vendredi 24 mai 2013

MALI : LES TOUAREGS SEULS CONTRE TOUS


MALI : LES TOUAREGS SEULS CONTRE TOUS

salvatore mali
L’ENVERS DES CARTES : La chronique géopolitique de Salvatore Lombardo
Regard sombre au creux de son chèche, veste militaire sur longue chemise, rangers de toile, l’immense poète touareg Rhissa Rhossey semble perpétuellement prêt au combat. Même s’il utilise plus souvent le stylo plume que le fusil d’assaut. La tentation est grande pourtant. Plus grande que jamais lorsqu’il évoque le Mali où l’intervention militaire française, comme en Afghanistan, est bien loin d’avoir les résultats escomptés. Avec le soutien avéré de Paris à un quarteron de putschistes et, plus grave encore, l’abandon-négation des Touaregs et de leur MNLA au bon vouloir suspect de Bamako et des militaires de la Cédéao, la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest, appelés désormais à succéder à l’armée française.
Dans son légendaire recueil Sable et Sang *, Rhissa Rhossey décrivait déjà, longtemps avant la guerre de libération de l’Azawad initiée par le MNLA, la situation inacceptable des peuples Touaregs dans les immensités postcoloniales du Niger et du Mali.
« Non, frère, je ne suis pas
Je ne suis plus
Le seigneur du désert
Mais l’esclave
Des horizons nus…
Ténéré
Tes enfants ne sont pas
Des marionnettes
Qu’on exhibe pour théâtre
A quatre sous
Ce sont des caravaniers
Qui tissent la fraternité
Ce sont de grands artisans
De l’Unité… »
Reprenant les suppliques fières des chefs Touaregs du Mouvement National de Libération de l’Azawad, le désormais célèbre MNLA, le poète rebelle demande à la France d’ouvrir, sinon son cœur, du moins ses yeux. Pour lui les choses de l’Azawad, immense territoire du Nord Mali autour de la cité de Kidal, vues depuis Paris semblent ubuesques. Les petits marquis suffisants qui conseillent les politiques et les militaires ne connaissant strictement rien à l’histoire des populations touarègues en butte aux vexations et aux exactions du pouvoir central de Bamako depuis l’indépendance. Relents nauséeux aux guerres africaines éternelles qui virent si souvent aux prises les seigneurs du déserts et les royaumes noirs.
« Au Mali comme au Niger, les populations touarègues sont les oubliées des plans de développement. Et leur identité culturelle et sociale est niée. Comment être surpris ensuite de les voir prendre les armes ? C’était déjà le cas il y a deux décennies avec  Mano Dayak. Je demande à la France, ex puissance coloniale, de remplir son devoir de protection et de reconnaissance. Les combattants du MNLA ont aidé l’armée française à combattre les islamistes d’Aqmi et du Mujao. Personne n’en parle. »
Je l’écrivais dans la présentation du livre de Rhissa Rhossey, la parole d’un rebelle est sacrée pour les peuples du désert et du vent. Les responsables politiques français, à commencer par le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, doivent l’entendre. Et amener le pouvoir central à négocier avec des chefs Touaregs qui ne réclament rien d’autre qu’autonomie culturelle et justice économique. Sinon ce sera la guerre, à nouveau. Car les Touaregs n’accepteront plus le néant économique et social proposé en guise de prétexte démocratique par Bamako. D’autant que dès le départ du dernier légionnaire français, les miliciens islamistes vont revenir en force. Et ce n’est pas l’hétéroclite et pittoresque force africaine qui pourra les arrêter. Rien ne pourra se faire sans le MNLA. En bien ou en mal. En plein ou en délié comme le dirait Rhissa Rhossey.
Salvatore Lombardo
Jour et Nuit, Sable et Sang. Poèmes sahariens. Rhissa Rhossey. Avec des calligraphies de Lassaâd Metoui. Editions Transbordeurs.
Photo : L’immense poète touareg Rhissa Rhossey de passage en France. Il demande à la France un soutien à la cause de l’Azawad malien. (Photo S.L.)

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