Un proche de Kadhafi arrêté en Mauritanie inquiète la France
Créé le 22-03-2012 à 21h15 - Mis à jour à 21h15 Réagir
Mots-clés : Monde
par Samia Nakhoul
LONDRES (Reuters) - L'ancien chef des services de renseignement libyen Abdallah al Senoussi, actuellement détenu en Mauritanie où il tentait de trouver refuge, inquiète la France.
Cet ancien homme-lige de Mouammar Kadhafi détiendrait des informations sur le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Surnommé "la boîte noire de Kadhafi", Senoussi, gendre de l'ancien dictateur libyen est détenu au quartier général des services de sécurité à Nouakchott en raison de son rôle dans la répression menée contre les insurgés en 2011.
L'homme intéresse les puissances occidentales et en particulier la France en raison des informations auxquelles il a eu accès pendant le règne de Kadhafi.
"C'est le principal témoin de la corruption financière et des accords qui ont impliqué de nombreux dirigeants et pays, dont la France", dit une source haut placée dans le renseignement arabe.
"Il sait tout de l'attentat de Lockerbie, de l'accord qui a suivi, (de l'attentat contre le DC-10) d'UTA, des canaux financiers, du financement par Kadhafi de présidents et de leur campagne électorale. Il était au centre du réseau de corruption financière qui a existé pendant 40 ans sous Kadhafi", ajoute cette source.
Selon Noman Benotman, analyste libyen de la Quilliam Foundation, Senoussi, qui est âgé de 62 ans, était au courant de tous les secrets et complots meurtriers ourdis par Kadhafi.
D'après lui, Nicolas Sarkozy nourrit un intérêt particulier pour l'arrestation de Senoussi, pas seulement parce que sa cote de popularité pourrait bénéficier d'un procès de l'homme qui était derrière l'attentat contre le DC-10 d'UTA qui avait coûté la vie à 170 personnes au-dessus du désert du Ténéré en 1989.
DEMANDE D'EXTRADITION
En privé, des sources au sein des services de renseignement affirment que Nicolas Sarkozy souhaite l'extradition de Senoussi vers la France surtout pour empêcher un procès public qui pourrait aboutir à la révélation d'informations gênantes.
Parmi celles-ci figure le versement supposé de 50 millions d'euros par Kadhafi pour soutenir la campagne électorale du candidat Sarkozy en 2007. Le financement aurait été organisé via un réseau complexe et secret de banques et de sociétés.
Une information de même nature a été rapportée il y a une dizaine de jours à Paris par le site internet d'information Mediapart qui faisait état d'une note rédigée par un témoin devenu enquêteur privé, Jean-Charles Brisard, rapportant les propos d'un deuxième homme censé avoir eu connaissance du versement de la somme par le régime Kadhafi.
"C'est totalement faux", répond-on de source diplomatique française. "Nous laissons la justice suivre son cours. Il y a une demande d'extradition et la justice suit son cours. C'est totalement absurde".
"Nous voulons que Senoussi soit extradé. A partir du moment où il sera traduit en justice, il pourra parler. Ces insinuations ne sont rien d'autre que des ragots et des absurdités. Nous sommes dans le règne de la théorie du complot", ajoute-t-on de même source.
NERVOSITÉ DE NOMBREUX PAYS
Dans un entretien accordé à la chaîne de télévision Euronews l'an passé, Saïf al Islam, fils de Mouammar Kadhafi, a affirmé que son pays avait contribué au financement de la campagne électorale du candidat Sarkozy en 2007 et demandé au président français de restituer l'argent qui lui aurait été alloué.
Saïf al Islam disait disposer de documents attestant des transferts de fonds bancaires et être prêt à les rendre publics. Le chef de l'Etat français, qui s'est personnellement engagé en faveur des forces de l'opposition lors du soulèvement qui a conduit à la chute de Kadhafi, a démenti ces allégations.
"Sarkozy ne pourra pas dormir tranquille tant que Senoussi ne sera pas en France", juge une source au sein des services de renseignement arabes.
"De nombreux pays, y compris des dirigeants arabes, sont nerveux à propos de Senoussi. S'il révélait ce qu'il sait, ce serait une catastrophe pour eux. Ils ont peur qu'ils puissent produire certains documents les incriminant", ajoute Benotman.
"La France ne veut pas le livrer aux autorités libyennes. La France l'a aidé à s'enfuir vers le Mali et a orchestré sa capture", affirme une source du renseignement.
"Il se trouvait dans le nord du Mali sous protection du gouvernement. Il a été mené en Mauritanie par un groupe tribal proche de lui suivant un accord avec le renseignement français et mauritanien pour l'attirer et l'arrêter", ajoute-t-on.
"Une unité spéciale française a contribué à son arrestation, établissant le contact avec la tribu al Me'edani, en laquelle Senoussi avait confiance. L'accord consistait à convaincre cette famille tribale d'amener Senoussi en Mauritanie où il a été arrêté".
La même source précise que le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a renversé son prédécesseur lors d'un coup d'Etat en 2008, se sent redevable envers la France pour l'avoir soutenu lors de l'élection présidentielle entachée de fraudes qu'il a remportée l'année suivante.
Pierre Sérisier pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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