jeudi 24 janvier 2013

"Les exactions de l'armée malienne entachent la reconquête du nord du pays"


France 24 DERNIÈRE MODIFICATION : 24/01/2013 - ANSAR DINE - ARMÉE FRANÇAISE - MALI - MNLA
© AFP Alors que le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a appelé, mercredi, à la "vigilance" au Mali suite au récit d’exécutions sommaires par des soldats maliens, la FIDH réclame des "actions" sur le terrain pour éviter un bain de sang. Entretien. Par Assiya HAMZA (texte) Exécutions par balles ou à la machette, cadavres jetés dans des puits… Douze jours à peine après le début de l’opération Serval destinée à stopper la progression des islamistes en route vers le sud du Mali, les témoignages sur les exactions commises par les soldats de l’armée malienne se multiplient. Alertée par un ensemble de sources sur le terrain, la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) a évoqué, mercredi, "une série d’exécutions sommaires" dans l’ouest et le centre du Mali et réclamé la création "immédiate" d’une commission d’enquête indépendante. Invité de l’émission Politiques sur FRANCE 24, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a de son côté appelé à la "vigilance" tout en rappelant que François Hollande comptait sur "le sens des responsabilités des cadres de l’armée malienne pour éviter toute exaction". Interview avec Florent Geel, responsable Afrique de la FIDH, actuellement à Bamako. FRANCE 24 : Comment avez-vous pu établir l’existence des exactions évoquées au Mali ? Florent Geel : Nous avons un ensemble de sources, notamment journalistiques, que nous avons croisées et vérifiées sur le terrain depuis une dizaine de jours. Il s’agit de cas d’exécutions sommaires, notamment dans l’Ouest. La seule chose que nous n’avons pas encore faite, c’est prendre les pelles pour déterrer les corps. Il y a aussi le cas de l’enlèvement de l’imam Cheik Hama Alourou par des militaires maliens, le 21 janvier au soir, à Gnimi Gnama, un village entre Boré et Douentza. Pour l’instant, nous n’avons aucune nouvelle. REPORTAGE : À LA RENCONTRE DE DÉPLACÉS MALIENS Par Tatiana MOSSOT, correspondante France 24 Sur la trentaine de cas cités par la presse et par les témoins, nous avons pu déterminer l’identité de onze victimes. Une vingtaine d’autres cas est en cours de vérification. Quel est le profil des victimes ? F. G. : Les profils sont très divers mais ils se recoupent à travers les accusations de collaboration supposée avec les islamistes. À l’approche des djihadistes, notamment à Sévaré, certaines personnes n'ont pas caché une certaine forme d'enthousiasme. D’autres ont été accusées d’être des "infiltrés" parce qu’ils ont été arrêtés en possession d’armes. Il y a notamment des chauffeurs de bus qui ont été payés pour faire passer des armes. Lors des contrôles de l’armée, certains ont choisi de collaborer en montrant leur cargaison cachée sur le toit, mais pas tous. Ces derniers ont été exécutés. Les débordements ne sont-ils pas le fait de toute guerre ? Ne devait-on pas s’y attendre ? F. G. : On s’y attendait, compte tenu de l’évolution de la situation. On avait milité auprès du Conseil de sécurité de l’ONU pour que soient intégrés au sein de la résolution 2085 un certain nombre de mécanismes comme la formation des forces armées en droit international humanitaire et l'envoi d'observateurs. Malheureusement, avec l’urgence de l’intervention, les observateurs n’ont pas pu se déployer sur le terrain. On demande donc l’accélération de leur mise en place et une commission d’enquête internationale indépendante pour valider toutes les informations que nous avons recueillies. La CPI [Cour pénale internationale, NDLR] a, certes, été saisie mais il ne s’agit pas forcément de crimes contre l’humanité ou de crimes de guerre. Nous attendons également que les autorités maliennes et françaises communiquent davantage sur ces exactions, même si elles les ont condamnées. Il faut désormais des actes plus concrets comme des enquêtes, des sanctions contre leurs auteurs. C’est totalement contre-productif par rapport aux objectifs recherchés. Ces exactions entachent la reconquête du Nord et stigmatisent les populations alors qu’il s’agit de reconstruire l’État malien, son intégrité territoriale mais aussi le pays en tant que nation. REPORTAGE : L'AVANCÉE DES TROUPES FRANÇAISES ET MALIENNES VERS LE NORD Par Matthieu MABIN, envoyé spécial FRANCE 24 au Mali Quelle est la position des autorités maliennes et françaises sur la question ? F. G. : On alerte les autorités françaises depuis plusieurs semaines pour qu’elles tentent de mettre fin à ces exactions ou fassent pression sur les autorités maliennes. Tout le monde a l’air très concerné au niveau gouvernemental, mais maintenant il faut que ça se traduise sur le terrain. Certaines exactions qui ont été constatées se sont déroulées dans le camp militaire de Sévaré, selon nos informations. Soit il y a de la complicité, soit il y a une forme de couverture de ce qui s’est passé. Il est temps d’agir.

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