lundi 9 avril 2012


Touaregs : Kurdes de l’Afrique ?
Jean Vinatier

lundi 9 avril 2012, par Comité Valmy

L’indépendance proclamée par les Touaregs suite à leur insurrection contre un pouvoir malien, lui-même contesté par une partie de son armée fait couler beaucoup d’encre tandis que la « communauté internationale », l’Algérie et la France en tête, réaffirment le statu quo des frontières. N’est donc pas soudanais du Sud qui veut…..Les Touaregs, peuple nomade dont l’espace immémorial chevauche cinq Etats nés un demi-siècle plus tôt et directement liés aux legs des puissances coloniales européennes : Libye, Algérie, Niger, Mali, Burkina-Faso, ne manquent pas de rappeler le sort tragique des Kurdes, eux-aussi, « placés » sous l’autorité de quatre Etats : Turquie, Iran, Syrie, Irak, les deux derniers étant le fait de la France et du Royaume-Uni dans les années 1920, deux nations qui réduiront, aussi, à néant, la révolte arabe pour préserver leur empire colonial respectif !

L’indépendance des Touaregs surgit sur fond du Printemps arabe et de l’intervention otanienne en Libye, pays, aujourd’hui, divisé : la Cyrénaïque faisant presque sécession tandis que les grandes villes du pays dont Tripoli sont entre les mains de tribus, de milices compromettant le calendrier électoral.

Quand on regarde la carte de l’Afrique depuis la mer Rouge jusqu’à l’Océan Atlantique, on s’aperçoit qu’une ligne fractale se dessine menaçant les Etats concernés, tous issus de l’ère coloniale. L’élément détonateur est certainement la création du Soudan du Sud, voulue par les Etats-Unis qui y fondent un Etat chrétien (sous l’influence des évangélistes) à leur botte, puis s’assurent des champs pétrolifères qui s’y trouvent en construisant un oléoduc depuis le Kenya (un coup contre les Chinois proches de Khartoum) et gardent sous le coude des projets pour le Nil, un casus belli pour l’Egypte.

Les Touaregs, à la différence des Kurdes n’eurent pas des héros tel Saladin et ne possèdent pas non plus des terres riches en pétrole, ils forment un peuple qui voudrait bien n’être plus soumis aux protectorats tant arabes que des ethnies noires africaines et sont de plus très hostiles aux islamistes (Aqmi et autre Al qaïda). Reconnaître les Touaregs engendrerait un bouleversement des tracés des frontières d’Afrique sahélienne : les cinq Etats n’y survivraient pas : Libye, Algérie, Niger, Mali (ex-Soudan français), Burkina-Faso. L’Algérie, après l’enlèvement de six diplomates au nord du Mali, se sait en première ligne et craint beaucoup de figurer sur la liste du prochain Etat « à libérer » selon le terme euro-américain. Rappelons-nous que Nicolas Sarkozy disait que 2013 serait l’année algérienne…

En fait les euro-américains sont devant un dilemme : les Touaregs, redoutables guerriers, pourraient devenir des alliés de poids pour contrer et même anéantir les réseaux islamistes et mafieux qui prospèrent. Le problème est que nous savons depuis les affaires irakienne et afghane, la parfaite duplicité de Washington envers les « terroristes » lesquels, s’ils n’existaient pas, ne permettraient pas de justifier l’accroissement d’ambition américaine. Les Touaregs, à moins, qu’ils n’obtiennent le soutien des pays du BRICS, seront abandonnés à leur sort et ce ne sont pas les médias occidentaux qui sensibiliseront les opinions publiques tant ils sont formatés et aplatis. En fait, toute la tâche diplomatique consistera à susciter des divisions entre Touaregs, seul moyen sauf à intervenir militairement mais au nom de quel principe noble, en plein désert !

L’Europe, au lendemain de l’affaire libyenne, se retrouve face à une guérilla imprévue. Terminons en rappelant, combien était prophétique l’idée du Général de Gaulle d’avoir voulu établir, en 1960, l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (OCRS) qui aurait compris le nord Niger, le nord Mali et le sud Algérien et aurait, certainement, fait des Touaregs des gardiens redoutés….1

Jean Vinatier

Répondre à cet article

Aucun commentaire: