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Le couturier nigérien Alphadi est aussi haut en couleurs que ses créations. Dans son atelier et sa boutique à Niamey où clients et amis se succèdent, on rit, on s'énerve et on se perd dans des discussions houleuses et passionnées sur l'Afrique, l'art ou le développement.
A 53 ans, ce touareg fluet et rieur est mû par une énergie qui semble sans limites.
De New York à Dakar en passant par Paris et Bamako, c'est avec sa collection de couture "Nomades" sous le bras qu'il parcourt les aéroports et les podiums: des robes, des tuniques, élégantes et ultra féminines, légères et volantes, en soie, en coton, brodées ou imprimées de motifs rappelant tour à tour le désert, la savane ou une nature luxuriante.
Né d'un père malien et d'une mère nigérienne, Sidahmed Seidnaly alias Alphadi, qui créa sa marque en 1984, partage sa vie entre Paris et la capitale nigérienne.
Dans son "Complexe Alphadi", qui abrite notamment ses bureaux, un atelier, une grande boutique de prêt à porter et un café, situé dans la populaire rue du Vox en plein centre de Niamey, le styliste reçoit des clients brésiliens, un jeune créateur nigérien avec qui il travaille ou encore un cousin accompagné d'hommes politiques ivoiriens de passage.
Dans l'atelier situé sous les combes, cinq couturiers s'affairent, fenêtres grandes ouvertes. Repassage, couture d'un revers, coups de ciseaux dans un grand morceau d'étoffe rose.
C'est ici qu'a été confectionnée une partie de la collection Nomades, ainsi qu'au Maroc et en Syrie.
"J'avais plus de 120 employés il y a encore trois ans", au Niger, regrette Alphadi qui n'en compte plus que 30. Pas facile de faire tourner les affaires dans un contexte d'instabilité politique et dans l'un des pays les plus pauvres au monde.
L'année de transition démocratique qui a suivi le coup d'Etat de février 2010 a été "une année sabbatique" plaisante tristement le créateur qui a vu ses activités ralentir. Optimiste, il espère que le récent retour au régime civil lui sera bénéfique.
Chaque rencontre dans sa boutique est l'occasion d'échanger des points de vue et de plaisanter pour Alphadi qui n'a pas sa langue dans sa poche.
L'art, la création, l'Afrique, la politique, les discriminations et le développement sont autant de sujets pour lesquels brûle le couturier.
Très tôt, raconte ce père de six enfants, il s'est lancé dans un "combat", pour "donner la chance à l'Afrique de créer", sur le plan artistique et par la même occasion des emplois.
Son humour et sa légèreté font régulièrement place à la colère et l'indignation. Il fustige "les politiques" africains qui "relèguent les +culturels+ au second plan", qui sous-estiment ce que peuvent apporter les artistes en matière de développement et qui attribuent des marchés de confection textile à la Chine, "pour gagner 15, 20, 30% en plus", plutôt qu'à des couturiers locaux, comme lui-même.
"On peut tout faire en Afrique!", martèle Alphadi, installé sur un petit pouf dans un coin de son magasin.
"Le pétrole, les diamants, l'uranium, je comprends. Mais il y a aussi la création (...) Ce sont les plus démunis, les plus pauvres qui créent, qui font les bijoux, la broderie, la teinture. Il faut moderniser leur savoir faire".
Ses combats sont nombreux. Il a fallu d'abord faire face au rejet par sa famille de descendance royale "très islamique, très ancrée dans la religion", de son goût précoce pour la mode. "A l'âge de 14 ans je tricotais", se souvient-il, amusé. "La féminité qui était en moi déplaisait beaucoup".
Plus récemment, des islamistes au Niger ont cassé ses vitrines et l'ont menacé de mort, n'acceptant pas l'image qu'il véhicule de la femme ni sa façon de les habiller.
"Aider la jeunesse" est aussi une priorité du styliste qui offre tous les deux ans aux jeunes créateurs africains l'occasion de se montrer lors de son Festival international de la mode africaine (Fima). La prochaine édition est prévue en novembre à Niamey
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