Révélations sur les opérations militaires au Nord : Les confidences d’un combattant anonyme
« Certains militaires issus de familles aisées ont reçu des sous et l’ordre de retourner en famille… »
Les révélations sont croustillantes, mais révoltantes. Elles sont des confidences faites à votre hebdomadaire préféré par un élément de l’Unité spéciale commandée par le Colonel-major El hadji Gamou, de passage à Bamako où il a sa famille. Lisez plutôt !
Votre nom et prénom s’il vous plait ?
Je préfère l’anonymat. Tout ce que je peux vous dire à mon sujet est que je suis un sous-officier appartenant à l’Unité spéciale Etia2 ((Echelon Tactique interarmées) que commande le Colonel-Major El Hadji Gamou.
Vous êtes un militaire ayant combattu au front contre les rebelles islamistes et indépendantistes du Mnla. Comment avez-vous vécu le feu de l’ennemi ?
J’ai vécu le feu de l’ennemi avec un dévouement sans faille et une endurance pleine et entière. Être soldat, c’est avant tout être prêt à mourir, à n’importe quel moment, pour que vive la patrie.
Il se dit pourtant que certains de vos frères d’armes ont fait défection…
Oui ! Je le confirme. Et j’ai d’ailleurs été témoin de plusieurs de ces cas. C’est bien regrettable, mais que faire ? Ceux- ci doivent leur place dans l’armée à la corruption. Que ce soit avant les hostilités ou pendant les hostilités, certains militaires issus de familles aisées ont reçu des sous et l’ordre de retourner en famille. Ces défections nous ont créés d’énormes problèmes. Nous, nous sommes restés et nous y sommes toujours. Car nous ne devons notre place à personne et à rien. Sinon, au bon Dieu et tout ce que nous avons comme acquis pour mériter d’être dans l’armée.
Depuis quand avez-vous été mobilisés ?
Je suis au front depuis le 23 mai 2006 et ce, jusqu’à la chute de Kidal, le 30 mars 2012. Même maintenant, je suis avec le Colonel-major Gamou, au Niger. Histoire de dire au peuple malien que son armée l’aime et que les Maliens sachent que tous les militaires ne sont pas des trouillards.
Vous appartenez à l’unité commandée par le colonel-major Gamou, disiez-vous tantôt. Comment avez-vous survécu à la prise de Kidal ?
Nous avons été trahis par certains de nos frères d’armes. Nos éléments qui étaient en position avancée à Anéfis (12 km de Kidal, ndlr) ont abandonné leur position pour aller rejoindre l’ennemi.
On n’avait plus d’autre choix que de nous replier vers Gao, pour aller renforcer le dispositif présent là-bas.
C’étaient des hommes de rang ou des hauts gradés ?
Parmi, eux il y avait des hauts gradés comme des hommes de rang.
Est-ce que vous pouvez nous citer le nom de certains d’entre eux?
Il y a parmi eux le colonel Al Kassoum Ag Okana, chef ETIA 2 de Kidal, le colonel Malick Ag Achérif, pour ne citer que ceux-là…Ces hauts gradés ont fait défection avec des hommes et des armes
Comment vous êtes-vous retrouvés au Niger ?
Le 30 mars, entre 8 heures et 9 heures, nous avons quitté Kidal. Nous nous sommes regroupés à Takalot, à environ 45 km de Kidal. De Takalot, on devait aller à Gao pour renforcer le dispositif présent. Mais, c’était trop tard : à 200 km de Gao, on nous a fait savoir que Gao aussi est tombé. Nous nous sommes dit qu’il était trop tard et avions décidé de nous replier vers le Niger.
Quelques épisodes de combat auxquels vous avez participé… ?
Tinéssalet en 2008, Boureissa, Tégarghar, Tockchimen, le 24 janvier 2009 et les événements de Kidal en 2012. J’ai fait toutes ces opérations avec le colonel-Major Gamou.
Aujourd’hui que la guerre semble inévitable, pensez-vous que l’armée malienne soit à mesure de libérer le nord ?
Les ressources humaines ne manquent pas. Mais, il faut mettre les hommes dans les conditions opérationnelles.
Que pensez-vous de l’intervention étrangère ?
Ma réponse est claire : elle est négative. Nous ne manquons pas de volonté. Nous sommes engagés, nous aimons notre patrie. Pour preuve, je suis toujours au front, au Niger, avec Gamou. Ce qui nous manque réellement ce sont les matériels logistiques et rien de plus.
Si les islamistes lançaient aujourd’hui l’offensive pour conquérir le reste du Mali, est ce que l’armée malienne peut les contrer ?
Evidement. Le peu de matériels que nous avons peut nous amener jusqu’à Gao.
Que pensez-vous de la déclaration de Gamou sur Rfi, quant il disait qu’il avait changé de camp ?
Le Colonel-Major Gamou n’a aucun problème avec l’Etat malien. C’est un patriote convaincu et il aime son pays, le Mali. Il a fait cette déclaration juste pour sauver la tête des 235 soldats maliens qui étaient avec lui. Ils étaient encerclés par l’ennemi et c’était la seule option possible.
Quel est le vrai problème entre Gamou et Iyad ?
Le seul vrai problème qu’il y a entre Iyad et le Colonel-Major Gamou, est que Gamou est de la tribu des Imgad et Iyad est de la tribu des Iforhas. Entre ces deux tribus, il y a toujours eu des rivalités extrêmes. Iyad reproche à l’Etat malien d’avoir donné à Gamou tous les moyens pour combattre les Iforhas, alors qu’il n’en est pas le cas. Gamou est loyaliste et Iyad est rebelle.
Quel a été l’impact du coup d’Etat sur la situation actuelle du pays ?
Après le coup d’Etat, les chaînes de commandement ont lâché. Certains subalternes n’obéissaient plus à leurs supérieurs. Mais il faut aussi signaler que même avant le coup d’Etat, au niveau du commandement, il y avait des problèmes de leadership.
Le colonel Gamou aurait rencontré, au Niger, le chef militaire du Mnla, Ag Najim après que les islamistes du Mujao les ont délogés de Gao. Confirmez-vous cette information.
Ce n’est pas vrai. Je lui ai personnellement parlé de ça. Il m’a dit : « mais tu me connais quand-même ! Tu penses que je suis quelqu’un de cette nature? ». Ce qui est vrai c’est que les rebelles ont cherché parmi les touaregs quelqu’un de neutre pour pouvoir lui parler mais ça n’a jamais eu lieu.
Votre dernier mot…
Mon dernier mot, c’est de dire au peuple malien de ne pas faire l’amalgame. Tous les touaregs ne sont pas des rebelles. Parmi les touaregs il y a beaucoup qui aiment le Mali et qui sont de vrais patriotes. J’en connais plein parmi nous qui sont morts au front pour le Mali et d’autres qui sont prêts à mourir pour le Mali. Certains de leurs frères les traitent même de traitres parce qu’ils « sont avec les sudistes ».
Propos recueillis par : Lassina Niangaly
La Dépêche du 30 juillet 2012
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