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Intagrist El Ansari, correspondante en Mauritanie
Mis en ligne le 23/01/2013
Des réfugiés maliens arrivés récemment dans le camp de M'béra, en Mauritanie, racontent leur vie quotidienne sous les islamistes.
Dix jours après le début de l’intervention française, quelque 3 000 Maliens de plus sont arrivés sur le sol mauritanien, s’ajoutant aux 54 000 réfugiés déjà enregistrés en un an de conflit au Nord-Mali. Ils saluent l’arrivée de la France "venue libérer la région du joug extrémiste" car, à Tombouctou, d’où il vient, il y a encore une dizaine de jours, "même pour une cigarette à la main, la loi s’applique à vous et vous passez devant le tribunal islamique ", déclare Ibrahim Ag Mohamed "Dicko", un ancien guide touristique touareg qui vient d’arriver au camp de M’béra avec sa famille.
Les nouveaux réfugiés livrent des récits saisissants d’événements symboliques survenus dans leur ville, totalement transformée depuis qu’elle est passée sous le contrôle des salafistes d’Aqmi (NdlR : Al Qaïda au Maghreb islamique, majoritairement algérien) et d’Ansar Dine (NdlR : majoritairement formé de Touaregs maliens). Les islamistes viendraient de toutes les ethnies du Mali, une partie les ayant rejoints dernièrement.
Selon les nouveaux réfugiés, une police islamique est chargée de faire régner l’ordre sous la responsabilité d’un tribunal religieux qui ordonne l’application stricte de la charia - un ordre nouveau pour les habitants. Certains "déviants " subissent ainsi des pressions, d’autres sont flagellés, mais il y a eu également des amputations, des lapidations et même des exécutions sur la place publique.
Arrêté "pour un fou rire"
Avant les récents bombardements de l’aviation française sur la région - mais pas sur l’antique cité -, les prisons de Tombouctou étaient pleines. " Certains étaient arrêtés pour vol, d’autres pour une simple conversation téléphonique avec une femme; parfois pour avoir écouté de la musique, totalement in ter dite. On pouvait aussi t’arrêter pour un fou rire ! ", explique Mohamed Ahmad Ag Mohamed Ali. Ce Touareg de 38 ans a réussi à s’enfuir de Tombouctou pendant les frappes aériennes contre Konna, au lendemain de l’attaque de cette ville par les jihadistes.
Ce témoin raconte avoir fui la prison "avant la sentence qu’on lui réservait" . Il avait été arrêté une semaine plus tôt pour avoir été "surpris " en simple conversation avec une femme. Dans les campements nomades touaregs, les rencontres hommes-femmes sont des moments de liberté où chacun peut laisser libre cours à son imagination lors de joutes poétiques faisant l’éloge d’une femme entourée de plusieurs prétendants et rivalisant par la beauté de la langue - à l’image du poète yéménite préislamique Imro Al-Qays. Les femmes se réclament de ce héros épique et tentent de perpétuer cette tradition.
"Cent coups de fouet"
Mohamed Ahmad, indigné, tente de raconter ce qui lui est arrivé : "J’ai été arrêté simplement parce que j’étais chez une amie ! Nous avons été soupçonnés d’entretenir une liaison. Elle a reçu cent coups de fouet, tandis que j’ai été enfermé en prison." A la suite de la punition, son amie "a vomi du sang, elle est tombée gravement malade et ne s’est toujours pas remise"
" La femme est à protéger. Faire du mal à une femme est un acte impie pour un homme ", dicte un code de la tradition touarègue. Aussi, même si Mohamed Ahmad a réussi à s’enfuir, "il porte en lui la souffrance du châtiment infligé à son amie ", qui n’avait pourtant rien fait d’autre que converser avec lui autour d’un thé.
Lorsque les frappes françaises ont visé Konna, ce fut la débandade chez les extrémistes, qui ont fui. "Il n’en restait plus que quelques-uns ", selon notre témoin. Qui ajoute : "A la prison, un salafiste a profité de l’occasion pour forcer une jeune dame à rentrer avec lui dans une maison Elle a essayé de protester mais elle a été forcée par ce type J’ai entendu cette dame crier pendant que je m’échappais avec quatre autres prisonniers ! C’était terrible pour moi .
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