mercredi 25 mars 2009

Sarkozy en Afrique, acte 2



Vincent Hugeux, L’Express- 25/03/2009

mercredi 25 mars 2009

Ce périple est à Nicolas Sarkozy ce que le rendez-vous de septembre est à l’aspirant
bachelier recalé en juin et muni d’un billet d’excuse : une session de rattrapage. Le
président français a, en juillet 2007,loupé son voyage inaugural africain, dont l’épisode subsaharien fut d’ailleurs éclipsé par une escale libyenne.

Du discours de Dakar (Sénégal), passé à la postérité pour ses stéréotypes, à l’épilogue gabonais, vaine concession à l’ombrageux Omar Bongo, vétéran d’une Françafrique exténuée, cette virée eut pour effet de brouiller le message de" rupture" d’avec les travers de la Chiraquie.

L’excuse du candidat Nicolas ? A peine recevable : il n’avait guère potassé une matière qui ne l’intéresse guère, avant de livrer à Dakar la copie d’un autre, sa "plume" Henri Guaino. Depuis lors, l’Elysée a révisé ses classiques.

Pour preuve, en février 2008, l’oral du Cap (Afrique du Sud), où Sarkozy se fit l’avocat d’un partenariat "décomplexé" et brossa un tableau lucide du devenir du dispositif militaire français sur le continent. Tel est l’enjeu véritable de cette excursion éclair - trois pays en 36 heures chrono : confirmer l’inflexion. Pour ce faire, Paris n’a pas choisi les options les plus aisées.
Kinshasa
En République démocratique du Congo, l’hôte de Joseph Kabila se devra d’apaiser la fièvre patriotique dopée par sa"nouvelle approche" du conflit du Kivu (est), telle qu’esquissée le 16 janvier. Nicolas Sarkozy avait alors prôné un "partage de l’espace et des richesses" -minières- entre l’ex-Zaïre et son voisin rwandais. Il vantera donc, devant le Parlement, les vertus de l’intangibilité des frontières et des dividendes de la paix.
Brazzaville
En traversant le fleuve Congo, Sarko honore la promesse faite à son ami Denis Sassou Nguesso, "oublié" de la tournée 2007. Et candidat dès juillet à un nouveau mandat. Exercice de haute-voltige : il s’agit d’épauler mezza voce un allié loyal, aux prises avec une opposition aussi pugnace que divisée. On causera donc business et transparence. Ce qui, à Brazza, revient à parler de corde dans la maison du pendu.
Niamey
La brève halte nigérienne, sur le chemin du retour, relève du service après-vente. Elle solennise l’octroi récent au géant de l’atome Areva du permis d’exploiter le colossal gisement d’uranium d’Imouraren. Feu vert arraché au prix fort, et en dépit du forcing chinois. Sans doute sera-t-il aussi question de rébellion touareg et de Constitution. Le président, Mamadou Tandja, songerait à retoucher la loi fondamentale pour briguer en décembre un troisième mandat...


Sarko l’Africain laisserait-il cette fois dans son sillage un sans-faute qu’il ne pourrait abolir cette évidence : faute d’avoir d’emblée rénové le lien avec l’ex-empire colonial, fut-ce au prix de fâcheries passagères, la France le dépoussière à reculons. En clair, elle subit plus qu’elle n’ orchestre un changement d’ère hâté par l’irruption de nouveaux acteurs, la Chine en tête, et l’essor, parfois brouillon, des sociétés civiles.

Les palinodies tricolores ont retardé dans les palais africains une prise de conscience impérative. Témoin, la riposte outrée de Bongo ou de Sassou aux procédures en cours quant au patrimoine immobilier détenu dans l’Hexagone. Il leur faudra bien admettre que sur les bords de la Seine, la presse est libre. Que l’indépendance de la justice n’y est pas toujours un vain concept. Et que les citoyens électeurs, français comme africains, ne se contentent plus d’incantations sur la saine gouvernance ou l’déal démocratique.
Précédentes chroniques africaines

La précédente tournée africaine de Nicolas Sarkozy, en juillet 2007, avait déjà fait l’objet de chroniques de LEXPRESS.fr que vous pouvez retrouver ici :

- - Les coulisses du départ

- - Sarkozy en Libye, Kadhafi en "guest star"

- - En Libye, l’homme qui en dit trop

- - Sorcellerie (discours de Dakar)

- - Un Bongo millésimé

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