lundi 23 juin 2014

Des migrants et des demandeurs d’asile emprisonnés rapportent des actes de torture et d’autres abus en détention
22 JUIN 2014
(Tripoli) – Dans des centres de détention de migrants contrôlés par le gouvernement libyen, des gardiens ont torturé des migrants et des demandeurs d’asile avec des chocs électriques, et leur ont infligé de violents passages à tabac ainsi que d’autres abus.

Human Rights Watch a publié les conclusions préliminaires de son enquête menée en avril 2014 et basée sur des entretiens avec 138 détenus, dont presque 100 ont rapporté des actes de torture et d’autres exactions. Les violations présumées, la surpopulation extrême, les conditions sanitaires déplorables et l’absence d’accès à des soins médicaux appropriés dans huit des neuf centres visités par Human Rights Watch contreviennent aux obligations de la Libye de s’abstenir de tout acte de torture ou autres traitements inhumains ou dégradants.

« Les détenus ont raconté en détail la façon dont les gardiens imposaient des fouilles à nu aux femmes et aux jeunes filles, et agressaient brutalement les hommes et les jeunes garçons », a déclaré Gerry Simpson, chercheur senior auprès de la division Réfugiés. « La situation politique de la Libye est certes difficile, mais le gouvernement n’a aucune excuse pour les tortures et autres violences déplorables dont se rendent responsables les gardiens dans ces centres de détention. »

Chaque semaine, les garde-côtes libyens, qui bénéficient de l’aide de l’Union européenne (UE) et de l’Italie, interceptent ou secourent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile qui tentent de rejoindre l’Italie à bord des bateaux de passeurs illégaux. Dans l’attente de leur expulsion présumée, ils les placent alors en détention, avec des milliers d’autres personnes arrêtées en Libye pour être entrées dans le pays sans autorisation ou pour y être demeurées sans permis de séjour valide.

L’UE et l’Italie appuient également les centres de détention de la Libye, en réhabilitant certains d’entre eux et en finançant des organisations non-gouvernementales libyennes ou internationales qui interviennent dans ces centres pour aider les détenus. L’UE et l’Italie se sont engagées à verser au moins 12 millions d’euros à ces centres dans les quatre prochaines années.

L’UE et l’Italie devraient suspendre toute aide à ces centres, qui sont gérés par le Ministère de l’Intérieur, tant que celui-ci n’aura pas accepté d’enquêter sur les exactions et que la Mission d’assistance des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) n’auront pas vérifié de façon indépendante que celles-ci ont pris fin, a affirmé  Human Rights Watch.

Dans le cas où un terme serait effectivement mis à ces abus, l’UE et l’Italie devraient également obtenir un accord avec le Ministère de l’Intérieur pour que les financements à venir soient utilisés pour améliorer les conditions de détention et à les mettre en conformité avec les normes minima internationales, et ce d’ici la fin 2014. Si cette date limite n’est pas respectée, toute aide aux centres ne respectant pas ces normes devrait être suspendue.
Les révélations sur les exactions affluent alors que le nombre de migrants et de demandeurs d’asile qui s’engagent dans la périlleuse traversée maritime vers l’UE, depuis la Libye, s’apprête à atteindre des niveaux record pour 2014. La marine italienne mène depuis octobre 2013 une vaste opération de sauvetage, connue sous le nom de Mare Nostrum, et a secouru des milliers de demandeurs d’asile et de migrants embarqués dans des bateaux qui n’étaient pas en état de naviguer. Le 17 juin, le Ministre italien de la Défense a déclaré que lors du sommet de l’UE des 26 et 27 juin, l’Italie avait l’intention de demander à l’Agence des frontières de l’Union, Frontex, de reprendre les rênes de cette opération. 
Un nombre record de migrants et de demandeurs d’asile ont récemment atteint l’Italie depuis la Libye. Au cours des quatre premiers mois de l’année 2014, ce sont environ 42 000 personnes qui ont débarqué en Italie, dont un peu moins de 27 000 venaient de Libye, selon l’Agence européenne des frontières, Frontex. Le record d’arrivées en Italie et à Malte en une année, atteint en 2011, s’élevait à près de 60 000 personnes selon Frontex.

Human Rights Watch a visité neuf centres de détention de migrants sur les 19 gérés par le  Département de lutte contre l’immigration illégale du Ministère de l’Intérieur. Dans huit de ces centres, 93 détenus, parmi lesquels plusieurs jeunes garçons dès l’âge de 14 ans, ont décrit les agressions régulières qu’eux et d’autres détenus avaient subies de la part des gardiens.

Les migrants détenus ont raconté comment des gardiens les avaient battus avec des barres de fer, des bâtons et des crosses de fusil, les avaient fouettés avec des câbles, des tuyaux et des fouets en caoutchouc fabriqués à partir de pneus et de tubes de plastique, leur infligeant parfois de longues séries de coups sur la plante des pieds. Ils ont dit aussi que des gardiens les avaient brûlés avec des cigarettes, leur avaient donné des coups de poing et des coups de pied au torse et à la tête, et avaient utilisé des tasers pour leur infliger des chocs électriques. Dans l’un des centres, cinq détenus ont raconté que des gardiens les avaient suspendus à un arbre la tête en bas avant de les fouetter.

Les hommes comme les femmes ont affirmé que des gardiens de sexe masculin leur avaient fait subir une fouille à nu à leur arrivée au centre, et leur avaient imposé des recherches corporelles poussées, y compris internes. Des détenus de quatre centres ont raconté que des gardiens avaient menacé de les abattre, ou avaient tiré au-dessus de leur tête. D’autres ont également rapporté des violences verbales de la part des gardiens, et notamment des insultes raciales, des menaces, et des  injures régulières.

Les violences persistantes commises par des gardiens dans les centres de détention sous contrôle gouvernemental, tout au moins officiellement, représentent une violation des obligations internationales de la Libye, qui lui imposent de protéger toute personne sur son territoire contre les tortures et les traitements cruels, inhumains ou dégradants.

L’interdiction absolue de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le droit international est énoncée dans la Convention des Nations Unies contre la torture (CCT) et dans le Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP), des traités qui engagent la Libye. Ces deux textes définissent la torture en intégrant tout acte par lequel une douleur aiguë ou des souffrances intenses sont infligées délibérément par une personne détentrice de l’autorité publique, à des fins d’intimidation ou de coercition. Le rapporteur spécial sur la torture a considéré l’administration de chocs électriques ou de coups violents comme une forme de torture, de même que le Comité des droits de l’Homme.

Aucun des détenus interrogés par Human Rights Watch n’avait été, selon leurs dires, présenté au tribunal ou n’avait eu l’occasion de contester la décision de placement en détention et d’expulsion. La détention prolongée sans accès au contrôle judiciaire est synonyme de détention arbitraire, et le droit international l’interdit. 

« Dans chacun de ces centres, les détenus se sont présentés en nombre pour parler de la peur quotidienne dans laquelle ils vivent, se demandant en permanence quand ils recevront les prochains coups, ou seront fouettés, » a affirmé Gerry Simpson. « Les autorités ont fermé les yeux sur ces terribles abus, et ont créé une culture d’impunité totale pour les violations commises à l’encontre des migrants et des demandeurs d’asile. »

Human Rights Watch a également rassemblé des informations sur la grave surpopulation qui affecte les neufs centres visités, et les conditions sanitaires dramatiquement mauvaises dans huit de ces derniers. Dans certains de ces centres, les chercheurs de Human Rights Watch ont vu jusqu’à 60 hommes et jeunes garçons entassés dans des espaces qui atteignaient parfois tout juste 30 mètres carrés. Dans d’autres endroits, des centaines de détenus débordaient de l’intérieur des pièces jusque dans les étroits couloirs – parfois inondés par des toilettes bouchées – pour utiliser le moindre centimètre carré d’espace.

Les détenus qui avaient besoin de traitements médicaux ont affirmé que les gardiens avaient refusé de les transférer vers un hôpital ou une clinique, ou qu’ils n’avaient pas reçu les soins nécessaires au sein du centre de détention. Certains membres du personnel des centres ont dit à Human Rights Watch n’avoir pas les moyens suffisants pour assurer aux détenus, et notamment aux femmes et aux enfants, des soins adéquats, ni les moyens de les transférer vers un hôpital pour des soins spécialisés.

« L’UE et les autres bailleurs de fonds devraient signifier clairement aux autorités libyennes qu’ils ne continueront pas à aider les centres de détention où les gardiens infligent des abus aux migrants et aux demandeurs d’asile en toute impunité, » a affirmé Gerry Simpson. « Les bailleurs devraient insister sur la nécessité de mettre un terme aux exactions et d’améliorer les conditions de détention avant que l’aide n’afflue à nouveau. »

Human Rights Watch publiera un rapport complet sur ses conclusions relatives aux abus et aux conditions de détention dans ces centres.

Recommandations
Le Département de lutte contre l’immigration illégale du Ministère de l’Intérieur libyen devrait immédiatement fermer les centres de détention de Soroman et de Tomena. Sur les neuf centres visités, c’est là que les détenus sont confrontés aux violences les plus graves et aux conditions de détention les plus difficiles, en partie à cause de l’état de délabrement et de la petite taille des bâtiments, associés à une surpopulation massive. Les autorités devraient transférer les détenus de ce centre vers d’autres lieux de détention, tels que le centre de détention des migrants d’Abu Saleem – qui est distinct de la prison d’Abu Saleem – à Tripoli, qui dispose de bien davantage d’espace.

En accord avec leurs obligations légales internationales concernant tous les migrants et demandeurs d’asile détenus en Libye, les autorités devraient soit faire quitter le pays sans délais à tous les détenus s’il est établi qu’ils s’y trouvaient de façon illégale, soit les relâcher s’ils souhaitent demander l’asile auprès de l’agence des réfugiés des Nations Unies, le HCR.

Le gouvernement devrait proclamer l’interdiction pour les gardiens de faire usage de violence sur les détenus, diffuser des instructions à ces derniers en ce qui concerne les procédures de fouilles des prisonniers, et notamment le fait de recourir à des gardiennes pour fouiller les détenues de sexe féminin quand c’est possible. Il devrait également suspendre et punir ceux dont on sait qu’ils ont commis des violences.

Le gouvernement devrait également travailler avec l’UE, l’Italie et les agences internationales qui opèrent dans les centres – parmi lesquelles la Mission d’Assistance des Nations Unies en Libye (MANUL), le HCR, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et le Comité International de la Croix Rouge (CICR) – pour déterminer l’aide dont le gouvernement a besoin pour mettre les centres en conformité avec les normes minima relatives à la détention, selon les termes de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies.

Ces dernières imposent entre autres une limitation du nombre de personnes détenues dans une même pièce, selon la taille de celle-ci, des aménagements adaptés pour dormir, des équipements d’hygiène personnel adéquats, des vêtements et de la literie, une nourriture correcte et l’accès à des services médicaux.
L’UE et l’Italie devraient immédiatement suspendre toute aide aux centres tant qu’il n’est pas clairement établi que les violations ont cessé. Pour remplir cet objectif, le Ministère de l’Intérieur doit prendre un certain nombre de mesures, et notamment enquêter sur les abus, poursuivre les responsables, et donner son accord sur un mécanisme de contrôle. Dans le cadre de ce mécanisme de contrôle, la Mission des NU et le HCR devraient se voir accorder l’accès sans restrictions à tous les centres de détention de migrants, et rendre compte publiquement de l’arrêt ou de la poursuite des violations.

L’UE et l’Italie devraient également informer le Ministère de l’Intérieur de la suspension de toute aide future à tout centre de détention qui ne respecterait pas les normes minima de la détention d’ici à la fin 2014.

Visites de Human Rights Watch aux centres de détention
A la mi-avril, le Département de lutte contre l’immigration illégale a autorisé Human Rights Watch à accéder sans restrictions à l’ensemble des 19 centres de détention de migrants officiels de la Libye, et a permis à ses chercheurs de s’entretenir avec les détenus de façon confidentielle. L’agence affirme que les centres détiennent entre 1 000 et 6 000 personnes selon les moments, en fonction du nombre de personnes appréhendées, relâchées et expulsées.

Human Rights Watch a visité neuf de ces centres – deux pour les femmes, les jeunes filles et les jeunes garçons, et sept réservés aux hommes et aux garçons plus âgés – et s’est entretenu avec 138 détenus au sujet des problèmes auxquels ils étaient confrontés en détention. Dans huit centres – Burshada et al-Hamra, près de Gharayan; al-Khums, à 100 kilomètres à l’est de Tripoli; Zliten, et Tomena, près de Misrata; abu-Saleem et Tuweisha à Tripoli; et Soroman, à 60 kilomètres à l’ouest de Tripoli – les détenus ont évoqué de graves abus commis par des gardiens. Certains entretiens ont été réalisés en groupes, et d’autres en privé, de façon confidentielle.

Les infrastructures utilisées pour emprisonner les migrants incluent des conteneurs de transport maritime, d’anciens centres vétérinaires et des bureaux inutilisés appartenant au gouvernement, et sont des lieux inadaptés à la détention de personnes, même pour de courtes périodes. Des dizaines de détenus ont raconté à Human Rights Watch avoir passé des mois confinés 24 heures sur 24 dans une pièce ou un conteneur.

Quand Human Rights Watch a discuté de ses conclusions relatives aux abus commis dans les centres de détention de migrants avec des responsables du Département de l’immigration, le 29 avril, ces derniers ont affirmé qu’aucune autre organisation n’avait jamais signalé de telles violations aux autorités. Le HCR a cependant dit à Human Rights Watch avoir alerté quelques fois les autorités au sujet de certains gardiens violents. Selon l’agence, le Ministère de l’Intérieur interdit depuis mars 2013 aux organisations qui travaillent régulièrement dans les centres de mener des entretiens privés avec les détenus, ce que le Ministère a confirmé à Human Rights Watch. Le HCR affirme cependant que certains directeurs et gardiens ont continué à permettre aux membres de son équipe de mener de tels entretiens. 

Dans un rapport publié en juin 2013, Amnesty International a rassemblé des informations sur plusieurs cas de violences commises par des gardiens dans trois centres de détention de migrants, l’un dans la ville de Sabha et deux autres dans des lieux indéterminés. Les responsables du Département de l’immigration ont dit à Human Rights Watch ne pas avoir lu ce rapport d’Amnesty International.

Conditions de détention en Libye, politiques d’expulsion 
La Libye attire depuis longtemps les migrants et demandeurs d’asile qui aspirent à y travailler, ou espèrent trouver un emploi et une protection en Europe. En avril 2014, selon ce que le Ministère du travail libyen a dit à Human Rights Watch,  le nombre de migrants sans papiers dans le pays pouvait s’élever à près de trois millions.

En mai 2013, l’UE a créé la Mission de l’Union européenne d’Assistance aux frontières (European Union Border Assistance Mission – EUBAM) en Libye pour « aider les autorités libyennes à améliorer et développer la sécurité des frontières du pays. »

Un responsable de l’EUBAM en Libye a expliqué à Human Rights Watch que parmi les missions de l’organisme figurait la formation des garde-côtes libyens aux techniques de gestion du contrôle des frontières. L’Ambassade italienne en Libye a également déclaré à Human Rights Watch que l’Italie apportait un soutien logistique aux garde-côtes libyens, notamment en finançant la réparation des bateaux de patrouille.

Quand des citoyens étrangers sans papiers sont placés en détention, la Libye ne fait aucune distinction entre ceux qui cherchent du travail en Libye ou dans l’UE, et les demandeurs d’asile qui fuient des persécutions et d’autres exactions dans leurs pays. La Libye n’a pas ratifié la Convention sur les Réfugiés de 1951 et n’a pas de droit d’asile propre ou de procédures en la matière. Le HCR en Libye ne dispose pas d’un protocole d’entente official pour encadrer sa présence et ses opérations en Libye. La Libye a ratifié la Convention régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

Les autorités libyennes ont affirmé à Human Rights Watch que ni les Erythréens, ni les Somaliens n’étaient déportés vers leurs pays d’origine, reconnaissant les violations généralisées des droits humains en Erythrée et le conflit en cours en Somalie. Pourtant, les détenus érythréens et somaliens qui ne bénéficient pas d’autres procédures informelles de libération croupissent pendant des mois en détention – et parfois pendant plus d’un an –, selon les responsables libyens de l’immigration, le HCR et l’Organisation Internationale pour les Migrations.

Si le HCR recense un certain nombre de demandeurs d’asile qui vivent dans les zones urbaines de la Libye, les autorités n’ont plus enregistré aucun demandeur d’asile depuis juin 2013, selon ce que l’agence des Nations Unies a affirmé à Human Rights Watch. Les autorités libyennes devraient permettre immédiatement au HCR de reprendre l’enregistrement de toutes les personnes souhaitant demander l’asile en Libye, et mettre un terme à la détention prolongée automatique pour les demandeurs d’asile.

Les Principes Directeurs du HCR sur la Détention, dérivés du droit international, affirment que les autorités gouvernementales ne devraient placer en détention les demandeurs d’asile qu’ « en dernier ressort », et comme une mesure qui doit être strictement nécessaire et proportionnée dans le but d’atteindre un objectif juridique légitime. Elles ne devraient pas emprisonner les demandeurs d’asile uniquement pour les expulser. La détention n’est autorisée que pour une période brève, afin de déterminer l’identité d’une personne, ou pour une durée plus longue si c’est le seul moyen d’atteindre des objectifs plus larges, comme par exemple protéger la sécurité nationale ou la santé publique.

La Libye est également partie à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui affirme que les enfants ne peuvent être emprisonnés que « comme mesure de dernier ressort et d’une durée aussi brève que possible. » Le comité des NU qui interprète la Convention affirme que les enfants ne doivent pas être rendus pénalement responsables pour des raisons liées à leur statut d’immigrant ou à leur entrée illégale sur le territoire, et que les pays ne devraient emprisonner aucun enfant sur la base de son statut d’immigrant.

Les responsables de l’agence de l’immigration libyenne ont admis auprès de Human Rights Watch que les migrants et les demandeurs d’asile expulsés de Libye pouvaient facilement rentrer à nouveau dans le pays par la frontière sud, une zone ouverte de 1 000 km de long, point d’ailleurs souligné par les détenus eux-mêmes au cours des entretiens.

Témoignages d’abus commis en détention
Les gardiens sont tellement violents ici. En novembre [2013], des gens ont essayé de s’évader. Ils les ont rattrapés. Puis ils ont puni tous les détenus qui étaient dans un des conteneurs [de transport maritime]. J’ai vu tout ce qui s’est passé. Ils les ont fait sortir, leur ont enlevé leur chemise, les ont aspergé d’eau partout, et ensuite ils leur ont fouetté le dos et la tête avec du caoutchouc, pendant environ une demi-heure. Ils étaient tous en train de vomir tellement ils avaient mal. D’autres fois, les gardiens disaient qu’ils allaient abattre des gens s’ils refusaient de sortir les pieds par les barreaux à l’avant du conteneur, et puis ils les frappaient.   
– Homme érythréen de 33 ans, au centre de détention de migrants al-Hamra, où les prisonniers sont détenus dans des conteneurs maritimes.

Depuis que je suis arrivé ici [en 2014], les gardiens m’ont agressé deux fois. Ils m’ont fouetté avec un câble en métal et m’ont frappé et donné des coups de poing sur tout le corps. Je les ai aussi vus suspendre quatre ou cinq personnes la tête en bas aux arbres qui sont devant l’entrée, et les frapper et les fouetter au niveau des pieds et du ventre. Et il y a une semaine [mi-avril 2014], je les ai vus agresser un homme égyptien qui était là depuis trois mois et qui souffrait de troubles mentaux. Ils lui ont donné des coups de pied à la tête et lui ont cassé une dent.
– Homme somalien de 27 ans, centre de détention de migrants de Tomeina

Quand quelqu’un fait quelque chose qui ne plait pas aux gardiens, ils arrivent, hurlent et le frappent avec des bâtons. Quand je suis arrivée ici, les gardiens nous ont mis [23 femmes] dans une pièce, nous ont demandé de retirer nos vêtements et ensuite ils ont mis leurs doigts dans nos vagins.
– Femme érythréenne de 21 ans, sur la façon dont les gardiens du centre de détention de migrants l’ont traitée à son arrivée en février 2014


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