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Des grottes de la vallée d’Amettetaï aux salles de rédaction internationales, il n’y a parfois qu’un clic. Traquée par l’armée française et son allié tchadien dans son sanctuaire au Nord du Mali, l’organisation djihadiste Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a pris l’initiative, début avril, d’organiser une « conférence-tweet » en anglais, pendant deux heures, à destination des medias par le biais de son site internet de propagande, Al Andalus. Le résultat publié lundi 15 avril, et repris quelques jours plus tard par des sites de surveillance américains des forums djihadistes, offre un panel de près de 70 questions-réponses quelque peu surréalistes. « Nous sommes une part inaliénable de ce monde, nous vivons dans notre temps », justifie AQMI, qui se dit soucieuse d’éclairer « l’opinion publique internationale ignorante d’un certain nombre de faits ».
Etablir un « contact direct » avec la presse, poursuit AQMI, pourrait selon « les lois américaines, françaises ou d’autres gouvernements de la région mener les pauvres journalistes tout droit à Guantanamo ou Serkadji, le Guantanamo algérien ».
Citations religieuses à l’appui, les réponses de l’organisation attribuées à son porte-parole Abou Abdallah Ahmed, évoquent donc pêle-mêle le jihad et ses liens avec la mouvance salafiste. « Alliance et soutien » avec les combattants du Front Al-Nosra en Syrie (qui a récemment annoncé son rapprochement avec Al-Qaida), ou des« contacts, certainement », avec le successeur d’Oussama Ben Laden, « notre Cheikh »Ayman Al-Zawahiri. S’agissant de la branche Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) la formule « c’est une relation d’amour », ne fait pas dans la demi-mesure. Les membres d’Ansar Al Charia en Tunisie, eux, sont des « frères ». Quant à Boko Haram, au Nigeria, AQMI déclare : « nous formons un seul corps pour défendre l’honneur de l’Islam ». Sur son propre organigramme, pas de doute : AQMI reste dirigée par Abdelmalek Droukdal, alias Abou Moussab Abdelwadoud, et sa branche sahélienne par Djamel Okacha, alias Yahia Abou El Hamam, « nommé cinq mois avant l’invasion française », et non après, est-il précisé.
Interrogé sur l’un de ses ex-dirigeants, Mokhtar Belmokhtar, à la tête de la nouvelle katiba les « Signataires par le sang » qui a revendiqué l’assaut meurtrier, mi-janvier, sur le site gazier algérien de Tignatourine, son ancienne maison mère livre cette mise au point : « Pratiquement et administrativement, le frère Khaled Abou El-Abbas [son nom de guerre] a annoncé qu’il se séparait de l’organisation » mais, explique en substance AQMI, la nécessité de s’unir contre la « croisade » des Français « dépasse »tous les clivages. L’organisation djihadiste se refuse en revanche à confirmer la mort de Mokhtar Belmokhtar annoncée par le président tchadien Idriss Deby, renvoyant cette question au « porte-parole » de sa katiba, tout comme elle refuse de commenter la mort d’un autre de ses émirs, Abou Zeid, pourtant confirmée par l’Algérie et la France.
Le ton évolue selon les questions. « En guerre ouverte avec le régime algérien depuis 20 ans », l’organisation djihadiste, dont les principaux chefs sont d’origine algérienne, fustige la France qui « veut négocier sous la pression et les frappes aériennes » la libération des sept otages encore détenus en Afrique du Nord. « Leur sort, ajoute-t-elle, est entre les mains du président François Hollande et la porte est toujours ouverte pour trouver une solution juste ». Le porte-parole de l’organisation confirme cependant l’exécution d’un huitième otage, Philippe Verdon, annoncée par un précédent message de l’organisation le 19 mars mais non validée jusqu’ici par Paris. Et si AQMI dit ne pas être à l’origine de menaces pesant sur « la tour Eiffel », elle « appelle tous les musulmans à prendre la France pour cible à l’intérieur comme à l’extérieur » de ses frontières.
http://maghreb.blog.lemonde.fr/2013/04/19/quand-al-qaida-au-maghreb-islamique-tient-conference-sur-twitter/
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