Une alliance internationale contre l'Azawad ! - TAMAZGHA le site berbériste
Entretien avec Salem Zenia, écrivain kabyle.
vendredi 25 janvier 2013
par Masin
Nous publions ci-après une interview de Salem Zenia, écrivain kabyle et qui vit en Catalogne, qui commente la situation dans l’Azawad. Cette interview a été réalisée par le site occitan Jornalet.com. Il est paru simultanément sur 7Seizh (en français) et sur le Jornalet (en occitan).
Croyez-vous que l’intervention française, en coopération avec les forces régulières malienne, soit une menace pour le processus de souveraineté de l’Azawad ?
Salem Zenia : Il faut rappeler que pour le moment aucun pays n’a reconnu la proclamation de l’indépendance de l’Azawad aussi légitime soit-elle. C’est la première fois qu’un peuple est boudé par la communauté internationale de cette manière, alors qu’il n’a revendiqué que sa terre ancestrale et une vie digne.
Au fait, il y a d’énormes intérêts dans la région et chaque pays concerné joue sa propre carte. Le peuple de l’Azawad, représenté aujourd’hui par le MNLA, représente peut être une menace sérieuse et une remise en cause de tous les intérêts de ces pays ainsi que leur présence dans la région. D’où l’affolement du régime algérien en soutenant les islamistes d’Ansar-Dine pour torpiller l’indépendance de l’Azawad et l’empressement de la France pour intervenir et attaquer, soi-disant la même nébuleuse islamiste, pour mettre fin à son hégémonie et à son projet d’occuper Bamako, et ainsi rétablir l’ordre et l’intégrité territoriale du Mali.
Le MNLA a offert ses services à l’armée française à condition de ne pas remettre en cause l’indépendance de l’Azawad est d’aider l’armée malienne à réoccuper le Nord, c’est à dire l’Azawad. C’est une preuve de plus que le MNLA, mouvement laïc faut-il le rappeler, est victime des islamistes comme le sont tous les citoyens qui les subissent tous les jours dans les régions qu’ils contrôlent.
D’après vous, jusqu’à quel point les miliciens et groupes islamistes peuvent représenter un adversaire militaire crédible devant l’armée française ?
Salem Zenia : Je pense qu’on exagère sciemment la force de ces groupes. Ce ne sont pas quelques centaines de djihadistes qui tiendraient tête à une puissante armée comme l’armée française. Certes le terrain est difficile, mais cette guerre peut durer exactement le temps que la France et ses alliés jugent nécessaire. Je crois que cette intervention n’a pas été spontanée, ni non plus une réponse à un appel au secours des putschistes, mais elle a été bel et bien réfléchie, longtemps avant la menace de prendre Bamako par les djihadistes. Ce n’est pas non plus pour les beaux yeux des maliens que la France intervient, mais bien pour protéger ses intérêts et d’une manière efficace et durable.
Il faut rappeler aussi que la nébuleuse islamiste ou les différents groupes sont souvent manipulés, infiltrés et utilisés pour justifier une guerre, une présence ou simplement une menace. Ceci dit, ces mêmes groupes, même manipulés, constituent une sérieuse menace pour la paix et la libre circulation dans la région et ailleurs en dehors du fait qu’ils sont au moins partiellement, disons surveillés, ils peuvent toujours nuire.
Craignez-vous une montée de la menace d’attentat islamiste dans l’état français ?
Salem Zenia : C’est un sujet très délicat, effectivement il y a un risque si cette guerre se prolonge pour la raison évoquée ou pour une autre, de se convertir en guerre sainte. Les réseaux dormants en Europe comme ailleurs peuvent passer à l’action et nuire, mais il y a très peu de probabilité que cela arrive, maintenant même le simple citoyen évalue le danger que représente ces organisations terroristes, ce n’était pas le cas durant les années 1990 où l’on considérait ces mêmes groupes comme des victimes.
Croyez-vous que les amazighs seraient disposés à accepter une sortie de crise en renonçant à l’indépendance de l’Azawad et à l’octroi d’une autonomie (interne) politique ?
Salem Zenia : Le peuple de l’Azawad a commencé la lutte pour son indépendance durant la colonisation française déjà. Maintenant après cinquante ans de la création par la France de l’État du Mali avec l’Azawad annexé, le conflit demeure intact. Il y a eu des accords bafoués, il y a eu des promesses de gestion autonome non tenues, il y a eu des massacres, il y a eu des génocides, il y a des milliers de réfugiés en Algérie, en Mauritanie, etc. Le MNLA est l’aboutissement de cinquante ans de guerre et de révoltes contre l’état du Mali pour son indépendance. Les islamistes récemment installés dans la région ont été soutenus et encouragés d’abord par l’état malien et par ces partenaires pour empêcher justement le peuple de l’Azawad d’aller vers le chemin de l’indépendance. Après la proclamation de cette dernière, c’est à dire l’indépendance, la prolifération des groupes islamistes s’est accrue pour brouiller les cartes. Car ceux qui ne sont pas d’accord avec l’indépendance de l’Azawad n’y peuvent rien, le droit à l’autodétermination est un droit universel reconnu par tous. Il fallait trouver un autre subterfuge. On a alors surarmé des groupes de mercenaires sous le couvert de l’islamisme pour attaquer et détruire le MNLA. Ce dernier résiste et ne veut pas abdiquer. On a tenté, une autre fois, une autre solution, diplomatique cette fois, qui consistait à fusionner et noyer le MNLA avec le groupe d’Ansar-Dine pour mieux le discréditer. Mais cela n’a pas fonctionné non plus. Le MNLA n’a pas cessé d’alerter et de prendre à témoins la communauté internationale sur ce qui se passe dans cette région qui génère une moyenne de 10 milliards de dollars en trafic de tous genres de la drogue, des armes et même le trafic des êtres humains au profit du grand banditisme.
Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que le peuple de l’Azawad accepterait une solution au rabais. Il y a eu beaucoup d’occasions ratées, le monde est en plein bouleversement, de nouveaux pays naissent et de nouvelles frontières se tracent. Ce peuple ne peut renoncer à son indépendance que sous la botte d’une nouvelle colonisation et totalement désarmé.
Est-ce que le MNLA a été lié, à un moment donné, a des groupes islamistes comme il a été dit ici et là ?
Salem Zenia : Les premiers qui ont souffert de ces groupes islamistes sont justement les partisans de l’indépendance représentée par le MNLA. Les islamistes ne voulaient pas de l’indépendance de l’Azawad, mais bel et bien un état malien islamiste unie sous la loi de la charia. C’est ce que voulaient aussi les sponsors et les manipulateurs de ces groupes islamistes dans le seul but de torpiller l’indépendance de l’Azawad. Mais les islamistes ne sont pas toujours aux ordres, par ce qu’il s’agit d’une nébuleuse difficile à cerner ni même à définir, il y a parmi eux des fous de dieu qui croient réellement faire un djihad au nom de Dieu et il y a d’autres qui exécutent les desseins de leurs sponsors et ce n’est pas ce qui manque pour contrôler une région comme le Sahel incroyablement riche en toutes sortes de minerai. C’est ce qui explique en partie la situation actuelle.
Avez-vous des indications précises sur le fait que les groupes islamistes auraient été encouragés afin de torpiller le processus d’indépendance de l’Azawad ?
Salem Zenia : C’est plus que certain. Le Mali est un pays faible. Plusieurs observateurs nous ont fait remarquer que l’ancien régime ne pouvait pas ou ne voulait pas intervenir pour mettre fin à une situation chaotique qui a fait de la région du nord une plaque tournante à tous genres de trafics. Bien sûr une pareille opportunité ne peut pas échapper aux groupes islamistes et le grand banditisme qui parfois ne font qu’un. L’indépendance de l’Azawad risque de mettre fin à ce chaos organisé.
Croyez-vous que l’Azawad a les possibilités de devenir un état indépendant ?
Salem Zenia : C’est la même question qu’on a toujours posé aux peuples qui voulaient ou qui veulent prendre leurs destins en main pour vivre libre sur leurs terres.
Interview réalisée par "Jornalet.com".
Cet article est tiré du site d’information breton 7seizh.info partenaire de Tamazgha.
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