"Tout le monde se pose des questions (...) On se demande pourquoi ils se sont affolés d'un coup", regrette le consul honoraire français à Benghazi, le Dr Jean Dufriche, "contraint", ainsi que d'autres Français, de quitter la ville sur ordre de Paris.
Joint par téléphone, M. Dufriche fait état d'une "réaction en chaîne" des capitales occidentales, à la suite de "rumeurs" diffusées par des islamistes radicaux pour "faire partir les étrangers de Benghazi". "Si ceci était leur objectif, alors ils ont gagné", a-t-il déploré.
Chef de projet au Centre médical de Benghazi depuis plusieurs années, M. Dufriche estime que, jusqu'ici, il n'y avait "pas de signes alarmants" qui pourraient pousser les Occidentaux à la prise d'une telle "décision rapide".
Le Premier ministre libyen Ali Zeidan a estimé vendredi à Davos, où il assistait au Forum économique mondial, qu'il "y a eu exagération de la part de certains pays".
Ces pays, a-t-il relevé, "ont pris des mesures et nous pouvons le comprendre". "Mais la réalité est que ces personnes de nationalité étrangère vivent très pacifiquement en Libye et qu'il y a des mesures de sécurité pour les protéger", a-t-il dit, cité par l'agence libyenne Lana.
La quarantaine de Français qui se trouvaient à Benghazi et dans sa région ont quitté la zone à la demande de Paris en raison de menaces d'attentats ou d'enlèvements visant les Occidentaux, a annoncé vendredi le Quai d'Orsay.
C'est la Grande-Bretagne en premier qui a commencé à appeler jeudi ses ressortissants à quitter la ville en raison d'une "menace spécifique et imminente" contre les Occidentaux. Un appel relayé par l'Allemagne, les Pays-Bas et la France.
Au lendemain de ces mises en garde, les journalistes de l'AFP n'ont constaté aucun mouvement de panique à l'aéroport de Benghazi, ni à la sortie des hôtels, dont le plus important, le Tibesti affiche même complet.
Toutefois, les deux écoles occidentales de la ville, l'International school et l'Ecole européenne, ont leurs portes fermées depuis mercredi. Quatre enseignants occidentaux de l'Ecole européenne ont quitté Benghazi jeudi et vendredi, selon une responsable de l'école.
Comme à l'accoutumée, la ville était quasi-déserte en ce jour de prière. Les forces de sécurité étaient invisibles dans le centre-ville, se contentant de tenir des points de contrôle aux entrées de Benghazi.
Une décision "surprise"
Un diplomate en poste à Benghazi fait état d'une "décision surprise" de Londres, estimant que les Occidentaux ne sont plus que quelques dizaines dans la ville, et que ceux qui sont partis l'ont fait bien avant jeudi, notamment depuis l'attentat meurtrier contre le consulat américain en septembre 2012.
"Pourquoi les Britanniques ont-ils voulu faire toute cette agitation? On ne le sait pas encore", affirme-t-il sous couvert de l'anonymat.
Ce diplomate n'écarte pas la thèse avancée par certains analystes libyens selon laquelle cette évacuation des étrangers pourrait être une "mesure préventive précédant une intervention militaire américaine contre les groupes radicaux qui pullulent dans l'est libyen, en particulier à Derna", fief des jihadistes.
Il déplore cependant l'absence de protection des représentations diplomatiques. "Nous ne cessons de demander de la protection aux autorités, en vain", regrette-t-il.
"Nous avons fait notre devoir pour protéger les représentations diplomatiques. Mais en même temps nous ne pouvons pas surveiller tous les étrangers partout où ils sont", affirme de son côté le colonel Moustapha al-Rakik, directeur de la sûreté libyenne à Benghazi.
AFP
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