vendredi 24 mai 2013

L’approvisionnement français en uranium affaibli par l’attaque d’Arlit


L’approvisionnement français en uranium affaibli par l’attaque d’Arlit

LE MONDE | Anne Eveno, Nathalie Guibert et Gilles Paris
Le site Areva d'Arlit, sur une photo de 2005.
L’attaque perpétrée jeudi 23 mai par un commando djihadiste contre l’une des mines d’uranium d’Areva au Niger pose une nouvelle fois la question de la sécurisation de ce site stratégique et hautement symbolique pour la France.
L’attentat-suicide à l’intérieur du complexe a été particulièrement violent. Le véhicule contenait une telle quantité d’explosifs (de l’ordre de 400 kg) qu’il n’en reste plus rien. Il est entré dans la zone industrielle en suivant un bus véhiculant des employés. Il a peut-être raté sa cible en explosant dans la zone électrique de l’usine. Les plafonds des bâtiments ont volé en éclats. Quatorze employés ont été blessés, un autre est mort de ses blessures.
Le groupe nucléaire français indiquait en milieu de journée que l’unité de production d’uranium avait été touchée par l’explosion et qu’elle était à l’arrêt pour une période encore indéterminée.
Revendiquée par le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), l’attaque a mis en évidence une faille dans le dispositif de sécurité de ce site sensible. Sécurité assurée pour l’essentiel par les forces nigériennes et par la société de sécurité privée française Epée. C’est à Arlit, déjà, qu’avaient été kidnappées, en septembre 2010, sept personnes travaillant dans l’extraction d’uranium. Quatre d’entre elles, des Français, sont toujours retenues comme otages dans le Sahel.
La France a assuré le président nigérien Mahamadou Issoufou de son soutien. Les blessés ont été évacués avec l’aide de moyens militaires français ; les moyens de renseignement de l’opération Serval au Mali sont à disposition. L’information n’avait pas été confirmée officiellement mais des hommes des forces spéciales avaient été déployés fin 2012 pour sécuriser les zones vie des principaux sites d’Areva au Niger.
35 MILLIONS D’EUROS VERSÉS AU NIGER PAR AREVA
Le Niger est l’un des trois pays qui accueillent des sites de production d’uranium d’Areva dans le monde (avec le Canada et le Kazakhstan). Au Niger, où Areva est selon ses dires le premier employeur privé (environ 80 expatriés sont présents sur trois sites et dans la capitale, Niamey), le géant français du nucléaire exploite avec ses partenaires nigériens, mais aussi japonais et espagnol, deux mines près d’Arlit dans le nord du pays, via deux sociétés : la Cominak et la Somaïr. A elles seules, ces sociétés fournissent 3 600 tonnes d’uranium à Areva, soit un peu plus du tiers de sa production mondiale totale.
Implantée au Niger depuis plus de quarante ans, Areva mise beaucoup sur ce pays et notamment sur un autre site, celui d’Imouraren. Cette mine à ciel ouvert – la plus grande d’Afrique – dont Areva est actionnaire à 56 % – est censée produire à terme plus de 5 000 tonnes d’uranium par an. Son exploitation ne devrait démarrer qu’en 2015, au lieu de 2012 initialement.
Le gouvernement nigérien a déploré à plusieurs reprises ce retard, dénonçant également une situation où le pays, quatrième producteur mondial d’uranium, n’y trouve pas son compte. Dans un entretien à l’Express daté du 23 mai, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, a insisté sur ce point, estimant que « ce secteur de l’uranium doit nous fournir davantage de revenus ».

L'entrée du site d'Arlit, en 2010.
Il y a deux mois, à la suite de la prise d’otages sur le site gazier algérien d’In Amenas, le groupe français avait indiqué avoir accepté de verser 35 millions d’euros au Niger, pour l’aider à sécuriser ses sites d’uranium.
Par cette déclaration, Areva a voulu répondre à l’accusation formulée par l’association L’Observatoire du nucléaire, selon laquelle ce don était destiné à compenser le retard dans l’exploitation de la mine géante d’Imouraren, repoussée à 2015. Le 11 mars, lors d’un déplacement au Niger, le patron de l’activité minière d’Areva, Olivier Wantz, indiquait que l’ensemble des activités de la société au Niger représentent plus 5 300 emplois créés – dont 2 700 emplois directs – et près de 180 millions d’euros d’achats. « Concernant les recettes générées par l’activité minière, 70% vont à l’Etat du Niger, 27% à Areva et 3% aux autres partenaires », avait-il précisé.

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