Les comptes suisses de Le Pen
29 avril 2002 - 18:09
Selon son ex-épouse, Jean-Marie Le Pen disposerait dans les banques suisses d’un trésor de 10 millions de francs. Mais le chef du Front national nie.
En décembre 1997, Pierrette Le Pen, qui a quitté le dirigeant d'extrême droite, choisit l'hebdomadaire genevois GHI pour accuser son ancien mari de frauder le fisc. Elle estime cette fortune cachée dans des banques suisses à au moins 40 millions de francs français de l'époque (10 millions de francs suisses).
D'où provient cet argent? D'un héritage de la famille Lambert, possédant les ciments du même nom. Dans des circonstances très controversées, Jean-Marie Le Pen reçoit un magnifique hôtel particulier à Saint-Cloud, estimé à 5 millions de francs. Il s'agit de la partie visible.
La partie invisible se trouvait, selon Pierrette Le Pen, à l'UBS. Aidé d'un avocat, le leader du Front national (FN) aurait pris l'argent pour le placer à la banque Darier.
«Nous avions plusieurs valises de billets, raconte-t-elle. C'était impressionnant. Nous avons effectué le transport nous-mêmes.»
Des «petits nègres»
Pour faire venir l'argent en France, Jean-Marie Le Pen téléphonait d'une cabine publique à un ami en Suisse. Selon un code établi, une liasse de 10 000 francs français était appelée «un petit nègre». Détail piquant pour un homme politique soupçonnée de ne pas porter dans son cœur les étrangers.
Toutefois, le candidat à l'élection présidentielle a toujours démenti, parlant de «calomnies». Mais François Laya, un ancien collaborateur du gérant de fortune genevois Jean-Pierre Aubert, a lui aussi accusé Jean-Marie Le Pen d'avoir déposé à trois reprises, 15, puis 20, puis 10 millions de francs français (soit 11 millions de francs suisses) sur des comptes en Suisse.
«A deux reprises, ces fonds ont été remis à M. Aubert, à Genève, dans un bistrot du quartier des banques», déclare-t-il, ajoutant que l'argent avait été apporté par Jean-Marie Le Pen lui-même, «accompagné de deux personnes qui assuraient sa sécurité». Une société écran aurait été créée pour camoufler les fonds.
Dans un document en date du 10 mars 1981, et que swissinfo a pu se procurer, le nom de Jean-Marie Le Pen apparaît bien sur le compte numéro 386.047.00 W, ouvert à l'UBS à Genève. L'autre propriétaire du compte est un éditeur français, Jean-Pierre Mouchard, établi depuis de longues années en Suisse.
Une association de collecte de fonds
Jean-Pierre Mouchard est l'un des plus vieux amis de Jean-Marie Le Pen. On retrouve également son nom à la direction de la Cotelec, une association créée en 1991, chargée d'encaisser les dons que les militants et les sympathisants envoient au FN.
«J'avais accepté ce poste pour rendre service à Jean-Marie Le Pen. Toutefois, je n'étais qu'un trésorier nominal de la Cotelec. Je n'en ai jamais contrôlé les activités», assurait Jean-Pierre Mouchard en 1997. Il avait alors décidé de démissionner de ce poste, afin d'éviter «un risque de confusion entre les affaires de Le Pen et les miennes».
La presse française - qui consacre depuis le premier tour de l'élection présidentielle de très nombreux articles à la situation financière du dirigeant du Front national - souligne qu'il y aurait confusion entre ses comptes personnels et ceux de son parti.
Détournant l'un des slogans du FN, l'écrivain Guy Konopnicki - auteur des «Filières noires» consacré aux réseaux financiers de l'extrême droite - jure que Le Pen, ce n'est pas «La France d'abord», mais «Le francs suisse d'abord».
swissinfo/Ian Hamel
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