jeudi 26 avril 2012



Assan Midal
France 24 Observer

Entre islamistes et indépendantistes touaregs, la guerre des symboles est déclarée dans le nord du Mali

Un Touareg enlève l'étiquette d'une entreprise malienne à Tombouctou.

Depuis la déclaration d’indépendance de l’Azawad, Assan Midal, un de nos Observateurs touaregs sillonne les grandes villes du nord du Mali. Des villes divisées entre les zones tenues par le MNLA, mouvement des rebelles touaregs indépendantistes et celles contrôlées par des groupes islamistes. Sur place, chacun marque peu à peu son territoire.

Entre fin mars et début avril, les forces indépendantistes touaregs, ainsi que des groupes islamistes, ont mis en déroute une armée malienne désorganisée par le coup d’État militairequi a renversé l’ancien président Amadou Toumani Touré, le 22 mars. Au terme de cette  avancée fulgurante, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA)  a proclamé unilatéralement l’indépendance de l’Azawad le 6 avril. Une déclaration unanimement condamnée par la communauté internationale.

Aujourd’hui, les principales villes du nord du pays sont aux mains des rebelles touaregs (MNLA), mais aussi de groupes d’islamistes radicaux parmi lesquels Ansar Dine, le Mouvement pour l'unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), les Nigérians de Boko Haram ou encore Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Des violences ont été signalées dans les principales villes occupées et notamment à Gao, où des bars ont été détruits et des églises vandalisées. Selon l’ONU, plus de 268 000 Maliens ont fui les violences et une large moitié est actuellement réfugiée à l’étranger.

À Bamako, la capitale, un pouvoir civil a repris ses droits après l’investiture du président par intérim Dioncounda Traoré le 12 avril dernier. Le Premier ministre Cheick Modibo Diarra a formé mercredi son "gouvernement d’union nationale" dont la priorité est de résoudre la crise dans le nord du pays. Quelques jours plus tôt, il s'était déclaré prêt à négocier avec les groupes armés, mais avait exclu toute discussion "avec le couteau sous la gorge".

 
CONTRIBUTEURS

"Les rebelles sont actuellement en train de se débarrasser de tout ce qui a trait à l’État malien"

Assan Midal est guide touristique et fondateur de l’organisation Ap-Imidiwan qui milite pour la scolarisation des enfants nomades. Il soutient le MNLA.
 
À Tombouctou, le centre ville est clairement tenu par les islamistes et notamment le groupe Ansar Dine. Les combattants du MNLA tiennent quant à eux des points stratégiques comme l’aéroport et l’entrée de la ville. Cette zone s’étend jusqu’à l’arrivée du bac [situé à proximité de la ville au bord du fleuve Niger, le bac permet aux voitures de traverser le fleuve]. C’est là-bas que j’ai pris la photo de l’homme qui arrache l’étiquette. (Voir plus haut)  Le logo est celui d’une société malienne implantée dans tout le pays et les rebelles sont actuellement en train de se débarrasser de tous les signes faisant référence à un Mali uni.

Aéroport de Tombouctou, une des zones controlées par le MNLA.
 
Le drapeau de l'Azawad à l'entrée du gouvernorat de Tombouctou.

Le MNLA tient aussi depuis le début les bâtiments administratifs de l’État malien comme le gouvernorat ou les commissariats. Ils ont planté le drapeau de l’Azawad partout. Le mouvement essaie de mettre en place des comités chargés de rassembler les habitants autour de notre projet d’un nouvel état. Le MNLA tente aussi de rétablir la sécurité en rouvrant les commissariats.

"Des groupes islamistes ont effacé la croix sur les affiches de la Croix Rouge"

Dans les zones qu’ils tiennent les islamistes ont saccagé les différentes affiches qui étaient placardées dans la ville. Les visages, qui n’ont pas le droit d’être représentés ont été badigeonnés de peinture. [L’application stricte de la charia interdit les photos et représentations d'êtres vivants, les films, la télévision et la musique.] J’ai vu des affiches de l’organisation de la Croix Rouge dont la croix avait été effacée.

À Gao, comme à Tombouctou, les différents groupes se regardent en chien de faïence en essayant chacun de rétablir l'ordre à leur manière [Depuis leur arrivée, les islamistes disent traquer les pillards et ont menacé de leur couper la main comme le préconise le Coran]. Mais ce qui est dans toutes les têtes, c’est l’intervention de l’État malien. [La Cédéao a menacé d'intervenir militairement contre ces groupes armés en cas d'échec du dialogue. Le 31 mars, après la chute de Kidal, elle avait déjà mis en alerte 2000 soldats de son bras armé, l’Ecomog.] Si nos villes sont attaquées, toutes les parties se sentiront concernées et on peut imaginer qu’à ce moment-là, des alliances se créeront.
 
Entrée de la ville de Tombouctou.
 
Marché de Tombouctou. Selon notre Observateur, les denrées alimentaires sont de plus en plus rares dans le nord du pays.
 
Toutes les photos ont été prises par notre Observateur, Assan Midal.

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