jeudi 7 février 2013

MALI. Ce que les rebelles touaregs attendent de la France


MALI. Ce que les rebelles touaregs attendent de la France

Créé le 06-02-2013 à 18h16 - Mis à jour le 07-02-2013 à 12h13

Pour Moussa ag Acharatouman, l'un des fondateurs du MNLA, mouvement touareg indépendantiste et laïc, l'espoir d'un accord entre Bamako et les Touaregs repose sur Paris. Interview.

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Rebelles touaregs du MNLA avec le drapeau de l'Azawad (DPA/MAXPPP)
Rebelles touaregs du MNLA avec le drapeau de l'Azawad (DPA/MAXPPP)
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Votre organisation, le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) dit collaborer avec les forces françaises à Kidal. Pourquoi coopérez-vous et comment ?
- On a toujours dit qu'on était prêt à aider les Français contre les terroristes. Maintenant qu'ils sont à Kidal, sur nos terres, on partage nos renseignements avec eux, on leur explique comment faire la différence entre les gens de la région pour savoir qui arrêter, etc.
Des Touaregs auraient aussi pris contact avec les ravisseurs des otages français. S'agit-il de membres du MNLA ?
- Ce n'est pas notre job.
Qu'avez-vous obtenu de la France en échange de votre aide ?
- Ce n'est évidemment pas gratuit, on a posé nos conditions. Si les troupes maliennes ne sont pas entrées à Kidal, c'est parce que la France a répondu à notre demande. On avait prévenu que si l'armée malienne posait le pied chez nous, on lui taperait dessus. Et si le président de la transition, Dioncounda Traoré, s'est dit prêt à discuter avec nous, c'est parce que la France l'oblige à accepter de négocier.
On attend de la France qu'elle reste jusqu'à ce qu'il y ait un accord politique entre nous et Bamako. Aujourd'hui, c’est la France, et non le Mali, qui contrôle notre territoire. Donc Bamako n'a pas d'autre choix que d'écouter Paris.
Quelle solution espérez-vous ?
- Le Mali d’hier, ce n’est plus possible. On veut que l’Azawad ait un autre statut, on veut qu'il nous revienne. Il faut que la question fondamentale soit posée. Cette question, ce n'est pas celle du terrorisme mais celle des Touaregs. Et il faut qu'elle soit posée à toute la population du Nord. Car on ne demande pas l'indépendance pour les Touaregs mais pour toutes les communautés de l'Azawad.
Pourquoi voulez-vous à tout prix vous désolidariser du Mali ?
- Le Mali n'a jamais rien fait pour nous. C'est pour moi un pays étranger. Nos artistes sont internationalement reconnus, mais au Sud du Mali, personne ne les connaît. Depuis 1958, on ne veut pas de cet Etat raciste qui nous maltraite. On n’a pas cessé de se battre contre le Mali car on ne veut pas de ces gens-là chez nous.
On a été étouffé par cette armée, cette administration, cette acculturation. On a grandi dans la souffrance, on a vu le Mali maltraiter nos pères, nos frères, faire fuir nos familles dans les pays voisins. Au souvenir de la répression de la première révolte de 1963, nos grands-mères réfugiées en Algérie en tremblent encore.
Comment et quand l'idée d'une nouvelle rébellion est née ?
- Né en 1986, j’ai grandi à la fois dans le souvenir de ces massacres et dans les préparatifs d’une nouvelle rébellion [celle de 1990, ndlr.]. Mais ma génération a eu une chance que nos aînés n’ont pas eue : on a été à l’école. On a voulu régler le problème une fois pour toutes : dès 2009, on a décidé de réclamer, pour la première fois, par la voie politique, cette indépendance que nos parents ont toujours voulue bien qu'ils n'aient jamais eu les moyens de l’exprimer.
Au début, on n'était qu'un petit groupe de jeunes âgés de 20 à 30 ans qui se sont rassemblés en association d'étudiants. C'est le 1er novembre 2010, à Tombouctou, qu'on a créé le Mouvement national de l’Azawad (MNA), un mouvement politique et pacifique revendiquant le droit à l’autodétermination de l’Azawad, ce mot qui fait tant peur au Mali. On ne s’est pas caché, on a fait exprès d’organiser un Congrès en plein cœur de Tombouctou.
Comment Bamako a-t-il alors réagi ?
- Le jour-même du Congrès, j’ai été arrêté. Bamako a cru que décapiter le mouvement suffirait à le détruire. Mais dans les heures qui ont suivi, Al-Jazeera a répandu la nouvelle de la création du mouvement et de mon arrestation. Grâce à cette pression médiatique, j’ai été relâché au bout de 18 jours avec l’interdiction de quitter Bamako.
C’est à ce moment-là que vous avez décidé de rebasculer dans la lutte armée ?
- Quand je suis sorti de prison, Ibrahim ag Bahanga, [un chef rebelle qui n'avait pas déposé les armes après les derniers accords de 2006 entre Bamako et les touaregs, ndlr.], nous a dit qu'il était prêt à tout donner pour nous suivre. La guerre en Libye a accéléré le processus. Nos combattants touaregs qui servaient Kadhafi sont revenus au Mali. Contrairement à ce qu'il se dit, il n'y en a pas eu des milliers mais 700 tout au plus. Et les militaires touaregs ont commencé à déserter de l’armée malienne en emportant véhicules et armes.
Vous avez alors abandonné l'idée d'une solution politique ?
- Non, à ce moment-là, on a encore cherché à discuter avec le président malien Amadou Toumani Touré (dit ATT, il a depuis été déposé par un coup d'Etat militaire, le 22 mars 2012 ndlr.). Mais il a considéré qu’on n’était que quelques jeunes, des "éléments marginaux", et n’a pas donné suite. Le 15 octobre 2011, on est devenu un mouvement non seulement politique mais aussi militaire, en se rebaptisant Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).
L'Algérie, qui a aussi des Touaregs sur son territoire, a cherché à nous dissuader de passer à l'offensive, car elle ne veut pas d'un Etat de l'Azawad.
Tous les Etats de la région craignent plus une indépendance des Touaregs que l'instauration de la charia. ATT a aussi fini par envoyer un groupe de parlementaires maliens nous rencontrer. On leur a expliqué que l'on souhaitait une solution politique. Mais ATT a répondu en envoyant son armée.
On a alors lancé l’offensive sur la ville de Menaka, le 17 janvier 2012, et pris les villes une à une. Le 6 avril on a déclaré l’indépendance de l’Azawad. La communauté internationale l'a malheureusement rejetée. Mais l’histoire retiendra qu’on a conquis notre territoire. Si on n'obtient pas cette fois ce que l'on réclame depuis 50 ans, il y aura une nouvelle rébellion. Se rebeller, chez les Touaregs, c'est un devoir.
Propos recueillis par Sarah Halifa-Legrand et Jean-Baptiste Naudet

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