vendredi 17 juin 2011

De l’uranium africain aux paradis fiscaux de la Caraïbe

MONDE -  le 16 Juin 2011
C'est un scandale!


Une holding du géant nucléaire français Areva est immatriculée aux îles Vierges britanniques, 
un paradis fiscal.
De l’Afrique australe à la mer des Caraïbes… Areva Resources Southern Africa, la holding regroupant les activités minières du géant nucléaire français en Afrique (à l’exception du Niger et du Gabon), affiche une géographie à vous faire perdre le nord. Cette entité regroupe les gisements d’uranium autrefois détenus par la société canadienne UraMin, cotée à Londres et Toronto, rachetée par Areva en juin 2007 pour un montant de 2,5 milliards de dollars (1,8 milliard d’euros). Rebaptisée Areva Resources Southern Africa, cette structure dispose aujourd’hui de filiales en Namibie, en République centrafricaine, au Sénégal et en Afrique du Sud. Devenue propriété du groupe nucléaire français, cette holding est pourtant toujours immatriculée... aux îles Vierges britanniques, un paradis fiscal notoire. Pas aux yeux de l’OCDE, qui a retiré l’archipel de sa « liste grise » après qu’il eut signé, en 2009, des conventions portant sur l’échange de renseignements en matière fiscale avec douze pays, parmi lesquels… d’autres paradis fiscaux. Comme les îles Caïmans ou les îles de Jersey et Guernesey, les îles Vierges britanniques figurent désormais sur la « liste blanche » des « juridictions qui ont substantiellement mis en place la norme fiscale internationale ».
Crise globale oblige, les temps ont changé, l’heure est à la « moralisation du capitalisme financier ». Ne dites plus « paradis fiscal », mais « pays à la fiscalité très faible ou avantageuse ». Avec la signature, l’an dernier, d’une convention bilatérale, la France a elle aussi blanchi ce territoire d’outre-mer du Royaume-Uni où l’impôt sur les sociétés n’existe pas. Championnes des avantages fiscaux, comptables et juridiques accordés aux banques, fonds de pension et autres trusts immatriculés sur leur territoire, les îles Vierges britanniques sont classées au 16e rang des paradis fiscaux les plus opaques et les plus nocifs par le Tax Justice Network, une coalition d’ONG. À une centaine de kilomètres à l’est de Porto Rico, sous les cocotiers de cette cinquantaine d’îles, dont seulement une quinzaine sont habitées, on ne compte pas moins de 830 000 sociétés enregistrées, pour seulement 24 000 habitants. Soit 34 sociétés par habitant… Tout à ses projets de filialisation des activités minières d’Areva, qui doivent servir de prélude à l’ouverture du capital, voire à la privatisation du groupe nucléaire, l’État français, actionnaire majoritaire (87 % des titres et 93 % des droits de vote), ne semble pas s’émouvoir de cette immatriculation exotique. Contacté, Areva n’avait pas donné suite à nos sollicitations, hier, à l’heure où nous mettions sous presse. Mais après tout, où est le problème ? Nicolas Sarkozy lui-même l’avait annoncé, dès le 24 septembre 2009 : « Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini. »
Rosa Moussaoui

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