Les rebelles touaregs contrôlent un tiers du Mali
LIBÉRATION
mardi 13 mars 2012
Par THOMAS HOFNUNG
L’armée gouvernementale du Mali enchaîne les revers face aux rebelles touaregs, qui contrôlent désormais un bon tiers du pays. Dernier échec en date, elle a perdu le contrôle d’une garnison stratégique, aux confins de l’Algérie : Tessalit. Cette localité dispose du seul aéroport de la région. Depuis des semaines, ses soldats y étaient assiégés dans un camp militaire par les insurgés, qui ont pris les armes à la mi-janvier et réclament officiellement l’indépendance d’une vaste région, l’Azawad.
A l’issue de combats très violents entamés samedi dernier, et malgré plusieurs ravitaillements par voie aérienne de la garnison, ils ont réussi à en déloger les soldats gouvernementaux. D’après des sources du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad, touareg), plusieurs officiers supérieurs et pas moins d’une quarantaine de soldats auraient été faits prisonniers. Le mouvement rebelle - composé en partie d’anciens soldats à la solde du défunt colonel Kadhafi - affirme avoir capturé les familles des militaires qui vivaient sur place, et qui seront remises au Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Le MNLA assure enfin avoir saisi du matériel, notamment plusieurs véhicules de l’armée, et des munitions. En revanche, il ne dit mot du bilan humain de cette opération, qui pourrait être lourd.
Largages de vivres
Cette insurrection, dont les objectifs restent flous, a déjà fait beaucoup de dégâts humanitaires. Des dizaines de milliers de personnes ont fui les zones de combats à l’intérieur du pays. Près de 80 000 d’entre eux se seraient réfugiées à l’extérieur, en Algérie, au Niger, en Mauritanie et au Burkina Faso. Ces mouvements de population ont lieu alors qu’une nouvelle et sévère crise alimentaire se profile dans la bande sahélo-saharienne.
L’impact de ces combats, qui menace la stabilité de toute la région, inquiète aussi les pays engagés dans la lutte contre le terrorisme. Le Nord-Mali est en effet devenu, au fil des ans, le refuge des katibas (brigades) d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), qui détient plusieurs otages occidentaux, dont six Français. D’après des sources bien informées, les Américains tentent de venir en aide à une armée malienne en très grande difficulté. Ce sont eux qui ont procédé, il y a quelques jours, à des largages de vivres et de matériel de communication aux soldats gouvernementaux assiégés à Tessalit. Mais le MNLA assure avoir récupéré l’essentiel de ces largages. Paris, qui dispose de coopérants militaires sur place, se montre beaucoup plus discret. Peut-être parce que la France n’a qu’une confiance très limitée dans le président malien, Amadou Toumani Touré (dit « ATT »), accusé de mollesse dans la lutte antiterroriste, pour ne pas dire de collusion.
Hélicoptère en panne
Théoriquement, ce dernier doit quitter le pouvoir à l’issue de l’élection présidentielle prévue le 29 avril. Il semble aujourd’hui incapable de renverser le rapport de forces face à des rebelles touaregs très déterminés et bien organisés. Début mars, des colonnes dirigées par trois officiers expérimentés de son armée avaient ainsi été mises en déroute par le MNLA sur la route de Tessalit. Les insurgés ont récupéré plusieurs véhicules blindés, des canons d’artillerie et des munitions. Lors de cette opération, l’un des trois hélicoptères de l’armée malienne pilotés par des mercenaires ukrainiens et bulgares, des MI-25, est tombé en panne. Les deux autres sont ménagés par Bamako, qui craint une possible contre-offensive des insurgés touaregs vers le Sud.
« Le MNLA ne pourra pas tenir des mois et des mois, il devra faire face à un problème de ravitaillement, notamment en essence, assure toutefois un observateur. Lui aussi a donc intérêt à ce que les élections se tiennent à la date prévue pour entamer des négociations avec un nouveau pouvoir. » C’est peut-être la seule bonne nouvelle dans ce conflit de basse intensité, largement passé sous silence.
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