Sahel – Mali : Vers une recomposition politique.
Rédigé le Mardi 5 Février 2013
La visite officielle de François Hollande à Tombouctou et Bamako a sonné le glas du « Mali d’avant ». De ce conflit, dans lequel le Président français a pris le risque d’engager son armée pour démanteler les bases du terrorisme international regroupées autour d’AQMI en Azawad, il sortira une donne politique nouvelle.
L’Afrique du Nord est un espace géopolitique majeur pour l’Europe. Si les populations y sont très majoritairement concentrées sur les rivages de Méditerranée, les enjeux économiques s’en situent pour beaucoup au cœur du désert, comme on l’a vu avec les événements tragiques d’In Amenas, dans le Sahara algérien.
Cette réalité fait du Sahel, c’est-à-dire les territoires habités au sud du Sahara, un espace géopolitique essentiel. Et des populations Touareg qui y vivent, à cheval sur tous les Etats de la région, Niger, Mali, Burkina Faso, Algérie et Libye, avec une connaissance multi-séculaire des routes du désert, une réalité incontournable.
Les Touaregs font partie de l’ensemble culturel berbère/amazigh, dont la présence se répartit dans différentes régions d’Afrique du Nord, et qui sont unifiés par un drapeau, et une langue, le Tamazight, ou Tamashreq pour le dialecte qui est parlé par les populations touarègues. Kabylie, Rif, Adrar Nefoussa, Aures, Atlas marocain, Azawad, etc… les noms des régions berbérophones résonnent comme autant de luttes anti-colonialistes, ou, plus tard, de révoltes contre les dictatures post-coloniales, en Algérie, comme récemment en Libye et au Mali.
Les peuples imazighen sont les héritiers des populations d’origine de l’Afrique du Nord, dont la grande figure emblématique au 5ème siècle, Saint Augustin –l’auteur du désormais fameux « sermon sur la chute de Rome »-, a rayonné dans toute la chrétienté. L’islamisation de l’Afrique du Nord a commencé dès le 8ème siècle, puis elle s’est progressivement accompagnée d’une arabisation généralisée, à l’exception des populations plus retirées.
C’est pourquoi la culture berbère/amazigh est restée vivace avant tout dans des zones montagneuses, ou auprès des nomades vivant sous un mode tribal.
La corrélation entre un islam fondamental et une arabisation de l’espace socio-culturel est une réalité qui est toujours d’actualité. Elle explique pourquoi les grandes monarchies arabes, notamment le Qatar ou l’Arabie Saoudite, ont soutenu financièrement les mouvements intégristes. Et elle explique aussi pourquoi les peuples imazighen, qui adhèrent à un droit coutumier ancestral, très éloigné de la charia, sont moins religieux, et donc mieux armés pour refuser les dérives extrémistes.
Cependant, depuis l’indépendance, l’arabisation de ces populations est restée la priorité des Etats centraux, au Maroc, en Algérie, en Libye. Quant aux Touaregs, rattachés pour la plupart d’entre eux à des Etats post-coloniaux africains, à population majoritairement noire, ils vivent une marginalisation très vive depuis 50 ans et la fin de la colonisation française. C’est particulièrement le cas au Mali.
C’est cette marginalisation que les « rebelles touarègues » (les Etats post-coloniaux ont gardé les mots des anciens colonisateurs) combattent depuis un demi-siècle.
Le MLNA est l’héritier politique incontestable de cette tradition de lutte. L’Etat central malien a très souvent apporté la preuve que la résistance touarègue était pour lui un ennemi prioritaire par rapport aux djihadistes, et il aessayé d’entrainer la France dans cette dérive. Les exactions commises par l’armée malienne contre les populations touarègues dans le sillage de l’armée française, en est l’expression. C’était là un risque majeur pour François Hollande, et ses déclarations, comme les précautions prises pour poursuivre l’offensive vers Kidal, là où les Touaregs sont majoritaires, semblent montrer qu’un message essentiel est passé.
Il semble en effet que le MLNA soit considéré désormais comme un interlocuteur, et qu’il soit mis à contribution pour lutter sur le terrain contre AQMI, MUJAO et Ansar Dine.
Cela ne pourra rester sans conséquence politique au moment où va se discuter la nature du futur Etat malien. Le projet indépendantiste a toujours été mis en avant par les militants du MLNA comme une réponse à l’agressivité et l’incurie de l’Etat malien qui campe sur une vision centraliste d’un Etat unitaire à la française. Ce serait un apport incontestable de l’Union Européenne si elle pouvait peser pour inspirer un modèle d’organisation territoriale différent, tel qu’il existe en Europe, mais ailleurs qu’en France.
C’est, parmi d’autres, une raison essentielle pour impliquer davantage l’Europe dans l’étape qui suivra la fin des opérations militaires, celle de la construction d’une paix durable pour toute la région.
François ALFONSI
Groupe Verts/Alliance Libre Européenne
Parlement européen
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