Mali : l’Europe face au dilemme Touareg
Posté par IPJ Groupe 1 dans Mali le 8 février 2013
Les Touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) affirment collaborer depuis quelques jours avec l’armée française dans sa lutte contre les islamistes armés au Mali. Une alliance qui pose question en Europe, mais qui paraît indispensable pour régler la situation malienne.
Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a qualifié le mouvement d’ « interlocuteur possible ». Un choix qui ne fait pas l’unanimité. « La France fait une grosse erreur en défendant le MNLA. Cela ne passera pas auprès de la population malienne », avertit Françis Simonis, spécialiste de l’Afrique subsaharienne à l’université Aix-Marseille. La bienveillance de l’Etat français envers le mouvement rebelle touareg, qui fut un temps allié au groupe islamiste armé – et touareg – Ansar Dine, pourrait en effet entamer le capital sympathie dont bénéficie la France au Mali. « La France et les médias français ont toujours soutenu les Touaregs, par romantisme. Il y a une fascination pour les hommes du désert, pour les hommes bleus », estime Françis Simonis. L’historien critique en particulier le soutien que reçoit le MNLA : « Il n’est pas représentatif de la population touarègue, très divisée. »
Côté Union Européenne, si l’on soutient l’intervention militaire de la France au Mali, il n’y pas en revanche de position claire sur la question touarègue. La Commission parlementaire européenne des Affaires étrangères juge l’attitude du MNLA « plus qu’ambigüe », selon Arnaud Danjean. L’eurodéputé UMP, président de la sous-commission Défense et Sécurité, affirme que « la représentativité de ce mouvement rebelle est une vraie question ». « Il existe une reconnaissance politique des Touaregs de la part des gouvernements européens », affirme Moussa Ag Assarid, porte-parole du MNLA en Europe. Des négociations doivent se tenir « avec toutes les communautés maliennes et non avec une seule communauté », selon Gaëtan Mootoo, de retour du Mali pour Amnesty International.
C’est sur la base d’une autodétermination de l’Azawad, en conformité avec la charte des Nations Unies, que le MNLA souhaite dorénavant engager les discussions avec le pouvoir central malien. L’Europe pourrait dans le cadre du processus politique, apporter un soutien diplomatique sous l’égide de l’ONU et de la Cédéao(Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest). Mardi 29 janvier, les 139 députés de l’Assemblée Nationale malienne votaient à l’unanimité l’intégrité territoriale du Mali. Abdoulahi Attayoub, responsable de l’Organisation de la Diaspora Touarègue en Europe, en appelle à la communauté internationale face « aux risques d’explosion du pays ».
Des soldats formés par l’Europe pour éviter les exactions
Assimilés aux djihadistes par la majorité des Maliens, les Touaregs redoutent à présent la vengeance de la population sédentaire et de l’armée malienne. « Aujourd’hui les Touaregs ont plus peur de l’armée malienne que des islamistes », déclare Abdoulahi Attayoub. Si rien n’est fait pour empêcher les exactions, « le risque est grand d’élargir le conflit à l’ensemble des Touaregs, jusque au Niger », prévient-il. Un risque que l’Union Européenne ne sous-estime pas. La mission de formation de l’armée malienne (EUTM Mali), qui devrait arriver dans les prochains jours à Bamako, prévoit une formation aux droits humains. « On ne leur apprend pas seulement à bien marcher au pas et bien tirer à la mitraillette », explique l’eurodéputé Arnaud Danjean. Les soldats maliens seront sensibilisés au droit de la guerre et à la convention de Genève. « La formation est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. La question n’est pas militaire, elle est politique », tempère Salvatore Saguès, auteur du rapport d’Amnesty International sur la situation au Mali.
« Il est exclu que le Mali continue d’exister comme avant, mais les Maliens sont incapables de sortir de cette situation seuls » estime Abdoulahi Attayoub. « On peut le masquer comme on veut, mais en Afrique la pratique politique passe d’abord par l’appartenance ethnique » déplore celui qui est aussi fondateur de l’association Temoust. Une seule certitude, la résolution du conflit au Mali ne pourra pas faire l’économie de négociations entre Bamako et les représentants des communautés maliennes, dont le MNLA. « La France porte une part importante de responsabilité. Elle a remis le destin de l’Azawad entre les mains du Mali » déclare Moussa Ag Assarid. « Elle peut amener Bamako à la table des négociations avec le MNLA » poursuit-il. Dans le cas contraire, on peut craindre le pire pour le pays. « S’il n’y a pas d’issue politique avec les négociations, il y a un risque de guerre civile » met en garde le porte-parole du MNLA.
Chloé Pilorget-Rezzouk, Hortense Lasbleis et Marlène Seguin.
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