lundi 14 janvier 2013

Mali : les dessous de l'opération Serval

Des éléments de renseignement reçus à Paris lundi aux nouvelles frappes de samedi soir, une semaine de préparatifs puis d'acte de guerre. Paru dans leJDD Les soldats du groupement proterre (21e Rima) embarquent pour un déploiement sur l’aéroport de Bamako au Mali. Des renforts français les ont rejoints dans la nuit de samedi à dimanche. (R.Nicolas-Nelson/Sirpa-Air) Lundi. Durant le week-end, de nouveaux éléments de renseignement militaire (écoutes électromagnétiques et survols aériens) arrivent du Mali. Les djihadistes sont en train de se regrouper et de préparer une attaque vers Mopti, 115.000 habitants. La ville est située sur la frontière imaginaire entre la partie du pays tenue par les groupes islamistes et touareg armés et celle qui leur échappe encore. Les véhicules lourdement armés se multiplient à ses abords. Or Mopti ne peut pas tomber. Un diplomate : "Les laisser prendre Mopti revenait à leur ouvrir la route jusqu’à Bamako." Un haut gradé de l’armée française : "S’ils prenaient Mopti, ils nous privaient du seul aéroport dans la région." Mercredi. Les autorités françaises passent en "mode alerte". Le ministre de la Défense, qui estime que "la situation au Mali est grave" et "s’est détériorée rapidement ces derniers jours", l’offensive des islamistes visant "clairement à déstabiliser le Mali dans son ensemble", va désormais rendre compte deux fois par jour de l’avancée des opérations au président de la République. Des Français sont déjà sur zone. Le volet diplomatique a été calé : une source onusienne confirme que Paris n’a pas besoin d’une résolution des Nations unies pour intervenir. "Un pays membre, agressé, appelle à l’aide un autre pays membre : nous sommes dans le cadre de l’article 5 du chapitre VII de la charte des Nations unies", confirme une source à l’ONU. Jeudi. Le risque imminent d’une attaque des islamistes sur Konna se précise. Au ministère de la Défense, on parle de "1.200 à 1.500 hommes face à quelques centaines de militaires de l’armée malienne". Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, demande l’aide militaire de la France pour repousser l’offensive des groupes armés islamistes sur Konna, tout proche d’un poste de commandement opérationnel de l’armée malienne. Des témoins signalent la présence "d’hommes à la peau blanche" dans les environs : une source militaire confirme au JDD l’arrivée d’"une trentaine d’hommes des forces spéciales ainsi que de huit véhicules". L’ambassadeur français auprès de l’ONU, Gérard Araud, déclare de son côté que "les décisions françaises seront annoncées à Paris dimanche", alors que le Conseil de sécurité se réunit en urgence pour débattre de la situation au Mali. L’ambassadrice américaine à l’ONU, Susan Rice, résume la lettre du président Traoré à François Hollande, rendue publique à l’ONU : "Elle dit : Au secours la France!" Le jour même, un responsable du groupe armé Ansar Dine déclare "contrôler la cité de Konna presque en totalité". Vendredi. Premier conseil de défense à l’Élysée. Deux autres suivront samedi et dimanche, à 15 heures. Autour du président de la République, les ministres Jean- Yves Le Drian, Laurent Fabius, Manuel Valls, l’amiral Guillaud, chef d’état-major des armées, le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Francis Delon, et le directeur général de la DGSE, érard Corbin de Mangoux. L’armée malienne est en déroute. "Des combats durs et intenses qui ont duré cinq heures", raconte Le Drian, qui, au sujet de Mopti, évoque "un point de rupture". Un plan d’attaque est proposé à Hollande, qui le valide. Une opération bilatérale entre la France et le Mali. Un militaire : "Là, il a dit en gros : 'Maintenant, ça suffit!'" Des Mirage 2000 ayant décollé du Tchad et des hélicoptères de combat français venus du Burkina Faso frappent des véhicules des djihadistes ainsi que des campements dans lesquels ils se cachent ou dissimulent des armes. "Le but de l’opération est réellement de faire reculer les islamistes vers le nord, explique-t?on au ministère de la Défense. Il ne s’agit pas d’éradiquer les islamistes. Cette phase-là surviendra plus tard." Les premières frappes françaises de l’opération Serval se produisent vers 16 heures. François Hollande s’exprime à 18h15 : "J’ai, au nom de la France, répondu à la demande d’aide du président du Mali, appuyé par les pays africains de l’Ouest." Les troupes françaises enregistrent leur premier mort : dans l’après-midi, le lieutenant Damien Boiteux, du 5e régiment d’hélicoptères de combat de Pau, est mortellement blessé. Lors d’affrontements avec une "colonne terroriste" qui bat en retraite, sa Gazelle est la cible de tirs d’arme légère. Officier des forces spéciales âgé de 41 ans, spécialiste des interventions en milieu désertique de jour comme de nuit, il avait notamment servi à Djibouti, en ex-Yougoslavie et en Côte d’Ivoire. Samedi. Deuxième jour de l’offensive militaire française. Nouveaux affrontements dans la matinée puis en milieu d’après-midi. Encore les avions de chasse venus du Tchad. La veille, Jean-Yves Le Drian a obtenu de François Hollande un renforcement des moyens de renseignement et de frappes aériennes. Les islamistes poursuivent leur repli vers le nord. Conférence de presse du ministre : "La menace, c’est la mise en place d’un État terroriste à portée de l’Europe et à portée de la France. Il fallait réagir avant qu’il ne soit trop tard." Plusieurs centaines de militaires français sont déployés dans la capitale, Bamako : deux compagnies dont des hommes du 2e RIMa du Mans, arrivés dans la nuit. La Grand-Bretagne a également décidé de mettre deux avions de transport de troupes à la disposotion de la France. De source militaire, on indiquait samedi soir que la ville de Konna devait être intégralement reprise cette nuit. Lire aussi la tribune de Dominique de Villepin : "Non, la guerre ce n'est pas la France" Alexandre Duyck (avec Karen Lajon) - Le Journal du Dimanche dimanche 13 janvier 2013

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