, durant ses 40 premières années, le Conseil de sécurité n’a créé qu’une seule opération de maintien de la paix en Afrique, l’opération des Nations Unies au Congo, en 1960.  Mais, durant la période allant de 1989 à 2011, 25 opérations ont été mandatées en Afrique.

* S/PRST/2013/4 (à paraître en français)

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Prévention des conflits en Afrique: s’attaquer aux causes profondes

Déclarations

« Bien que l’accent soit mis, aujourd’hui, sur l’Afrique; il y a des leçons universelles à tirer de la prévention des conflits et celles-ci peuvent être mises en œuvre partout dans le monde », a souligné M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

Il a rappelé que les causes des conflits sont liées à une faible gouvernance, à des violations des droits de l’homme, à des griefs liées très souvent à une répartition inégale des ressources, de la santé ou du pouvoir au sein d’un pays.  « En outre, les tensions persistent là où les individus sont exclus, marginalisés, et là où leur participation utile n’est pas assurée dans la vie politique ou sociale ».

Pour empêcher les conflits, nous devons renforcer la démocratie, créer des instituions d’État responsables, plus efficaces, promouvoir l’état de droit et œuvrer à établir un contrôle véritablement démocratique sur les forces armées de chaque pays », a-t-il poursuivi.  « C’est la raison pour laquelle la bonne gouvernance sera donc au centre de mon rapport sur la promotion de la paix et d’un développement durable en Afrique ». 

Le Secrétaire général a ensuite passé en revue la situation politique dans plusieurs pays africains.  Cette année, a-t-il souligné, des élections se sont tenues dans 20 pays du continent.  Il a cité en exemple la tenue dans le calme des élections au Kenya.  « Celles-ci ont été un exemple de la façon dont les désaccords électoraux peuvent être traités dans le cadre d’un processus légal et sans recours à la violence », a-t-il insisté.

Toutefois, dans certains cas, les élections peuvent être une source d’instabilité ou être utilisées « pour se répartir des butins de guerre ».  « C’est la raison pour laquelle il est si important de faire en sorte que les accords de paix ne soient pas seulement des pactes entre des élites politiques.  Ces accords doivent également traiter des causes sous-jacentes des conflits, et nous devons faire en sorte qu’ils soient pleinement mis en œuvre, supervisés et réalisés ».  M. Ban a estimé que cela était particulièrement clair dans le cas de la République centrafricaine, où la violation de l’Accord de Libreville par les parties a contribué à la reprise du conflit et au changement inconstitutionnel du Gouvernement.

Que ce soit dans la corne de l’Afrique ou dans la région des Grands Lacs, le Secrétaire général a souligné que le continent africain était toujours touché par des instabilités liées les unes aux autres et qui se propagent d’un territoire à un autre.  « Cette contagion a beaucoup de vecteurs, dont les flux d’armes, des déplacements massifs de populations, des rivalités régionales, ainsi que des relations de méfiance.  Dans ce contexte, M. Ban a mis l’accent sur le rôle déterminant de l’action régionale.

En République démocratique du Congo, par exemple, les dirigeants nationaux et régionaux se réunissent pour traiter des manifestations de la violence et des causes profondes des conflits.  Le Secrétaire général a exprimé sa reconnaissance au Conseil de sécurité pour s’être associé à l’approche des dirigeants de la région.

Au Soudan du Sud, M. Ban a souligné que des décennies de marginalisation politique et sociale ont eu pour conséquence une résistance militaire organisée.  « Les Nations Unies se sont engagées à aider ce jeune pays, et ce, même si elles en paient un prix fort lourd », a-t-il ajouté, condamnant l’attaque menée la semaine dernière et qui a coûté la vie à une douzaine de personnes, dont cinq Casques bleus.  Il a également noté que, depuis l’indépendance du Soudan du Sud, Juba et Khartoum avaient enregistré des progrès, certes lents, en vue de trouver des solutions aux problèmes persistants.  Une source de conflit demeure notamment le statut non réglé de la région d’Abyei.

S’agissant de la Somalie, le Secrétaire général a également mis en évidence les causes complexes de ce conflit.  Cette crise est, en outre, aggravée par l’identité de clan, l’accès facile aux armes, la présence de nombreux jeunes sans emploi et la culture de l’impunité concernant l’usage de la violence.  Il a cependant souligné que le Gouvernement fédéral somalien était entré dans une nouvelle ère de consolidation de la paix et de l’État, mais qu’il devait faire face à des défis considérables.

Le Secrétaire général s’est encore dit préoccupé par la situation au Sahel, où les pays sont confrontés à des décennies de défis complexes liés à la pauvreté, à la mauvaise gouvernance, à la corruption, aux trafics illicites ou à des menaces sécuritaires liées au terrorisme.  Cette situation est encore aggravée par le fait que les États de la région ont des capacités limitées en ce qui concerne l’obligation d’assurer des services de base et une protection des droits de l’homme.  En outre, dans de nombreux pays, comme au Mali, au Niger, ou au Burkina Faso, une sécheresse grave et l’insécurité alimentaire portent atteinte aux efforts de stabilisation, a déploré M. Ban.  Enfin, s’agissant de la Guinée Bissau, le Secrétaire général a souligné que les Nations Unies ont continué à promouvoir un dialogue d’inclusion aux différents acteurs nationaux en vue de restaurer l’ordre constitutionnel.

Dans tous les efforts déployés par les Nations Unies en Afrique, le Secrétaire général a souligné que l’Organisation tire avantage des organisations régionales « qui ont retrouvé une nouvelle vigueur », a-t-il dit.  Il a, à titre d’exemple, cité la réaction rapide de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) dans la crise en République centrafricaine.  Il a aussi expliqué que l’ONU travaille, entre autres, avec la Communauté économique des États de l’Afrique australe (SADC) en vue de renforcer l’architecture de prévention des conflits.  En outre, les Nations Unies poursuivent leur partenariat de 10 ans avec l’Union africaine en vue du renforcement des capacités, ainsi que leur engagement vis-à-vis de ces différentes organisations: la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs.

« Mais, avant tout, il est essentiel de faire en sorte que les communautés affectées soient maîtres de leurs initiatives de prévention et de lutte contre les conflits », a poursuivi le Secrétaire général.  Il a aussi souligné que la prévention exige également de traiter de la culture d’impunité qui entoure la violence sexuelle.

M. ELLIOTT OHIN, Ministre d’État, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Togo, a relevé que les causes profondes des conflits en Afrique sont d’ordre politique, social et économique, et sont enracinées dans l’héritage colonial et dans l’histoire du continent, faite de conquêtes de territoires.  Il a ainsi expliqué que les conflits internes qui éclatent en Afrique prennent souvent leurs racines dans l’apprentissage laborieux de modèles de gouvernement et de concepts politiques exogènes.  Cette inadéquation, voire cette inadaptation structurelle et fonctionnelle de l’État et des institutions, héritées du colonialisme continuent de générer des luttes illégales pour la conquête du pouvoir qui se transforme souvent en rivalités ethniques ou religieuses, a-t-il ajouté.  Sur le plan économique, il a indiqué que la mauvaise gestion des ressources économiques, l’appauvrissement croissant des populations et le manque de perspectives d’une jeunesse en pleine expansion, sont des facteurs qui peuvent conduire aux conflits en Afrique.  M. Ohin a proposé, dans le cadre de la prévention des conflits, de s’attaquer aux racines du mal à travers une approche globale et régionale.  Il a ainsi suggéré la promotion et le renforcement d’une culture démocratique, garante des droits de l’homme, qui pourrait aider à réduire les risques de conflits en offrant à tous les mêmes chances de participation à la gestion des affaires publiques.  Il a également loué les initiatives africaines en matière de démocratie et de bonne gouvernance telles que le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, qui sont « de véritables outils de promotion de la démocratie sur le continent ».

Le représentant a en outre souhaité que la gouvernance économique des États africains soit repensée à travers un changement de mentalités car, a-t-il noté, « les problèmes économiques de l’Afrique ne se trouvent pas tant dans sa pauvreté, mais plutôt dans la mauvaise gestion de ses nombreuses richesses ».  Il a également relevé que le tracé des frontières, hérité de la colonisation, apparaît comme une source de conflits majeure en Afrique.  Il a dans ce contexte exhorté la communauté internationale à soutenir davantage le « Programme frontière » de l’Union africaine, visant à l’achèvement des démarcations des frontières à travers le continent, afin de diminuer les risques de conflits interétatiques liés aux ressources.  Il a par ailleurs estimé que les organisations de la société civile ont un rôle à jouer dans le cadre de la culture de la paix, et il a souhaité que les solutions structurelles endogènes aux conflits en Afrique soient trouvées sur le continent, afin de remédier aux résultats mitigés des approches imposées de l’extérieur au continent africain.

M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie), représentant la présidence de l’Union africaine, a pris comme point de départ de sa déclaration le rapport du Secrétaire général de 1998 intitulé « Les cause des conflits et la promotion d’une paix et d’un développement durables en Afrique ».  Ce rapport a justement pris en compte l’histoire coloniale comme source de conflit en Afrique.  Il a également souligné le rôle vital de la coopération internationale pour le développement de l’Afrique, a estimé M. Alemu.  Il a été clairement indiqué que le continent est responsable au premier chef de son maintien de la paix et de la sécurité, a-t-il rappelé.  « L’Afrique d’aujourd’hui n’est plus l’Afrique des années 80 ni celle des années 90 », a ensuite déclaré M. Alemu.  À titre d’exemple, il a évoqué les progrès réalisés en Somalie et la gestion de la situation complexe entre le Soudan et le Soudan du Sud.  Par ailleurs, l’Union africaine a adopté une architecture de paix et de sécurité, dont les principales composantes sont le Conseil de paix et de sécurité, le système d’alerte rapide à l’échelle du continent et le Groupe des sages, a-t-il rappelé.  Le représentant a rappelé combien le génocide au Rwanda avait illustré la faiblesse de l’Afrique en 1994.

M. Alemu a insisté sur « la confiance » que les Africains ont réussi à construire et leur volonté de renforcer leur unité.  Même s’il reste beaucoup à accomplir, l’Afrique a bien progressé en développant les conditions d’une bonne gouvernance, a-t-il souligné.  Le représentant s’est ensuite félicité du partenariat croissant entre le Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.  À cet égard, il a souhaité le renforcement de la collaboration entre l’ONU et l’Union africaine.  Les organisations sous-régionales du continent jouent également un rôle clef en faveur de la paix et de la stabilité.  La qualité des relations entre l’ONU et l’Union africaine peut encore être améliorée, en se basant sur la force de l’une et de l’autre, a-t-il insisté.  En conclusion, le représentant a souligné le déficit des institutions comme étant l’une des sources des conflits en Afrique.  On croit parfois que « plus l’État est faible, plus il y a d’espace pour la démocratie », a-t-il ajouté.  Ce n’est pas toujours vrai, mais le fait est qu’il faut toujours s’efforcer de « maintenir un équilibre nécessaire » entre la libéralisation politique et les prérogatives de l’État.  Des leçons doivent être ainsi tirées des expériences récentes, y compris au Mali.     

M. GARY QUINLAN (Australie), a commencé par rappeler les chiffres avancés dans le rapport 2011 du développement mondial selon lequel une guerre civile peut coûter en moyenne à un pays jusqu’à 30 ans de croissance économique, avec des débordements régionaux inévitables et près de 42 millions de personnes déplacées en raison de conflits, de violences et d’abus des droits de l’homme.  Par conséquent, il ne fait pas de doute pour l’Australie que « la prévention des conflits vaut bien mieux que leur règlement ».  Parmi les causes profondes des conflits africains, le représentant est revenu sur la nécessité de la consolidation des institutions en se basant sur la relation incontestée qui existe entre institutions fortes et auxquelles on fait confiance, et développement et prévention des conflits.  Il a également cité les « opportunités économiques », en évoquant cette fois le lien entre sécurité et développement et en mettant l’accent sur l’urgence de répondre aux attentes de la jeunesse et des femmes africaines.  La troisième cause de conflit reste, selon lui, la gestion des ressources naturelles de l’Afrique qui peuvent être « source de conflit ou opportunité de croissance » pour le continent.

Parmi les facteurs qui alimentent les conflits africains, le représentant a identifié le trafic illicite de petites armes et a souhaité l’application robuste du Traité sur le commerce des armes légères qui a été récemment adopté à l’ONU.  Il a également mis l’accent sur les changements climatiques qui sont à l’origine de la « compétition accrue pour des ressources limitées comme l’eau et la nourriture ».  Il faut minimiser cette menace en misant sur les outils à notre disposition, notamment les systèmes d’alerte rapide et l’optimisation de la gestion des ressources, a-t-il recommandé.

Pour ce qui est de la « responsabilité de protéger », le représentant a estimé que 19 ans après le génocide rwandais, la protection contre ce type d’atrocités fait désormais intrinsèquement partie de la prévention de conflits.  Elle doit s’accompagner de la lutte contre l’impunité, notamment par le biais d’instruments comme la Cour pénale internationale, a-t-il souligné.  Quant au rôle de l’Union africaine et des autres organisations sous-régionales, il a mis l’accent sur l’avantage comparatif qu’ont ces organisations pour pouvoir s’attaquer aux causes profondes des conflits africains, compte tenu du fait que ces causes transcendent souvent les frontières nationales.  À ce titre, il a reconnu l’efficacité de la nouvelle architecture pour la paix et la sécurité de l’Union africaine et a souhaité que la communauté internationale soutienne ces mécanismes, notamment la pleine opérationnalisation du Mécanisme d’alerte rapide continental et son intégration dans les systèmes sous-régionaux et nationaux.  Pour ce qui est du renforcement de la coopération ONU-Union africaine, il a regretté qu’il avait généralement lieu dans un contexte de conflit, et a estimé qu’il fallait dépasser cette approche « réactive » en institutionnalisant des réunions et des dialogues par le biais de groupes de travail conjoints et de réunions annuelles entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.

M. JEFFREY DeLAURENTIS (États-Unis) a souligné que le Conseil de sécurité avait porté une attention adéquate aux conflits violents qui ont été des facteurs de destruction en Afrique.  Il a ensuite salué le rôle joué par les organisations régionales qui ont permis, a-t-il dit, de diminuer le nombre et l’intensité de ces conflits.  Il a cependant regretté que les facteurs sous-jacents entretenant ces conflits continuent de les aggraver, en particulier la pauvreté, les inégalités sociales, l’absence d’une bonne gouvernance ou de la primauté du droit, l’existence de jeunes sans emploi et désabusés, qui peuvent devenir les victimes potentielles d’abus de la part de certains groupes.  Dans ce contexte, le représentant a estimé qu’il fallait œuvrer en faveur d’institutions de gouvernance capables et légitimes, qui créent la sécurité et permettent aux différents acteurs de pratiquer la politique en paix.

En outre, il a estimé que la présence d’une société civile efficace et de médias peut augmenter la confiance que les citoyens ont envers le système politique, leur permettre de se faire entendre et de faire comprendre leurs préoccupations et leurs intérêts.  « Il faut également mettre en place des institutions capables et légitimes de gouvernance, qui puissent assurer des services de base aux populations et leur assurer un accès à la justice », a-t-il dit.  Enfin, le représentant a estimé que la communauté internationale devait relancer ses efforts sur plusieurs fronts clefs.  Le premier, a-t-il dit, étant l’élimination de la pauvreté.  À cet égard, les États-Unis mobilisent un grand nombre d’outils, depuis les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) jusqu’au renforcement de la coopération, du soutien à la croissance ou par des initiatives globales en matière de santé.  « L’ensemble du système des Nations Unies a un rôle clef à jouer, tout comme le secteur privé », a-t-il insisté. 

Avant de conclure, le représentant a mis l’accent sur le renforcement de la bonne gouvernance.  Dans ce contexte, il a estimé que les Opérations de maintien de la paix pouvaient assurer la stabilité politique et fournir aux acteurs nationaux un espace afin de construire une action politique essentielle.  « Nous devons aussi envisager des façons innovantes d’entretenir une nouvelle génération de dirigeants », a-t-il ajouté, citant, à cet égard, l’initiative lancée par le Président Obama en faveur de cette nouvelle génération de dirigeants africains.  Notant que plus de la majorité des guerres civiles en Afrique ont commencé depuis 2000, il a mis l’accent sur la nécessité d’écouter les pays ayant réussi une transition de la guerre à la paix, notamment à travers le G-7+1.  Il a aussi estimé que la communauté internationale disposait, à présent, de nombreuses connaissances ayant trait aux causes des conflits, et que celle-ci devait les utiliser davantage et avec clairvoyance et dévouement.

M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a reconnu que, du point de vue du programme de travail du Conseil de sécurité, l’Afrique se présente comme un continent « à problèmes ».  Toutefois, pour le reste des Nations Unies, y compris le Nouveau partenariat  pour le développement de l’Afrique (NEPAD), c’est une image « beaucoup plus encourageante » qui émerge.  L’Afrique a enregistré des progrès notables dans tous les domaines: gouvernance démocratique, développement économique et social, consolidation de la paix et de la coopération interrégionale.  « Même les situations les plus préoccupantes à l’ordre du jour du Conseil de sécurité ne sont pas nécessairement condamnées à créer le chaos et le désespoir », a-t-il déclaré.

L’expression « causes profondes des conflits », a été trop galvaudée, a estimé M. Rosenthal.  Il est évident qu’il ne suffit pas d’envoyer des contingents militaires pour rétablir la paix et la stabilité et qu’il faut s’attaquer aux causes profondes des conflits.  Mais celles-ci varient d’une situation à l’autre et répondent à des traits culturels profondément enracinés et résistants aux changements à court terme, a-t-il constaté.  En outre, les conflits, en Afrique comme dans les Balkans et au Moyen-Orient, ont tendance à s’aggraver avec la concurrence pour l’exploitation des ressources naturelles et le tracé des frontières politiques.  Évoquant d’autres causes, comme la marginalisation, l’exclusion sociale, la pauvreté extrême et les violations des droits de l’homme, le représentant s’est prononcé en faveur du concept le plus large possible du maintien de la paix pour faire face à des conflits multidimensionnels et complexes.  Il a prôné un partenariat plus étroit entre le Conseil de sécurité, le Conseil économique et social, la Commission de consolidation de la paix et les institutions financières multilatérales.  Soulignant le rôle de la justice pour parvenir à la paix et à la sécurité en Afrique, il a rappelé que sa délégation avait organisé un débat public sur ce thème, pendant sa présidence d’octobre dernier, et s’est dit convaincu que la Cour pénale internationale est un mécanisme adéquat pour la prévention des conflits.

M. Rosenthal a reconnu que le continent africain dispose de nombreuses institutions à caractère régional et sous-régional, en commençant par l’Union africaine.  La multiplicité d’associations complexes entre celles-ci et le Conseil de sécurité, dans le cadre du Chapitre VIII, nécessite une plus grande clarté conceptuelle mais, dans l’ensemble, la forte présence d’institutions africaines qui complètent le rôle du Conseil est positive.  Enfin, à propos de l’établissement d’une brigade d’intervention dans le cadre de la MONUSCO et de la proposition du Secrétaire général de créer une force semblable au Mali, le Guatemala est préoccupé par ce qu’il perçoit comme étant « une érosion continue des principes d’impartialité et de non recours à l’usage de la force dans les opérations de maintien de la paix », a souligné M. Rosenthal.

Notant que les conflits en Afrique, ainsi que les questions africaines sont à l’ordre du jour de la majorité des réunions du Conseil de sécurité, Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a mis en évidence « d’importants progrès réalisés par ce continent en faveur de la prévention des conflits, du maintien de la paix, du développement, de la promotion de la démocratie, de l’état de droit et de l’ordre constitutionnel ».  « Il est cependant important d’expliquer que, compte tenu du principe de souveraineté, la responsabilité de la paix et de la sécurité incombe aux pays africains eux-mêmes », a-t-elle précisé, et ce, en tenant compte des causes profondes des conflits que connait le continent.  L’Afrique doit continuer à recevoir l’appui des Nations Unies.  « Cela ne signifie donc pas l’interventionnisme ou une nouvelle forme de colonialisme, mais plutôt le multilatéralisme, la coopération et la complémentarité », a-t-elle dit.

Elle a ensuite présenté différents facteurs clefs en vue d’aborder la « dimension structurelle » des conflits.  Elle a, en particulier, plaidé pour la lutte contre l’impunité et pour la justice.  L’Argentine, sur la base de sa propre expérience, est convaincue que cette lutte et les efforts réalisés en faveur de la justice permettent de prévenir et d’éviter les conflits, car la justice envoie le message clair selon lequel les crimes graves ne seront jamais tolérés.  À cet égard, elle a souligné que les tribunaux ad hoc avaient ouvert la voie à cette nouvelle étape et à l’ère de la reddition des comptes.  C’est la raison pour laquelle l’Argentine regrette que la Cour pénale internationale (CPI) ne soit pas mentionnée dans la déclaration présidentielle adoptée lors de cette séance du Conseil, a dit la représentante.  Elle a ensuite fait remarquer que la CPI constitue un coût de 7 milliards de dollars annuels, tandis que le coût de la violence dans le monde frôle les 400 milliards de dollars par an, dont 18 milliards sur le continent africain.  Citant le Secrétaire général, elle a indiqué que 60 années d’opérations de maintien de la paix avaient coûté moins que l’équivalent de six semaines des dépenses militaires mondiales actuelles.

Pour prévenir ou empêcher les conflits, la représentante a ensuite plaidé pour une approche intégrée des questions environnementales et socioéconomiques, rappelant que le climat et la sécurité étaient intimement liés, et que des modes de production non durables occasionnaient des dommages importants.  Elle a aussi mis l’accent sur les facteurs de conflits liés à l’insécurité alimentaire.  « La faim dans le monde n’est pas de la faute des peuples, ni d’ailleurs l’instabilité des prix des aliments, mais elle est le résultat de la pauvreté et d’une distribution injuste de la richesse, ainsi que du protectionnisme au niveau du commerce international », a-t-elle regretté.  Elle a plaidé pour un « changement fondamental » de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et du système monétaire international actuel ».  « Il est impossible que tout continue de fonctionner comme si la crise économique et financière n’avait jamais eu lieu », a-t-elle dit.  Enfin, notant une nouvelle fois que la majorité des situations examinées par le Conseil de sécurité ont trait à l’Afrique, la représentante a encore insisté sur l’importance de la représentation du continent au sein Conseil de sécurité.

Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a déclaré que les conflits violents constituent un des principaux obstacles à l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le développement et empêchent des millions d’individus de vivre dignement en Afrique.  Dans ce contexte, il convient que le Conseil de sécurité, qui assume la responsabilité du maintien de la paix et de la sécurité internationales, et l’ensemble des Nations Unies, renforcent leur action, en bonne intelligence avec l’Union africaine, les organisations sous-régionales et les États africains, en s’attaquant aux causes profondes de ces conflits.  Concernant cette coopération, elle a rappelé que l’Union européenne avait versé 50 millions d’euros pour soutenir l’opérationnalisation de l’architecture africaine de paix et de sécurité, notamment la mise en place du Mécanisme d’alerte précoce continental et régional et la Force africaine en attente.

Parmi les causes profondes des conflits en Afrique, la représentante a mentionné les modes de gouvernance, y compris de gouvernance économique, qu’il faut améliorer.  Elle a évoqué les trajectoires démocratiques et les processus de renforcement des institutions étatiques que connaissent les États africains, et qui doivent être légitimes et compétentes afin d’améliorer la sécurité et le bien-être socioéconomique de l’ensemble des citoyens.  Pour éviter les conflits, il s’agit, a-t-elle estimé, de mettre en place une gouvernance politique et économique inclusive qui permette une redistribution équitable des richesses et garantisse à l’ensemble de la population une meilleure protection sociale tout en donnant la priorité à la création d’emplois.  « L’exploitation illégale des ressources naturelles et l’absence de garantie des droits fonciers constituent dans certains cas un élément déclencheur de conflit », a indiqué Mme Lucas en demandant qu’une attention particulière soit portée à la gestion transparente des ressources naturelles et des revenus qu’elles génèrent pour le budget de l’État.

Fort de son expérience au sein de la Commission de consolidation de la paix, le Luxembourg est convaincu du bien fondé d’une telle approche globale et pluridimensionnelle, basée également sur la réforme du secteur de la sécurité et de la défense dans un esprit d’appropriation nationale, a ajouté la représentante.  La lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves constitue également un élément important de la prévention des conflits, a-t-elle souligné, car « il ne saurait y avoir de paix durable sans que justice ne soit rendue ».  À ce titre les juridictions nationales, en tant que maillon clef de la justice transitionnelle, constituent la première ligne de défense contre l’impunité.  D’une manière complémentaire, la Cour pénale internationale joue également un rôle crucial dans la lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre, a-t-elle relevé. 

M. LI BAODONG (Chine) s’est félicité du fait que les capacités des pays africains et des organisations régionales aient été renforcées en vue de faire face aux questions de paix et de sécurité.  Il a toutefois reconnu que l’Afrique demeure le continent où la situation sécuritaire demeure fragile.  Les causes profondes de cette situation sont complexes et liées au terrorisme, à des divergences religieuses ou ethniques, ainsi qu’à l’histoire, à la pauvreté, au sous-développement et à l’absence de capacités fiables.  Dans ce contexte, le représentant a estimé qu’il fallait aider l’Afrique à parvenir à une croissance et au progrès social. 

Pour y parvenir, il faut traiter des causes essentielles des conflits, en particulier à travers les domaines prioritaires identifiés par les pays africains eux-mêmes, a-t-il souligné.  « Il est important que les mots soient suivis d’effets.   L’Afrique n’appartient à personne, sinon à ses peuples, et les pays développés doivent avoir l’esprit ouvert et tenir compte d’une coopération mutuelle et juste, et ce dans le plein respect de leur volonté », a-t-il préconisé.

Notant que 2013 marquait le cinquantième anniversaire de la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le représentant a estimé que la communauté internationale devait aider les peuples africains à traiter et à résoudre leurs problèmes avec des moyens africains, et ce, en respectant leurs besoins et leurs traditions.  Il a émis l’espoir que les Nations Unies continuent de renforcer leur coopération avec l’Afrique et que la communauté internationale continue de répondre aux demandes de l’Afrique en faveur du maintien de la paix et de l’assistance technique.  Il a expliqué que la Chine fournissait une telle assistance à travers son Forum de coopération pour l’Afrique.

M. AGSHIN MEHDIYEV (Azerbaïdjan) a évoqué le rapport du Secrétaire général de 1998 sur les causes des conflits, au centre duquel figurait « un appel aux pays africains et à la communauté internationale à faire preuve de volonté politique pour transformer la rhétorique en réalité ».  Quinze ans plus tard, cet appel est toujours aussi pertinent, a-t-il ajouté.  Les pays africains ont progressé, mais les conflits n’ont pas cessé, a-t-il observé.  Malgré la diversité des pays, les causes profondes des conflits sont très liées, semblables et complexes.  Selon le représentant, il n’y a pas de cause unique ni de solution unique; mais il faut une réponse intégrée et globale et l’engagement constant de la communauté internationale pour les résoudre.

« En tant que pays qui souffre d’une occupation étrangère, l’Azerbaïdjan comprend les conflits non résolus en Afrique », a poursuivi le représentant.  Il est important de respecter la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique des États, a-t-il souligné.  De plus, a-t-il poursuivi, il faut « mettre fin à l’impunité » pour garantir une paix durable.  En outre, la question de l’exploitation illégale et du commerce des ressources naturelles en Afrique doit être abordée, a-t-il préconisé.  Après avoir salué le rôle de l’Union africaine en tant que chef de file régional, il a reconnu que la responsabilité en matière de prévention des conflits incombe principalement aux pays africains eux-mêmes.  Quant au renforcement de la coopération avec l’Union africaine et ses États membres, c’est une priorité pour l’Azerbaïdjan, qui a mis en œuvre plusieurs programmes d’assistance et fourni une aide financière humanitaire à divers pays africains, a dit le représentant.

M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a reconnu que l’ONU, le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les organisations régionales et sous-régionales ont fait un travail considérable pour étudier les causes des conflits en Afrique.  Ces causes ont un caractère politique, social, économique et humanitaire; elles sont accentuées par le terrorisme international, l’extrémisme religieux, la criminalité organisée ou le trafic des stupéfiants et des armes.  « Il n’existe pas de recette simple et rapide » pour la prévention des conflits, mais il faut adopter une stratégie équilibrée, a poursuivi le représentant.  À cet égard, la Fédération de Russie considère que la responsabilité première est avant tout celle des habitants du continent et que l’aide extérieure « ne doit pas être imposée ».

La prévention réussie des conflits dépend de l’utilisation efficace de toute une série d’instruments diplomatiques, notamment la mise en œuvre des dispositions du Chapitre VIII de la Charte.  Tout en rappelant le caractère universel et la légitimité de l’ONU, le représentant a reconnu la spécificité des organisations régionales et salué le rôle de chef de file de l’Union africaine.  Si le rôle du Conseil de sécurité dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales demeure intangible, il appartient aux pays africains eux-mêmes de lutter contre les groupes armés illégaux et les mercenaires, de renforcer leurs relations de bon voisinage et de combattre le chômage, entre autres activités.

La Fédération de Russie propose de renforcer le partenariat entre le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.  En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie contribue à la stratégie de la communauté internationale pour empêcher les conflits en Afrique et est prête à renforcer son propre potentiel anticrise en formant des soldats de la paix.  Pour lever les obstacles qui empêchent de transformer le continent africain en un continent de paix, il faut se reposer sur un partenariat égal et mutuellement avantageux, sans connotation idéologique, a préconisé le représentant.

Intervenant sur « une note positive », selon ses propres termes, M. MASOOD KHAN (Pakistan) a constaté la croissance économique « impressionnante » de l’Afrique; le contrôle de plus en plus confirmé qu’elle a sur son propre destin; le leadership efficace dont font preuve l’Union africaine et les organisations sous-régionales africaines et les succès en Somalie, en Sierra Leone, au Libéria et en Côte d’Ivoire dans le règlement des conflits.  Il n’en demeure pas moins que 62% des questions inscrites à l’ordre du jour du Conseil de sécurité concernent encore l’Afrique, a encore remarqué le représentant pour lequel les conflits africains s’expliquent en grande partie par l’héritage de frontières artificielles, l’exploitation des ressources naturelles de l’Afrique, la pauvreté, les divisions tribales et ethniques, le trafic illégal d’armes de petit calibre ainsi que l’émergence du terrorisme.

Pour M. Khan, la prévention structurelle des conflits en Afrique passe par le renforcement du lien entre sécurité, développement et droits de l’homme, sans pour autant s’engager sur la voie de « la construction de la nation ».  « Les nations africaines seront forgées par leurs propres peuples et non pas par le Conseil de sécurité ou l’Union africaine, qui peuvent cependant légitimement les aider à éviter les conflits », a estimé M. Khan.  À ce titre, il a salué le renforcement de la coopération entre le Conseil de sécurité et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.  Il a également souhaité que les missions de maintien de la paix intégrées fassent en sorte que les efforts engagés pour faire face aux causes profondes des conflits continuent au-delà de leur départ de la zone en conflit concernée.

Le développement économique de l’Afrique reste toutefois le meilleur moyen pour contrecarrer les causes profondes des conflits, a estimé M. Khan, soulignant que le continent est sur la bonne voie, avec un taux de croissance de 6% pour cette année et des flux d’investissements étrangers directs en hausse de 50% depuis 2005.  De plus, l’Union africaine a apporté une cohérence stratégique et un leadership dans la gestion des conflits africains, et s’est dotée d’une architecture régionale et sous-régionale de mécanismes de prévention et de gestion de conflits.  S’agissant de la situation au Sahel, qui est menacé de déstabilisation suite à la montée du crime organisé et du terrorisme, M. Khan a demandé que la Stratégie intégrée des Nations Unies pour cette région soit mise en œuvre avec les moyens financiers nécessaires.  Il a également mis l’accent sur l’urgence d’une approche intégrée pour le développement de la jeunesse africaine (60% de la population africaine a moins de 25 ans).  Par ailleurs, l’Afrique doit lutter contre le problème de l’exploitation illégale de ses ressources naturelles et du partage de ses richesses, a encore noté le représentant.

M. LYALL GRANT (Royaume-Uni) a fait remarquer que la persistance des conflits en Afrique continue de nuire au continent, y entrainant, entre autres, l’utilisation d’enfants soldats ou des déplacements massifs de populations.  Ces conflits empêchent aussi le continent de jouir de son potentiel de ressources.  « C’est la raison pour laquelle il faut s’attaquer aux causes profondes de ces conflits, pour que le continent africain puisse jouir de ce potentiel », a-t-il dit.

Il a ensuite rappelé que le génocide au Rwanda avait menacé l’existence même du pays et de son peuple.  « La communauté internationale a reconnu, avec honte, que nous aurions dû faire davantage », a-t-il dit, soulignant que le principe de la « responsabilité de protéger » avait été adoptée par tous, en 2005, afin d’éviter que de tels actes se reproduisent.  « Aujourd’hui, nous devons toutefois admettre que nous ne nous en sortons pas si bien que cela en Afrique, car certains conflits se sont aggravés.  Nous devons, dès lors, tirer les leçons de nos échecs », a souligné le représentant.

Le Royaume-Uni pense que des systèmes politiques représentatifs, ainsi que l’application sans faille de l’état de droit et de la justice sociale permettent d’éviter les conflits, en Afrique comme ailleurs.  Le représentant a déclaré que la crise en République démocratique du Congo, par exemple, illustre combien, lorsque ces facteurs sont absents, il est difficile de rompre le cycle de ces conflits.  Il a également insisté sur les engagements pris par les ministres des affaires étrangères du G-8 en vue d’enrayer la violence sexuelle et a précisé que son pays donnerait suite à cette initiative lorsqu’il assumera la présidence du Conseil de sécurité, en juin prochain.

En cas de crise, il faut être en mesure de détecter les prémisses de celle-ci le plus rapidement possible, a-t-il préconisé.  À cet égard, le représentant a plaidé pour un renforcement du système d’alerte rapide et a émis l’espoir que le Centre de crise de l’ONU puisse faire une différence.  Il a également encouragé les États Membres à avancer davantage dans le domaine de la diplomatie préventive.  « Trop de membres de ce Conseil n’assument pas leur responsabilité lorsqu’un conflit éclate », a-t-il ajouté.  Enfin, il a plaidé pour le rôle de la justice transitionnelle dans des situations postconflits et a appuyé le rôle des organisations régionales, notant que celui-ci doit s’inscrire dans le respect du mandat du Conseil de sécurité en ce qui concerne le maintien de la paix et la sécurité internationales.

M. MOHAMED LOULICHKI (Maroc) a noté d’emblée que ce débat intervient au moment où l’Afrique s’apprête à célébrer le cinquantenaire de la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA).  Il a relevé des causes sous-jacentes aux conflits en Afrique, à savoir, les causes internes, telles que les problèmes rencontrées par les États dans le cadre du renforcement des institutions étatiques, la gestion des transitions démocratiques et la promotion d’un développement socioéconomique durable.  En termes de causes externes, il a aussi évoqué la dimension de plus en plus régionale des conflits en Afrique, et l’effet déstabilisateur grandissant des réseaux criminels et terroristes transnationaux.  Il a, de ce fait, soutenu que « toute politique de prévention et de résolution des conflits passe par la mise en place d’un environnement national et régional favorable à la paix et à la stabilité, adressant de manière intégrée et globale les causes profondes et pluridimensionnelles des conflits ». 

Le représentant a par ailleurs relevé qu’il ne peut y avoir de paix sans développement durable, et il a ajouté que l’élimination de la pauvreté est une mesure importante pour instaurer durablement la paix et la stabilité sur le continent africain.  Il a par la suite appelé la communauté internationale à soutenir les États africains dans la mise en place d’instituions sécuritaires modernes et capables d’assurer la sécurité de leur territoire et de protéger leurs citoyens.  M. Loulichki a en outre suggéré la mise en place d’approches innovantes de résolution de conflits, telles que l’importance de l’entraide régionale entre États, et le renforcement de la coopération entre les Nations Unies et les pays de la région et de la sous-région concernés par les conflits.  Le représentant a rappelé l’adoption, le 31 janvier 1992, par le Conseil de sécurité de l’« Agenda pour la paix » qui mettait l’accent sur la diplomatie préventive.  Il a souhaité que les Nations Unies prennent toujours en référence cette vision de règlement des différends par les voies pacifiques, et notamment par l’adoption d’approches réalistes, pragmatiques et durables ayant le consentement des différentes parties.  Il a également rendu hommage au rôle du Secrétaire général et des Casques bleus dans la prévention des conflits et la préservation de la paix, notamment en Afrique.

M. KIM SOOK (République de Corée) a souligné la nécessité de prendre en considération les causes profondes des conflits en Afrique.  L’Afrique, a-t-il dit, « a fait preuve de leadership pour prévenir les conflits » dont le nombre et l’intensité ont été réduits, même si les défis demeurent.  La prévention rapide des conflits permet d’éviter des morts et de jouir des fruits du développement économique, a relevé le représentant.  Il a souligné les liens qui se renforcent mutuellement entre le développement et la sécurité.  Le PNB par habitant en Afrique a augmenté de 30% et les investissements étrangers allant vers le continent ont triplé au cours des 30 dernières années.  La mise en place d’institutions nationales fortes est également essentielle, en se basant sur le principe de l’appropriation nationale et du renforcement des capacités.

Les États africains sont encouragés à étudier les leçons tirées de leurs expériences et à lutter contre l’impunité, a préconisé le représentant.  En tant qu’État partie au Statut de Rome, la République de Corée « accorde une grande valeur au rôle de la Cour pénale internationale ».  Consciente du large éventail de parties prenantes impliquées dans les conflits en Afrique, la République de Corée souhaite la mise en œuvre effective des mécanismes de prévention existants, en les adaptant à des situations spécifiques.  Il faut répondre aux besoins de réconciliation et de justice et « écouter les personnes les plus âgées », en tenant compte d’horizons culturels et ethniques très différents.

Saluant l’architecture de paix et de sécurité adoptée par l’Union africaine, ainsi que le partenariat entre le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité africain, le représentant a fait remarquer que le partage du fardeau entre les organisations régionales et sous-régionales mène à l’obtention de résultats.  Toutefois, « les États africains doivent montrer davantage de volonté dans la prévention des conflits » en fournissant à ces organisations davantage de ressources.  Pour sa part, la République de Corée organise un forum Corée-Afrique avec l’Union africaine depuis 2006.

M. GÉRARD ARAUD (France) a rappelé que le Rwanda, ayant connu un génocide en 1994 qui a causé des centaines de milliers de morts, sait mieux que quiconque que prévenir un conflit demande de traiter de ses causes profondes.  Il a rappelé que lorsqu’un conflit se dessine, les Nations Unies recourent de façon croissante à des outils de prévention, mais ces mesures interviennent parfois trop tard.  C’est pourquoi, a-t-il expliqué, au-delà de la gestion des facteurs conjoncturels des conflits en Afrique, les Nations Unies doivent poursuivre leurs efforts pour anticiper davantage en cherchant à traiter, au plus tôt, les causes profondes des conflits.  Au sujet desdites causes, il a évoqué les questions de gouvernance comme c’est le cas au Mali où des revendications de différents groupes de la société malienne ont contribué à précipiter le pays dans le chaos.  M. Araud a également évoqué les crises au Darfour, dans le Nil bleu et au Kordofan du Sud qui s’expliquent en partie par la représentation politique jugée insuffisante de ces régions à Khartoum.  Le représentant a également cité les enjeux économiques et sociaux comme causes des conflits en Afrique.  Dans ce contexte, il a pris en exemple le traitement des questions de partage des ressources minières dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).  M. Araud a ensuite relevé que l’absence d’état de droit, de police et de justice est une cause structurelle des conflits.  En l’absence de forces militaires ou de police crédibles, a-t-il expliqué, ce sont des groupes armés qui prennent en charge le contrôle d’une région où d’un État, a-t-il souligné en citant les cas de la RDC, du Mali et de la République centrafricaine. 

M. Araud a indiqué que la justice joue un rôle essentiel dans la prévention des conflits, car elle est essentielle pour rappeler que le recours à la violence est illégal.  Il a noté qu’en cas de faillite du système judiciaire national, la Cour pénale internationale doit pouvoir sanctionner les responsables de crimes les plus graves.  Il a rappelé, en outre, que « la grande diversité des causes profondes des conflits ne doit pas remettre en cause la compétence du Conseil de sécurité.  Il a indiqué que dans le cas de l’Afrique, le Conseil doit pouvoir gérer ces conflits, en coordination étroite avec l’Union africaine et les organisations sous-régionales africaines, conformément au Chapitre VIII de la Charte.  Il a par la suite souligné que l’action du Conseil peut se fonder sur le principe de la « responsabilité de protéger », qui est un instrument essentiel de prévention des atrocités.  Il a ajouté que si l’État ne souhaite pas assumer sa responsabilité, la communauté internationale a le devoir d’agir de manière résolue.  Elle ne peut, sous peine de complicité, s’arrêter à un principe passif de souveraineté et rester inactive devant les massacres et les viols massifs, a indiqué M. Araud en citant le cas de la Libye, où le Conseil a pu prévenir des violations à l’encontre des populations.

Soulignant que 70% de l’ordre du jour du Conseil de sécurité concernent les conflits en Afrique, Mme LOUISE MUSHIKIWABO, Ministre des affaires étrangères et de la coopération du Rwanda, a estimé que les heurts qui se produisent sur le continent n’étaient cependant pas inévitables.  Elle a ensuite demandé: « est-ce que nous nous acquittons de notre mission si nous n’examinons pas les facteurs qui provoquent ceux-ci? ».  Pour la Ministre, il existe en effet un « schéma visible » dont la communauté internationale peut tirer des leçons et qu’elle peut également utiliser.  Ce schéma implique des causes liées, entre autres, aux conséquences du colonialisme, à la mauvaise gouvernance, à la corruption, ainsi qu’à l’exclusion de groupes entiers sur des critères ethniques, sexuels ou identitaires.

Elle a ensuite estimé que depuis sa création, voilà 50 ans, l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) avait démontré que les Africains sont capables de travailler ensemble pour prévenir et régler les conflits.  Aujourd’hui, l’Union africaine doit cependant « faire plus et mieux, et elle a décidé de le faire », a-t-elle ajouté.  La Ministre a estimé que les meilleures initiatives viennent de l’Afrique elle-même, et que les Nations Unies « feraient bien de faire siennes ces idées ».

Mme Mushikiwabo a ensuite insisté sur les trois domaines clefs que sont la démocratie et la gouvernance, l’intégration régionale et sous-régionale, et la justice et la réconciliation.

S’agissant de la démocratie et de la gouvernance, elle a souligné que ceux-ci étaient au cœur de l’Acte constitutif de l’Union africaine.  L’Union africaine a, en outre, mis en place des Mécanismes d’évaluation des pairs qui analysent les problèmes systémiques ou structurels dans les pays examinés et permettent de fournir des avis ou des recommandations avant qu’une crise ne se manifeste », a-t-elle expliqué.  En outre, d’autres instruments, tels que le Groupe des sages ou le système d’alerte anticipée au niveau du continent ont été mis en œuvre.  « Le Conseil de sécurité ne devrait-il pas se demander comment adapter ces initiatives et les appliquer à l’échelle mondiale? » a demandé la Ministre.

En ce qui concerne l’intégration régionale et sous-régionale, la Ministre des affaires étrangères du Rwanda a souligné que l’Afrique avait cherché à construire une Union africaine forte et prospère où chaque État peut gérer les conflits sans ingérence étrangère, via des approches ciblées.  Cela permet aussi d’aborder des questions comme celles des frontières, de l’identité, de la nationalité, ainsi que les vestiges du passé colonial.  Elle s’est ensuite félicitée de la collaboration et du partenariat entre le Conseil de sécurité et l’Union africaine, ainsi que ses organisations sous-régionales.  « Nous pouvons faire plus tout en faisant en sorte que ce partenariat soit constant et fondé sur le respect mutuel », a-t-elle ajouté.

Enfin, en matière de justice et de réconciliation, elle a loué les progrès enregistrés par les tribunaux gacaca, au Rwanda, qui ont fermé leurs portes en juin 2012 après avoir traité plus de 2 millions de cas liés au génocide rwandais, et ce, en moins de 10 ans.  Le Rwanda est prêt à partager cette expérience en matière de réconciliation avec d’autres pays.  S’agissant du Tribunal pénal pour le Rwanda (TPIR), elle a salué la jurisprudence que celui-ci avait pu établir, mais a noté qu’il n’avait traité que 75 cas en 17 ans.  « Le Rwanda a toute les raisons d’appuyer un système robuste de justice internationale, mais il ne croit pas que la Cour pénale internationale (CPI), telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, peut prévenir les conflits ou empêcher l’impunité », a-t-elle ajouté.  Pour le Rwanda, la CPI « s’est montrée soumise à des manipulations en dehors de zones de conflits ».  Dans ce contexte, a précisé la Ministre, le Rwanda « ne peut pas appuyer une CPI qui s’impose à d’autres au détriment de peuples souverains ».  Elle a précisé que son pays continuera de s’en tenir au principe de justice et d’équité et à faire en sorte que la souveraineté du continent soit respectée.  Elle a ensuite émis l’espoir que, grâce à ce débat, le Conseil de sécurité continuera de centrer son énergie sur la prévention des conflits plutôt que de gérer les crises lorsque celles-ci se sont déjà produites.

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