MALI / FRANCE - Article publié le : mercredi 23 janvier 2013 - Dernière modification le : mercredi 23 janvier 2013
sur RFI
Oumou Sall Seck, maire de la commune de Gounda (capture d'écran).
arte.tv/fr
Actes de vengeance, règlements de compte, exactions : d'après plusieurs témoignages, le conflit au Mali a ouvert la porte à des représailles ciblées et sanglantes, contre des populations touaregs et arabes, accusées de collusion avec les terroristes, mais également contre la communauté peule, car certains sont considérés comme favorables au Mujao. Des élus du Nord mettent donc en garde contre les amalgames, pour que toutes les communautés puissent vivre ensemble. Oumou Sall Seck est maire de la commune de Goundam, près de Tombouctou. Fille d'un Peul et d'une mère Touareg Ifogha, elle parle le Songhaï. Propos recueillis par Charlotte Idrac.
RFI : Etes-vous inquiète du risque accru de représailles ou de bavures, dans le nord du Mali ?
Oumou Sall Seck : Cela m'inquiète. J’ai toujours adressé le message - particulièrement au gouvernement malien - qui consiste à ne pas faire l’amalgame entre les terroristes et les bandits qui ont commis des erreurs très graves, qui ne représentent pas la majorité de la population.
J’écoute les différentes tendances, les différentes ethnies, et je sais que les gens se sont beaucoup inquiétés. C’est une réalité, mais je pense qu’aujourd’hui le Mali a besoin d’autre chose que d’une guerre civile. Il est temps de se ressaisir, de se regarder, de se dire la vérité et d’essayer de sauver ce qu’il y a à sauver.
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Nous avons un ennemi commun au Mali. Ce sont les terroristes, qui ont coupé des mains, qui ont coupé des pieds, qui violent des femmes, qui nous imposent l’impossible. Donc, nous devons nous unir, pour aider nos amis à nous sortir des mains des terroristes. Et qu’on laisse la justice faire le travail ! Ce n’est pas à nous de nous défendre ! Est-ce que nous avons le droit de prendre les armes ?
Notre rôle aujourd’hui, surtout à nous, au nord, les métis, c’est justement de jouer sur notre métissage pour essayer vraiment de calmer les esprits, être le trait d’union entre nos parents, pour éviter une guerre civile au Mali.
Quel doit être le rôle de l’Etat ? Est-il en capacité de favoriser ce dialogue ?
L’Etat le peut, s'il accepte de composer avec les Maliens. Parce qu'à un moment donné il y a des gens qui ont voulu ici, organiser une conférence nationale. Mais en réalité, cette conférence nationale n’implique pas tout le monde. Il n'a pas été fait appel aux élus, aux personnes ressources.
Le Mali a toujours été un pays de dialogue. Et le gouvernement malien va fournir beaucoup de choix. C’est lui qui doit piloter cela. Parce que, quand vous choisissez un petit groupe qui vous est favorable, pour essayer de le mettre devant, de le faire parler au nom de toute une majorité, ça ne règle pas les choses.
La dimension politique est effacée par rapport à la dimension purement militaire ?
Oui. Oui, malheureusement.
Y a-t-il des discussions aujourd’hui, entre les communautés, pour préparer le « vivre ensemble », après la guerre ?
J’avoue que non. Chacun parle de son pays selon ce qui l’arrange. Les Touaregs se retrouvent, ils parlent au nom de la communauté touarègue, et les gens du sud font pareil. Donc, chacun parle de son côté. En réalité il n’y a pas de coordination, il n’y a pas de dialogue au niveau de la société civile. Et c’est ce qui est inquiétant. La méfiance est déjà installée dans l’esprit et dans le cœur des Maliens.
Alors qui peut initier ce dialogue ?
Je pense que c’est la société civile. Quand je dis la société civile, je pense au peuple malien. Nous devons accepter de nous asseoir autour d’une table. Je ne dis pas qu'il faut dialoguer avec les terroristes, il n'en est pas question. Mais il y a les autres. Leurs parents. Les innocents. Que tous les Maliens, du nord et du sud, se retrouvent et que l'on essaie ensemble de préparer vraiment la réconciliation. Que ceux qui doivent être jugés soient interpellés et jugés. Le gouvernement malien, et plus précisément l’armée malienne, doit éviter l’amalgame sur le terrain. Ce n’est pas normal que vous preniez et égorgiez un Peul, uniquement parce qu'il vous a été signalé comme faisant partie du Mujao.
Des éleveurs peuls du Gourma, au sud de Gao, Mali. Accusés d'être favorables au Mujao, les Peuls font parfois l'objet d'amalgames.
wikipédia
Les milices Ganda Koy et Ganda Izo, sont également pointées du doigt.
J’ai été personnellement contactée pour soutenir et aider financièrement une de ces milices. J’ai immédiatement saisi mon gouverneur au téléphone, à qui j'ai demandé : « Etes au courant de cette milice qui me dit qu'elle travaille dans l’intérêt du Mali et qu'elle se prépare à aider l’armée malienne à reconquérir le nord ?» Il m'a répondu que ce n'était pas vrai, que ce n’était pas officiel. Ce jour-là j’ai donc mis une croix dessus.
Je pense par ailleurs que le gouvernement malien ne doit pas intégrer n’importe qui dans l’armée. Quand quelqu'un entre dans l’armée, ce ne doit pas être pour chercher de l’emploi, mais pour être un vrai soldat, républicain, au service de tous les citoyens du pays. Il ne faut pas entrer dans l’armée par esprit de vengeance ou pour gagner de l’argent. Ce n’est pas comme cela que l'on construit une armée républicaine.
Donc pour vous, il faut réfléchir à long terme ?
Certainement. Il faut continuer la décentralisation, la renforcer. Il faut absolument transférer les compétences et les ressources aux élus locaux, parce que le développement se passe à la base. Cette zone doit être militarisée, et nos frontières sécurisées. Si déjà nos gouvernants et nos décideurs acceptent de jouer leur rôle, les Maliens, ensemble, vont tenter de revivre ensemble. Le « revivre ensemble » sera très difficile. Mais ce n’est pas impossible
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