Afrique : le Mujao, la relève d’Aqmi ?
Mireille Duteil-Le Point.fr – Publié le
Les islamistes du Mujao viennent de perpétrer des attentats contre l’armée nigérienne et le groupe Areva. Quels buts poursuivent-ils ? Explications.
Qui sont donc les djihadistes du Mujao qui viennent de semer la mort dans le nord du Niger ? Le double attentat revendiqué par les islamistes a fait une vingtaine de morts sur une base de l’armée à Agadez, à proximité du site uranifère d’Arlit, siège de l’entreprise française Areva. En septembre 2010 déjà, sept personnes – cinq Français, un Togolais et un Malgache – avaient été enlevées à Arlit par al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Quatre d’entre elles sont toujours retenues au Sahara ou en Libye. Depuis ces enlèvements, le Mujao s’est émancipé d’Aqmi et forme désormais un groupe indépendant qui a lancé sa guerre contre la France et les pays africains qui se battent au Mali.
Si la guerre franco-africaine au Mali a porté un coup dur à Aqmi, elle n’a pas en revanche anéanti le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un groupe ancré plus localement et qui entend réunir les djihadistes originaires du Sahel et de l’Afrique noire.
Des combattants du Mujao à Gao au Mali en août 2012. © Romaric Ollo Hien / AFP
Le Mujao ne s’interdit pas les attaques en Algérie
Le mouvement est né en 2011. Son fondateur, Hamada Ould Mohamed Kheirou, 42 ans, est mauritanien. Ce salafiste avait été arrêté une première fois en 2005 à Nouakchott, pour avoir causé des violences dans une mosquée. Il accusait les responsables du lieu saint de ne pas respecter « l’islam véritable ». Au bout de quelques mois, il avait réussi à s’évader déguisé en femme. En 2009, Ould Kheirou rejoint la katiba de Mokhtar Belmokhtar – un des émirs djihadistes d’Aqmi à l’époque – dans l’extrême nord du Mali. Chargé de ravitailler Belmokhtar en armes, il est arrêté peu après à Bamako. Il sortira de prison quelques mois plus tard, lorsque Nicolas Sarkozy demande sa libération en échange, entre autres, de celle du Français Pierre Camatte, en février 2010.
Hamada Ould Kheirou prend alors ses distances avec Aqmi. Il reproche à son chef, l’émir algérien Abdelmalek Droukdel, de réserver les postes importants d’Aqmi aux seuls Algériens. Il semble qu’il y ait aussi eu entre les deux hommes un contentieux sur le partage des rançons et des bénéfices tirés du trafic de drogue. En 2011, Ould Kheirou quitte donc Aqmi et fonde le Mujao, un groupe djihadiste qui veut intégrer les populations non arabes de la région et dont l’objectif est clairement de s’imposer en Afrique de l’Ouest. Contrairement à Aqmi, le Mujao ne s’interdit pas les attaques en Algérie ni contre les Algériens. En octobre 2011, le Mujao enlève trois humanitaires européens, dont deux Espagnols, près de Tindouf, dans le Sahara algérien. Ils sont libérés contre une rançon. En mars 2012, le Mujao attaque la gendarmerie de Tamanrasset (Algérie) et enlève, en avril 2012, sept diplomates algériens au consulat de Gao. L’un d’eux est assassiné quelques mois plus tard, trois autres seront ensuite relâchés et les trois derniers sont toujours prisonniers.
Châtiments corporels
Lorsqu’au printemps 2012, Aqmi, Ansar Dine et le Mujao s’emparent des villes du nord du Mali. Le groupe de Ould Kheirou prend possession de Gao, la ville malienne la plus proche du Niger. Le Mujao recrute et use de violence pour faire appliquer leschâtiments corporels vis-à-vis des populations « déviantes » qui refusent la charia.
En janvier dernier, lorsque Gao est libérée par les soldats français et nigériens, le Mujao se replie dans les villages avoisinants et est le premier à lancer des actions de guérilla. Dans la nuit du 18 au 19 février, une vingtaine de djihadistes s’emparent de la mairie et de la résidence du gouverneur. Ils sont repoussés par les Français et les Tchadiens. Quelques jours après, deux colonnes de salafistes tentent de prendre la ville en tenailles, minent le palais de justice… Ils vont finalement être chassés de Gao et une partie d’entre eux se réfugient au Niger voisin, où ils ont des connexions.
En 2012, le Mujao avait beaucoup recruté parmi les jeunes Nigériens vivant dans la région du fleuve. Dans ce pays très pauvre, les djihadistes donnaient entre 100 et 150 dollars et une arme aux nouvelles recrues. Lorsque la guerre a commencé au Mali, plusieurs centaines de jeunes idéologiquement peu convaincus sont rentrés chez eux. Les autorités de Niamey les surveillaient de près. Elles craignaient que certains de ces jeunes « démobilisés » ne soient embrigadés au sein de réseaux dormants que le Mujao pourrait réveiller à tout moment. Le danger est d’autant plus réel que le mouvement djihadiste entretient des liens étroits avec un autre groupe islamiste, la secte nigériane Boko Haram (« l’éducation occidentale est un péché »).
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