samedi 7 juillet 2012

Vendredi 6 Juillet 2012 à 12:00 | Lu 2 fois I 0 commentaire(s)

Régis Soubrouillard
Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales En savoir plus sur cet auteur

Connu pour son gaz, son pétrole, ses fonds d'investissements, ses clubs de foot, le rachat des palaces parisiens et méditerranéens, le Qatar joue actuellement un jeu trouble au Nord-Mali, par le soutien financier et militaire qu'il apporte aux islamistes radicaux qui sèment le chaos dans le pays. Des agissements largement connus des puissances occidentales qui laissent faire tant la manne gazière et la position du pays dans le Golfe est stratégique.


Diakaridia Dembele/AP/SIPA
Diakaridia Dembele/AP/SIPA
« Le gouvernement français sait qui soutient les terroristes. Il y a le Qatar par exemple qui envoie soi-disant des aides, des vivres tous les jours sur les aéroports de Gao, Tombouctou etc. ». C’est ce qui s’appelle mettre les pieds dans le plat. Invité de la matinale de RTL, Sadou Diallo, le maire de Gao au Mali a lancé un appel à l’aide à la France. 

Selon le quai d’Orsay, à Gao, la population  est en effet prise en otage. Dans un contexte de guerre et de crise alimentaire ce sont désormais des mines antipersonnels qui auraient été installées tout autour de la cité par le Mujao (Mouvement pour l'unicité et le Jihad en Afrique de l'ouest), les Taibans du Mali, empêchant la population de se déplacer. Ce que le quai d’Orsay qualifie « d’acte de terrorisme ». 

Début juin apparraissait une polémique sur le rôle tenu par l’émirat du Qatar dans cette montée en puisance des groupes islamistes radicaux. Sur la base d’informations de la Direction du renseignement Militaire Français, le Canard Enchainé affirmait que l’émir du Qatar avait livré une aide financière aux mouvements armés qui ont pris le contrôle du Nord du Mali. Parmi ces groupes qui ont reçu les dollars qataris figurent le Mujao qui retient en otage sept diplomates algériens depuis le 5 avril dernier. L’Emirat bien connu pour ses fonds d’investissements qui lui donnent une façade pour le moins inoffensive sinon alléchante aurait surtout des visées sur les richesses des sous-sols du Sahel. D’où la nécessité de « subventionner » - si ce n'est armer directement- les mouvements djihadistes. Des pratiques parfaitement connues du Ministère de la Défense.

DES FORCES SPÉCIALES QATARIES POUR ENTRAÎNER LES ISLAMISTES RADICAUX ?

Plus récemment, c’est la présence de quatre membres de l’organisation humanitaire du Croissant rouge du Qatar qui a encore alimenté les soupçons d’un appui du Qtaar aux islamistes sous couvert humanitaire. « Nous sommes venus à Gao (nord-est) pour évaluer les besoins des populations en matière de santé et de fourniture en eau et en électricité. Nous allons repartir très bientôt pour revenir avec le nécessaire » expliquait à l'AFP un des humanitaires qataris simplement présenté comme Rachid, joint par téléphone depuis Bamako. 

Les humanitaires qataris seraient arrivés par voie terrestre en provenance du Niger et leur sécurité est assurée par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). « De la même façon que le Qatar a fourni des forces spéciales pour entraîner une opposition à Kadhafi, on pense qu’un certain nombre d’élément des forces spéciales qataries sont aujoud’hui dans le Nord Mali pour assurer l’entraînement des recrues qui occupent le terrain, surtout Ansar dine » affirme Roland Marchal, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales de Sciences-Politiques à Paris.  Solidarité islamiste ? Politique d’influence régionale ? 

Pour toutes ces raisons. Habitué des fidélités passagères, le pays ne possède pas la puissance militaire nécessaire pour s’imposer au monde arabo-musulman, et ne procède que par soutiens, ingérences et interventions dans d’autres pays arabes, sous le regard averti mais imperturbable de Paris et de Washington. Manne gazière et position stratégique oblige.

LE DOUBLE JEU DANGEREUX DES PUISSANCES OCCIDENTALES

« On ne saurait dire que la famille qatarie véhicule une idéologie quelconque en dehors de la protection de ses propres intérêts. Mais comme il lui faut ravir à la famille Séoud son rôle moteur dans le contrôle de l'Islam sunnite à l'échelle mondiale, elle héberge volontiers les imams et prêcheurs de tout poils ( cf Youssef Qardhawi) à condition qu'ils soient plus extrémistes que les oulémas séoudiens de façon à leur rendre des points. Et le Qatar finance partout et généreusement tous les acteurs politico-militaires salafistes (c’est le cas du groupe Ansar Dine), dont la branche la plus enragée des Frères Musulmans, hostiles à la famille Séoud (et bien sûr au chiisme) mais aussi aux régimes « laïcs » et nationalistes arabes susceptibles de porter ombrage aux pétromonarchies » résume Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la DGSE. 

Longtemps pays exemplaire, le Mali s’est effondré : une corruption endémique, une démocratie de façade où la « religion est un recours, l’islam une alternative dans cette région où de plus en plus de mosquées sortent de terre financées par les pays du Golfe. Je crains que nous ne soyons pas au bout de nos surprises » expliquait Laurent Bigot, sous-directeur Afrique Occidentale au Ministère des Affaires Etrangères dans le cadre d’une conférence de l’IFRI sur la crise malienne. Résultat d’une lente défragmentation à l’œuvre depuis longtemps, mais largement aggravée à la suite de l’épisode libyen.  

Si l’Afghanisation du Mali inquiète les pays voisins, à commencer par l’Algérie, les puissances occidentales qui déclarent redouter tout autant la sanctuarisation du Sahel par des groupes terroristes n’en adoptent pas moins un comportement ambigu dont la facture pourrait s’avérer salée.



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