lundi 20 mai 2013

Somalisation de la Libye?


Somalisation de la Libye?

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Plus que jamais, la Libye «libérée» par l'Otan de la «dictature» d'El Gueddafi, se trouve livrée au joug des «thowars», ces milices armées désormais faiseuses de roi. C'est celle-là la Libye «nouvelle» annoncée à grand fracas au détour d'un improbable «Printemps arabe». Faut-il en vérité s'étonner de la direction - de plus en plus sanglante et dangereuse avec la multiplication des attentats - que prennent les événements en Libye, alors que tout semble avoir été conçu pour arriver à cette situation d'instabilité, laquelle donne l'impression de devoir perdurer? En fait, ce qui se passe depuis deux années en Libye, rappelle peu ou prou, la situation qui a prévalu en Somalie - en guerre civile depuis 22 ans après l'élimination du général Siyad Barré - laquelle commence à peine (avec le concours de l'ONU et de l'UA) à relever la tête et espérer sortir de ce long tunnel. Tunnel dans lequel la Libye s'engouffre les yeux grands ouverts. Comment peut-il en être autrement lorsque lesdits «thowars» imposent leur loi faisant et défaisant à leur gré les événements, défiant la fragile structure du pouvoir du pays. Après avoir pris en otages durant quinze jours les ministères de la Justice et des Affaires étrangères, les milices libyennes imposèrent à l'Assemblée nationale l'adoption d'une loi controversée qui exclut des fonctions publiques les cadres ayant servi sous l'ancien régime. Le président de l'Assemblée nationale, Mohamed al-Magharyef et le Premier ministre, Ali Zeidan, sont concernés par cette loi et doivent quitter leurs postes. Entre-temps, les attentats contre les commissariats de police se multipliaient à Benghazi et à Tripoli. En fait, le processus de somalisation de la Libye est bel et bien entamé, induit par la paralysie du nouveau régime qui n'arrive ni à formaliser la loi fondamentale ni à mettre en place une armée et des forces de sécurité dans les règles de l'Etat de droit. De fait, en Libye, ce sont les hommes armés qui font la loi, leur loi. La Libye paye cher, très cher le prix de l'intervention des coalisés de l'Alliance atlantique qui mirent à bas tout ce que le régime précédent - nonobstant son peu de respect de la démocratie et des droits de l'homme - a pu construire (c'est le seul pays africain dont le taux d'éducation dépasse les 95% alors que durant cette période, l'espérance de vie est passée de 51 à 77 ans selon les statistiques de la Banque mondiale) au long de quarante années. Tout cela a été balayé en quelques mois! Aujourd'hui, la Libye est un pays déstructuré qui a vu l'effondrement de sa société, la désagrégation de son économie, la paralysie de son industrie en partie détruite par les bombardements de l'Otan. En fait, ne restent sur le terrain que les hommes armés issus pour la plupart d'entre eux des anciens groupes jihadistes tels le Gicl (Groupement islamique combattant de Libye) de Abdelhakim Belhadj, aujourd'hui, «gouverneur» militaire de Tripoli. C'est donc celle-là la Libye d'aujourd'hui, totalement dominée par les anciens terroristes qui ont instauré l'anarchie dans le pays. Le terrain est aujourd'hui propice au tribalisme qui a fait faire au pays un retour en arrière de plusieurs décennies. En 2011, on a qualifié de tragédie ce qui se passait en Libye. Or, c'est maintenant que cette tragédie apparaît dans toute son ampleur pour le peuple libyen. Ceux qui ont contribué à la destruction de la Libye - avec l'apport conscient de Libyens eux-mêmes, à l'instar de l'ancien président du CNT, Mustapha Abdeljalil, inamovible ministre de la Justice de Mouammar El Gueddafi, qui s'est mué en défenseur de la «démocratie» - attendent, comme des vautours, que le pays sombre totalement pour tirer les marrons du feu. Une opération «Restore Hope» US (restaurer l'espoir) comme cela a été le cas pour la Somalie dans les années 1980, est toute prête à intervenir en Libye - bien sûr pour sauvegarder les ressortissants des Etats-Unis et des pays occidentaux - qui se traduira par une occupation des points stratégiques du pays. De fait, une force rapide des marines US s'est positionnée récemment dans le sud de l'Espagne pour parer à toute éventualité «en Afrique du Nord». Dans l'intervalle, la Libye semble condamnée à la violence qui pourrait durer autant d'années que cela fut le cas en Somalie. Mais une «somalisation» de la Libye, c'est un danger potentiel de déstabilisation de tout le Maghreb. Les dirigeants maghrébins en sont-ils conscients? Telle est la question!

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