mardi 27 mars 2012


Encerclée par les rebelles, Kidal reste défendue par "des soldats livrés à eux-mêmes"

Capture de la vidéo de propagande du mouvement islamiste Ançar Dine, combattants rebelles du nord du Mali. 
 
Alors que la crédibilité des mutins de Bamako est mise à mal, le sort de la ville Kidal, dans le nord du Mali, semble de plus en plus incertain. Deux groupes rebelles touaregs, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et Ançar Dine, d’obédience islamiste, menacent de faire tomber la ville. Les habitants, pris en étau, tentent de fuir.
  
Depuis le début de leur offensive contre l’armée régulière malienne, en janvier dernier, les rebelles touaregs du MNLA, qui revendiquent l’indépendance de la région de l’Azawad, dans le nord du pays, se sont emparés de plusieurs points stratégiques dont les villes-garnisons de Menaka, d’Aguelhoc et de Tessalit.
 
Le 11 mars, la diffusion d’une vidéo du mouvement Ançar Dine ("Défenseur de l’islam", en arabe) est venue confirmer les soupçons qui pesaient sur l’éventuelle participation de combattants islamistes à cette avancée. Les images montrent Iyad Ag Ghaly, fondateur du mouvement et ex-chef de fil des rebellions touarègues des années 1990, et ses hommes, parmi lesquels d’anciens combattants revenus de Libye, en plein combat lors de la prise d’Aguelhoc en janvier.
 
Quelques jours après cette apparition en public, le 18 mars, Iyad Ag Ghaly, qui ne cache pas ses liens avec le mouvement terroriste Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), lançait un appel à l’instauration de la charia (la loi islamique) dans les zones contrôlées par la rébellion. La rupture entre Ançar Dine et le MNLA est alors consommée et rendue publique. Ce dernier souhaite pour l’Azawad une république laïque et dit refuser tout autre projet que celui de se battre pour l’indépendance de la région.
 
Depuis le coup d’État, les deux mouvements rebelles semblent tirer côte à côte leur épingle du jeu, profitant de l’instabilité politique à Bamako pour progresser. Les anciens alliés revendiquent aujourd’hui tous deux le contrôle de la région nord. Et depuis quatre jours, les deux groupes affirment, l’un et l’autre, encercler la ville stratégique de Kidal et préparer un assaut imminent. L’armée régulière malienne, dont certains soldats auraient déserté dimanche, assure repousser leurs attaques et tenter de négocier avec les rebelles du MNLA.
CONTRIBUTEURS

"Les militaires ont réquisitionné les véhicules de la police, de la gendarmerie et mêmes ceux des ONG pour faire face à l’assaut"

Issouf est un jeune diplômé en ethno-sociologie et habite à Kidal.
 
Depuis vendredi, on entend des tirs sporadiques aux abords de la ville. Les gens sont vraiment paniqués et la plupart du temps, ils préfèrent rester chez eux. Seuls les commerçants continuent d’ouvrir leurs magasins mais les services administratifs ne tournent plus depuis que les fonctionnaires sont partis, notamment après le coup d’État. La situation est tendue ici depuis janvier mais le putsch militaire de jeudi dernier a fait clairement monter la tension d’un cran.
 
Ces dernières semaines, par crainte des violences, beaucoup d’habitants avaient déjà fui la ville pour rejoindre Bamako, Gao ou la frontière algérienne. Mais ces trois derniers jours, les gens font tout pour partir et il faut se battre pour avoir une place dans un des deux bus qui assurent la liaison pour Gao quotidiennement. La route est d’ailleurs chaotique et des témoins rapportent que les rebelles fouillent les cars pour voir si des militaires ne s’y cachent pas.
 
"Les combattants d’Ançar Dine nous font davantage peur que le MNLA"
 
Les deux garnisons de la ville ont reçu du renfort de Gao pour assurer la sécurité aux check-points qui ont été installés tout autour de Kidal. Ici, les combattants d’Ançar Dine nous font davantage peur que le MNLA. D’après mes informations au sein de l’armée régulière, ils sont bien mieux positionnés autour de la ville et plus entraînés au combat que le MNLA [Ançar Dine compte dans ses troupes d’anciens combattants touaregs rentrés lourdement armés de Libye après la chute de Mouammar Kadhafi]. D’ailleurs, nous avons tous du mal à croire que le MNLA s’est vraiment désolidarisé d’Ançar Dine. Les Touaregs ont moins de moyens que les islamistes qui sont aidés par AQMI, donc ont tout intérêt à continuer à collaborer avec eux.
 
Sans commandement de Bamako, les soldats de Kidal sont livrés à eux-mêmes. Il y a eu quelques désertions dans les rangs des militaires mais la plupart sont déterminés à défendre la ville pour ne pas qu’elle tombe aux mains des rebelles. Ils ont réquisitionné tous les véhicules de la police, de la gendarmerie et mêmes ceux des ONG pour faire face à l’assaut."
 
Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.

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