Laoual Sallaou Ismaël -Roue de l’Histoire n° 469 du 19 Août 2009
Crise politique au Niger : Vers une cohabitation de deux républiques
dimanche 23 août 2009
A quelques jours du début du mois béni du Ramadan, l’atmosphère sociopolitique s’alourdit davantage au Niger pendant que les décisions au niveau du pouvoir pour précipiter le Niger dans la 6ème République s’accélèrent et s’intensifient. En l’espace d’une semaine, le Niger a basculé, sans transition, dans la 6ème République qui continue encore à faire l’objet d’un rejet de la part de l’opposition au référendum du Président Mamadou Tandja.
Un message à la Nation au pas de charge contre l’opposition La Cour Constitutionnelle installée par le Président de la république a en effet validé, sans surprise, les résultats du référendum du 04 août 2009, le 14 août dernier, quatre jours après la requête en date du 10 août 2009 du président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Le Président de la République va, après l’arrêt n° 07/09/CC/ME du 14 août 2009 de la Cour Constitutionnelle, validant et proclamant, les résultats définitifs du référendum du 4 août 2009 sur le projet de Constitution de la VIème République, s’adresser à la nation le 17 août avant de procéder à la promulgation de la nouvelle constitution le 18 août 2009. Aussitôt le gouvernement de Seïni Oumarou va rendre sa démission en attendant la formation d’un nouveau gouvernement dans le cadre de la VIème République. Quatre jours de décisions en cascade pour être de plain pied dans la VIème République de Mamadou Tandja. Une nouvelle République que refusent de reconnaître les opposants au référendum qui projettent des actions pour le 19, 20 et 21 août 2009 en attendant le jour ultime pour l’opposition de la réhabilitation de l’Assemblée Nationale prévue pour le 24 août prochain. Dans son message à la nation du 17 août, le Président Tandja conscient certainement de la levée de bouclier de l’opposition à sa 6ème République, va souffler le chaud. Il aura des mots durs à l’égard de l’opposition. Il l’a qualifiera d’une ‘’poignée de personnes qui, à travers des déclarations incendiaires et des menaces de toutes sortes, espéraient torpiller la volonté populaire’’.
Tandja ira plus loin en disant que ‘’en vérité ces personnes mal intentionnées et leur relais extérieurs, prédisaient des jours de feu et de sang pour ce pays’’, avant de conclure que ‘’la volonté du peuple a fini par triompher’’. Message qui n’a rien à envier à la logique guerrière du Porte-parole du gouvernement Mohamed Ben Omar. Allocution assez chargée envers l’opposition au référendum, que le Président Tandja invite paradoxalement au rassemblement. ‘’…je vous invite au rassemblement, et à panser les plaies des antagonismes qui auront pu crisper les rapports entre les uns et les autres, du fait des divergences tout à fait compréhensibles, autour de l’organisation de ce scrutin’’. Un pari difficile à gagner pour le Chef de l’Etat qui ne marque aucune disposition à l’apaisement de la tension. La 6ème République est mal partie Pour Tandja, la page est tournée avec à la clé son bonus de 3 ans, le seul point intouchable de la constitution de la 6ème République.
Aussitôt qu’il l’a promulguée, il recevra la démission du gouvernement. Fini le régime semi présidentiel ‘’aux pouvoirs éparpillés’’, Tandja espère régner seul, en maître absolue. Pour les membres du gouvernement de Seïni Oumarou qui avaient sacrifié à la tradition en rendant leur démission le mardi 18 août 2009, juste après la promulgation de la Constitution de la 6ème République par le Président Mamadou Tandja, le suspens n’a été que de courte durée. Moins de 24 heures. En effet, après quelques branlebas et des sueurs froides pour certains d’entre eux, le Chef de l’Etat a tout simplement opté pour le Tazartché dans tout son sens, c’est-à-dire de la continuité en reconduisant le gouvernement tant dans sa taille que dans sa forme le 19 août 2009.
Sans surprise pour les opposants au Tazartché qui ne se sont jamais fait d’illusions quant au principal objectif visé par le Président Tandja, celui de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats conféré à lui par la Constitution du 09 août 1999. Beaucoup de déception dans le camp des Tazartchistes après l’annonce de la reconduction automatique du gouvernement de Seïni Oumarou, le mercredi 19 août 2009. Les Femmes, les jeunes et autres couches socioprofessionnelles à qui on a miroité une certaine représentation commencent à déchanter. Tous les ministres de l’équipe de Seïni Oumarou gardent leurs portefeuilles. Aucun changement, aucun remaniement ni réaménagement. Voilà le premier signal fort du Président Tandja sur la ‘’refondation de la République’’.
Ce premier acte du Président Tandja apparaît aussi comme une récompense aux membres du gouvernement de Seïni Oumarou qui lui ont fait tous allégeance au cours de ce processus tortueux de passage à la 6ème République. Mamadou Tandja qui a bénéficié du Tazartché a aussi opté pour le Tazartché pour son gouvernement. Grosse désillusion pour les Tazartchistes de dehors qui ont nourri l’espoir d’une véritable recomposition de l’équipe gouvernementale, dont la mission serait essentiellement les ‘’grands chantiers de Tandja’’ qu’il a promis d’achever dans les trois prochaines années. Il faut dire tout simplement qu’à cette allure, la 6ème République a du plomb dans l’aile. Voulue et imposée par le Président Tandja, en dehors de la classe politique, sans aucun consensus, dans un cadre pratiquement informel, elle ne tardera pas à charrier des contradictions internes, tant les objectifs visés par les principaux acteurs de ce ‘’coup de force’’ sont divergents. Le Président Tandja reste, son gouvernement aussi.
Pour les autres, ils peuvent se contenter de cette affiche : ‘’pour votre confiance renouvelée, merci à tous’’, comme indiqué sur les grosses affiches qui émaillent les grandes artères de la capitale après le référendum du 04 août 2009. Le tournant du raidissement des camps De part et d’autre, on assiste depuis quelques jours à une radicalisation des positions. Le Président de la République fonce droit dans la 6ème République tandis que l’opposition regroupée au sein de la Coordination des Forces pour la Démocratie et la République (CFDR) reste et demeure dans la 5ème République. Une sorte de cohabitation inédite de Républiques est en train de se dessiner au Niger. Avec des positions tranchantes de part et d’autres, le dialogue est loin de se profiler à l’horizon.
Le Message à la Nation du Président de la République du 17 août 2009 ne fait pas place à une ouverture au dialogue. Au contraire, il laisse entrevoir une certaine volonté de répression pour asseoir le régime de la 6ème République par la force. Il est vrai que tournant la page de la 5ème République, le Président Tandja a déjà convoqué le collège électoral pour les législatives pour le 29 octobre prochain avec l’ouverture de la campagne pour le 28 septembre 2009. Une annonce qui n’emballe pas du tout l’opposition. Le ton de l’opposition non plus n’est guère apaisant ! Rejet du référendum du 04 août 2009, réhabilitation de l’Assemblée nationale dissoute le 26 mai dernier, restauration de la Cour Constitutionnelle balayée par le président de la République, retour à la Constitution de la 5ème République, il faut dire que le fossé est grand et que la rupture est consommée. Avec l’annonce faite par la CFDR, coalition opposée au régime de la 6ème République, de ne rien reconnaître qui ne relève de la 5ème République et la réhabilitation de l’Assemblée nationale dissoute prévue le 24 août prochain, les nigériens auront l’impression de vivre une cohabitation de Républiques.
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