25 JANVIER 2013 | PAR THOMAS CANTALOUBE
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Début juillet 2012, Laurent Bigot, sous-directeur Afrique au Quai d’Orsay, avait livré son « opinion personnelle » sur le Mali lors d’un séminaire à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et, chose étonnante, il n’avait pas mâché ses mots. « Les déterminants de la crise étaient là depuis longtemps : corruption impliquant toutes les sphères, au plus haut niveau, jusqu’au palais présidentiel de Koulouba, une économie largement informelle, des trafics en tout genre. » Quant à la classe politique malienne : « C’est pathétique, (son) discours est pathétique ! Pas un homme ne sort du lot ! Les deux tiers du territoire échappent à la souveraineté de l’État malien et on a une classe politique qui se bat encore pour entrer au gouvernement… »
Ce jugement lapidaire avait fait grand bruit, pas seulement parce que les diplomates expriment rarement leur avis de manière aussi tranchée, mais parce qu’il allait à rebours de tous les discours publics qui émanaient des autorités françaises, mais aussi des autres pays et des organisations internationales, depuis une dizaine d’années. Une décennie durant laquelle le Mali était présenté comme le bon élève de la démocratie et du développement africain, et son président Amadou Toumani Touré, surnommé ATT, comme un chef d’État exemplaire.
Aujourd’hui, la plupart des diplomates et des analystes partagent publiquement l’avis de Laurent Bigot. Un proche conseiller de François Hollande peut même avancer, qu’« a posteriori, le comportement d’ATT a été criminel ». Cette prise de conscience, pour bienvenue qu’elle soit, pose quand même un grave problème au moment où la France intervient militairement au Mali. Car personne n’imagine que la solution de la crise passe exclusivement par une option militaire, même en envisageant que les soldats français et africains parviennent à éradiquer les menaces conjointes d’AQMI, du Mujao et d’Ansar Dine.
ATT reçu par George W. Bush à la Maison Blanche en février 2008.© Eric Draper/Maison-Blanche
À Paris comme à Washington ou à Bruxelles, dans les think tanks comme dans les ONG, tout le monde est convaincu que l’issue de la crise malienne ne peut être que politique et qu’elle se jouera à Bamako. Le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a d’ailleurs demandé, mercredi 23 janvier, aux autorités de Bamako d’adopter rapidement une « feuille de route politique » concernant à la fois des élections et des pourparlers avec certains rebelles du nord du pays.
Or c’est là qu’il va falloir composer avec une classe politique malienne qui a largement contribué au délitement du pays et qui, selon la plupart des spécialistes que nous avons interrogés, ne semble pas apte à relever les défis de l’après-guerre quand celle-ci s’achèvera. La France et la communauté internationale vont-elles hériter d’un de ces États fantoches, souverains en apparence mais en fait portés à bout de bras par l’ONU, les ONG et les bailleurs de fonds étrangers, comme le Kosovo, la Somalie ou l’Afghanistan ?
L’intervention militaire française n’est-elle que le prélude à des années de conflit de basse intensité, avec une force d’interposition de casques bleus et un gouvernement sans moyens ni pouvoir ?
Pendant neuf mois, du coup d’État de mars 2012 jusqu’au déclenchement de l’intervention française de janvier 2013, toutes les bonnes fées qui se sont penchées sur le berceau malien n’ont cessé de répéter la même chose : il faut que la classe politique à Bamako se ressaisisse, forme un gouvernement représentatif et légitime, afin que le pays retrouve ne serait-ce qu’un semblant de gouvernance. Cela ne s’est pas produit et les militaires français sont désormais au Mali autant pour lutter contre la menace des djihadistes que pour servir de béquille au gouvernement civil transitoire. « Les soldats français sont aujourd’hui stationnés à Bamako pour neutraliser Sanogo (l'officier auteur du putsch militaire de mars 2012-ndlr) », explique un responsable français d’ONG, excellent connaisseur du Mali.Lire la
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