Le sabre de bois du régent de Bamako
Le 12 AVRIL 2012 16H15 | par VINCENT HUGEUX
Touaregs ou djihadistes, les rebelles nordistes doivent en trembler d’effroi. Ce jeudi, à Bamako, à l’issue de sa prestation de serment, le président par intérim Dioncounda Traoré les a menacés d’une « guerre totale et implacable » s’ils refusent de rentrer dans le rang.
Bien sûr, il est du devoir de l’ancien titulaire du perchoir d’inviter les « frères et sœurs » égarés à « revenir sous l’arbre à palabres ». Bien sûr, il lui revient de dénoncer fermement les viols et les pillages commis à Gao ou Tombouctou, ces cités qui n’ont été « libérées » -mais de quoi, diable ?- que pour sombrer dans une terrible servitude. Bien sûr, celui qui fut ministre de la Défense puis des Affaires étrangères se doit de claironner qu’il ne « négociera jamais la partition du Mali », qu’il urge de restaurer l’intégrité territoriale de la patrie et de « bouter hors de nos frontières tous ces envahisseurs porteurs de désolation et de misère que sont Aqmi, tous ces trafiquants de drogue qui opèrent depuis trop longtemps dans le nord, tous ces preneurs d’otages qui portent un préjudice incommensurable à notre développement». Bien sûr, on peut comprendre que celui qui fit preuve, quand le Mali vacillait et à la différence d’un Modibo Sidibé ou d’un Ibrahim Boubacar Keïta, d’une discrétion de chaisière, juge utile de hausser le ton pour asseoir son autorité.
Mais ce fameux combat, « total et implacable », avec qui et avec quoi l’homme de la transition compte-t-il le conduire ? « Avec notre armée remise en condition et en confiance », assène-t-il. Avec le concours hypothétique d’une force de la Cedeao qu’épauleraient la France et les Etats-Unis, s’abstient-il de préciser.
Le successeur accidentel et provisoire d’Amadou Toumani Touré avait-il besoin pour autant de rendre un hommage à ce point appuyé aux putschistes du 22 mars, de saluer l’ « engagement ô combien patriotique » d’aventuriers mus à l’en croire par le seul amour du drapeau? Et ce sous le regard du capitaine Amadou Sanogo, chef des mutins, trônant en uniforme à ses côtés sur une estrade tendue de draperies vert-jaune-rouge ? On ignorait jusqu’à cet instant que le patriotisme consiste à déposer à cinq semaines d’un scrutin présidentiel le chef d’Etat élu -quels que soient ses travers- et à précipiter la fracture nord-sud que l’on prétend prévenir. Etait-il vraiment indispensable enfin d’affirmer que le peuple « compte encore et toujours » sur les apprentis-sorciers du camp Kati « pour que le Mali continue d’être » ? Il y a plus navrant encore. Si l’on en croit le médiateur burkinabé Djibril Bassolé, plusieurs membres de la junte pourraient hériter d’un portefeuille au sein du futur « gouvernement d’union nationale ». Il est vrai qu’à l’heure des marchandages, Sanogo réclamait le maroquin kaki des Forces armées ; exigence qualifiée à l’époque de « grotesque » par un conseiller élyséen. Reste donc à espérer que Traoré, mathématicien formé à Moscou, Alger et Nice, ne commet pas là une coûteuse erreur de calcul.
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