Depuis le début de l’année, la Belgique a procédé à l’expulsion de 1224 chômeurs européens. Pour avoir perçu plus de trois mois d'allocations chômage, Français, Roumains, Italiens sont reconduits à la frontière, leurs titres de séjour sont confisqués.
La Belgique est entrée en guerre contre le chômage. Pour endiguer la crise, le gouvernement belge s’est appuyé sur une directive européenne de 2004, qui autorise chaque État membre à mettre un terme aux aides sociales d’un citoyen européen des lors qu’il constitue une "charge déraisonnable" pour le système d’aide sociale de la nation. La France a déjà eu recourt à cette fameuse directive, il y a deux ans, pour expulser les Roms de nationalité roumaine ou bulgare. Pour débusquer les "gêneurs", l’Office des étrangers convoque les ressortissants de l’Union européenne bénéficiaires du revenu d’intégration sociale (RIS) au motif d’examiner leur situation. Les ressortissants de l’Union sont alors invités à présenter leur carte de séjour qui est confisquée avant d'être priés de quitter le territoire belge.
"C’est choquant de recevoir ce genre de courrier"
Julie, une Française de 28 ans, venue en Belgique en 2005 pour effectuer un master d’Arts plastiques, fait partie de ces personnes qui ont été "invitées" à quitter le territoire. A l’issue de ses études, la jeune femme décide de s’installer à Bruxelles puisque c’est là qu’elle y a désormais toutes ses attaches. Entre démarches administratives pour le renouvellement de sa carte de séjour et des périodes de petits boulots, la Française perçoit des prestations sociales du royaume. En 2011, un courrier lui est adressé indiquant son exclusion très prochaine du territoire. "Dans la lettre, il est question de détention, d’être ramenée à la frontière. C’est très choquant de recevoir ce genre de courrier", confie-t-elle à FRANCE 24. Avant chaque exclusion du territoire, un acte de notification est adressé au destinataire qui "s’expose à être ramené à la frontière et à y être détenu à cette fin pendant le temps strictement nécessaire pour l’exécution de la mesure", conformément à la loi.
Les Belges plutôt favorables à la mesure
Cette mesure répressive fait partie d'une nouvelle politique vis-à-vis des chômeurs. Interrogé par lesoir.be, premier site d’information en Belgique francophone, plus de 60 % des 1 200 internautes participant au sondage pensent que la Belgique devait durcir les sanctions à l'encontre des chômeurs et que les allocations devaient être limitées dans le temps. En outre, l’annonce de cette mesure en janvier 2012 n’a pas provoqué de remous particulier dans l’opinion publique belge. Guido De Padt, sénateur du parti de la droite flamande "Open VLD" considère que la mesure n’a rien de choquant puisqu’elle est juste. "Si on ne sanctionne pas les personnes qui profitent du système depuis plusieurs années, le système de prestations sociales ne peut plus venir en aide aux des personnes qui en ont le plus besoin", explique t-il à FRANCE 24. Inversement, le sénateur jugerait tout à fait logique que la France prenne les mêmes mesures à l’égard des Belges qui profitent du système français.
"On est loin de l’idéal européen"
Zakia Khattabi, présidente du groupe Ecolo au Sénat belge, se dit bouleversée par ce manque de solidarité. "Sous couvert d’économie budgétaire, on brise l’idée de la libre circulation en Europe. Le discours culpabilisant du gouvernement pousse les Belges à se réfugier vers des solutions qui peuvent paraître sécurisantes mais c’est une erreur." Les récentes études de l'Onem (l’Office national de l’emploi) -l'équivalent de Pôle emploi- montrent pourtant que l’ensemble de la politique répressive menée par le gouvernement exerce un effet positif sur la recherche d'un travail. En 2011, l'Onem a sanctionné 25 579 chômeurs et le chômage a baissé de 3.8% par rapport aux années précédentes. Zakia Khattabi retient avant tout que "de telles mesures envoient un signal inquiétant à l’ensemble des pays européens et un symbole effrayant".
Informations sur la vie privée
La mesure qui concerne spécifiquement les chômeurs européens reste symbolique puisqu’elle ne concerne guère plus d’un millier d’entre eux. Mais elle soulève davantage des questions d’ordre éthique. Au cours de la commission de l’intérieur du 10 juillet 2012, la députée fédérale Ecolo Zoé Genot s’est émue que les CPAS (Centres publics d'action sociale) puissent délivrer des informations privées à l’Office des étrangers. Maggie De Block, secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, à l’Intégration sociale et à la Lutte contre la pauvreté, a rétorqué que ce transfert d’informations relatives à la vie privée se faisait de manière complètement légale.
Dans le contexte de crise économique généralisée que connaît l’Europe, la solution belge pourrait faire des émules chez ses voisins et remettre en cause le vieux rêve de Robert Schumann.
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