samedi 25 mai 2013

« En dix ans, 90 % des attaques dénombrées ont été neutralisées ou ont échoué »



Gérard Chaliand (géopolitilogue, ancien directeur du Centre européen d’étude des conflits)

Cet attentat au Niger est-il une conséquence de l’opération française au Mali ?

Evidemment, les deux sont liés. Il y a un risque terroriste dans l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie au Tchad, c’est d’ailleurs pourquoi N’Djamena nous a appuyés au Mali. Mais ce risque demeure toutefois relatif, ce ne sont pas des vagues d’attaques. Ces dix dernières années, la plupart, environ 90 %, des attaques dénombrées officiellement ou officieusement, ont été neutralisées, ou ont échoué. Il faut donc raison garder. L’affaire malienne constitue au demeurant une sorte de dégât collatéral de l’opération libyenne, à partir de laquelle des djihadistes se sont disséminés avec arme et bagage dans toute la région.

Cet événement survient au lendemain d’une attaque à Londres menée par ce que les spécialistes appellent des « loups solitaires ». Faut-il s’attendre à une recrudescence de ce type d’incident ?

Les attaques de Londres, comme celles de Boston, sont caractéristiques d’un malaise, lié à la médiatisation du djihadisme en Syrie, en Irak ou ailleurs. On constate depuis 1973 une réislamisation du monde musulman, encouragée ou financée par une Arabie saoudite en concurrence avec l’Iran. La guerre civile en Syrie est d’ailleurs au coeur de cette confrontation entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite, soutenue par les Américains, Européens et Israéliens, en raison de la menace représentée par le programme nucléaire de Téhéran. Rien d’étonnant à ce que, dans cette atmosphère incandescente, d’instrumentalisation et de propagande, surviennent ce genre d’attentats. Mais on n’est pas à Beyrouth dans les années 1980.

Hier, Barack Obama a annoncé un changement de stratégie dans la guerre contre le terrorisme, en particulier en ce qui concerne l’usage des drones. Est-ce un tournant ?

L’usage de drones est très important depuis le début de la mandature d’Obama, car il n’est plus question de se lancer à l’assaut avec des troupes au sol, comme au début des opérations en Irak ou en Afghanistan, en raison d’un fait fondamental ; le centre de gravité dans ce genre de conflits est constitué désormais par l’opinion publique occidentale, qui n’accepte plus des pertes, y compris de professionnels volontaires. La date clef dans ce basculement est octobre 1983 avec l’attentat contre les Marines et les légionnaires à Beyrouth, qui conduit au retrait de la France et des Etats-Unis du Liban. Le drone est donc l’arme nouvelle de sociétés occidentales qui ne supportent pas la mort. Dans ce contexte, le fait que ces drones soient désormais sous le contrôle juridique de l’armée ne change pas grand-chose, c’est juste un peu mieux en termes d’image puisque la CIA est réputée adepte de coups tordus…
Yves Bourdillon,http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202781658819-gerard-chaliand-en-dix-ans-90-des-attaques-denombrees-ont-ete-neutralisees-ou-ont-echoue-568944.php

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