AllAfrica / Roger Niouga Sawadogo Fasozine (Ouagadougou) 12-08-09
Niger : « Rien n’empêche le président Tandja de se proclamer empereur ou roi »
jeudi 13 août 2009
interview
Responsable et militant actif de la société civile, juriste et politologue, Siaka Coulibaly est de ceux qui prennent le pouls de l’Afrique par leurs fréquents déplacements à l’intérieur du continent. Fasozine.com l’a rencontré pour échanger avec lui sur l’état de la démocratie en Afrique.Résurgence de coups d’Etats et de transitions violentes en Afrique. L’instabilité politique revient avec force en Afrique.
On peut convenir avec vous qu’effectivement, il y a un retour de l’instabilité politique en Afrique. A la faveur des transitions politiques, on assiste à des coups d’Etats, à des situations de violence et aussi à des arrangements anticonstitutionnels au sommet de l’Etat. La Guinée, la Guinée-Bissau, le Niger, avec le référendum imposé et non réclamé par le peuple, le Gabon avec un après-Bongo difficile. Les acteurs politiques ont de plus en plus recours à des pratiques qu’on pensait révolues depuis l’avènement de la démocratie en Afrique. A tel point que je me demande si la démocratie est une valeur pour l’Afrique. Cette question nécessite une réflexion plus approfondie.
En effet, sur le continent, il y a des paramètres historiques, socioculturelles qui posent problème à la démocratisation. A mon sens, la conception du pouvoir en Afrique traditionnelle est incompatible, à bien des égards, avec l’idée de partage du pouvoir et d’alternance que nous prônons de nos jours. Il y a une forte présomption de la société traditionnelle africaine à des modes de transmission du pouvoir qui ne se font pas du vivant du tenant du pouvoir. Dans certaines sociétés, on n’a jamais vu de passage de témoin d’une personne vivante à une autre. Ces habitudes socioculturelles et historiques ne vont pas avec la pratique moderne de la démocratie. Rien ne nous garantit aussi que nous ne traînons pas les tares d’une telle société. A mon sens, ce sont des réflexions que nous devons mener pour mieux appréhender la démocratie en Afrique.
Au Niger voisin, le président Mamadou Tandja a organisé au forceps, le 4 août dernier, son référendum, qui lui garantit un nombre illimité de mandats à la tête de l’Etat. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?
La Constitution du 4 août 2009 est une innovation en Afrique. En lisant ce document, je l’ai trouvé truffé de pas mal d’articles qui consacrent un pouvoir personnel et autocratique. Tel que rédigé, rien n’empêche le président Tandja de se proclamer empereur ou roi ! C’est la première fois qu’on voit une concentration de pouvoirs politiques, administratifs et même judiciaires entre les mains d’un seul individu. Certains articles de la Constitution font du président Tandja, l’exécuteur de décision de justice. En d’autres termes, tant que le président Tandja n’avalise pas certaines décisions de justice, elles sont non applicables. Il est aussi proclamé chef de l’administration, ce qui n’est pas le cas pour la plupart des chefs d’Etat de la sous région.
Par ailleurs, sur les 160 articles, un seul est consacré au Premier ministre. Ce dernier est réduit à la fonction marginale de « coordonnateur de l’action gouvernementale ». Le reste des articles est consacré aux pouvoirs du chef de l’Etat. A partir de cette Cconstitution, on assiste également à la montée d’une catégorie sociale comme la chefferie coutumière. Cette couche est regroupée à travers un Conseil national de la chefferie coutumière, avec une incidence financière de cinq milliards de francs CFA. Ce qui est une première dans notre sous région. En définitive, le Niger, qui avait la plus belle Constitution de la sous-région en 1999, se retrouve aujourd’hui avec la pire des Constitutions que l’Afrique ait produit.
A la faveur de ce référendum, le président Tandja bénéficie d’un bonus de trois années de renouvellement de son bail à la tête de l’Etat, sans élection. A l’issue de cette période, il se présentera à nouveau et demeurera au pouvoir de façon indéterminée. Tous ces éléments nous font percevoir qu’il y a une dégradation dans le processus de démocratisation. L’inquiétude des populations, et de la société civile en particulier, c’est d’éviter que ce hold-up juridico-politique inspire les chefs d’Etats des pays de la sous-région.
Au Gabon, la querelle de succession fait rage !
Le président Bongo est décédé brutalement et il s’est ouvert une lutte de clans, aussi bien à l’intérieur de sa famille naturelle que de sa famille politique. Avec l’élection annoncée pour le 30 août 2009, on présage que la stabilité, qui avait caractérisé le règne d’Omar Bongo Ondimba, risque d’être mise à rude épreuve. Ce pays risque fort d’être une fois de plus inscrit dans la longue liste des pays à turbulences.
Ce qui est déplorable, c’est le fait que dans cette région, il y a des foyers de tension encore fumant. Nous avons la République Démocratique du Congo, le Congo, le Rwanda... qui ne sont pas des pays stables. Il faut craindre que cette sous-région devienne un vaste foyer incandescent. Tout ceci confirme le fait qu’en Afrique, nous assistons à une résurgence de la violence politique, ce qui met à rude épreuve la démocratie et la stabilité dans les Etats. Gageons que les acteurs en présence prône la paix et le dialogue, pour l’intérêt supérieur du peuple gabonais.
Roger Niouga Sawadogo
Fasozine (Ouagadougou)
1 Message
Niger - Le cas tandja
13 août 13:03, par nicolas
Le colonel Tandja, n’est pas le premier chef d’Etat d’Afrique à ne plus vouloir quitter le pouvoir à la fin de son mandat présidentiel, ni le premier militaire, fut-il à la retraite de l’armée, à faire un coup d’Etat. Bien au contraire.
Au Niger, en particulier, l’armée est la spécialiste des coups tordus. Depuis le renversement du président Diori Hamani le 15/04/1974 au coup d’Etat de Tandja en passant par l’assassinat du colonel-président Ibrahim Barré Maïnassara le 9/04/1999.
Les militaires au pouvoir, en général et au Niger dans ce cas précis, n’ont jamais prouvé qu’ils étaient plus probes que les civils pour diriger un pays. Si Seyni Kountché ne s’est pas enrichi durant sa présidence, tel ne fut pas le cas pour de très nombreux militaires. Ce fut un marché de dupes pour les Nigériens.
Le président Tandja à la fin de cette année aurait pu, au terme de ces mandats, quitter le pouvoir la tête haute avec le sentiment d’avoir rempli sa mission et la reconnaissance de ces compatriotes (voir Tandja, le bâtisseur !)au lieu de s’accrocher à son poste d’une manière despotique.
Il est temps d’instaurer un nouveau système politique en commençant par abandonner la Constitution française comme modèle pour l’Afrique. Cette constitution ne fonctionne pas et ne tient pas compte des réalités historiques, sociales et culturelles de ce continent. N’en déplaise à Monsieur Sarkozy,le président français.
Dans cette attente, seule l’union peut empêcher le félon Tandja de s’approprier le pouvoir à vie. Et il devra être juger pour acte de trahison.
Malheureusement, l’image que l’opposition politique donne d’elle-même est absolument scandaleuse. Pour les uns et les autres, leur ego est certainement aussi gros que celui de Tandja. Les uns et les autres ne se sont jamais remis en question et n’ont pas tirés les leçons du passé.
A quand une relève politique digne des Nigériens ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire