2014, le retour d’Al-Qaïda
Affaires stratégiques-Philippe Thureau-Dangin, chercheur associé à l’IRIS
Le 22 janvier à Montreux, en Suisse, on parlera bien sûr de l’avenir de la Syrie. Mais les diplomates autour de la table n’auront qu’une chose en tête : le retour d’Al-Qaïda sur le devant de la scène. Non seulement sur le sol syrien et en Afrique mais aussi en Irak.
Pourtant, voici trois ans, les Occidentaux croyaient ce mouvement sunnite radical définitivement sur le déclin. Oussama Ben Laden était liquidé en mai 2011 par un commando américain dans son repaire d’Abbottabad. Ses principaux lieutenants ou affiliés – Ilias Kashmiri ou Anwar al-Awlaqi – étaient mis hors d’état de nuire. Et on pouvait penser qu’à la faveur des “printemps arabes”, l’islamisme radical allait perdre, sinon de son attrait, du moins de sa raison d’être. Il n’en a rien été. Car les révoltes arabes, sauf en Tunisie, ont tourné court.
En Egypte, les Frères musulmans ont tout d’abord bénéficié du tournant politique. Mais, une fois au pouvoir, ils ont fait la preuve de leur incompétence ou de leur naïveté politique. Désormais réprimés, les Frères laissent donc le champ libre à leurs rivaux idéologiques, des groupes qui se réclament soit du wahhabisme saoudien, soit de la nébuleuse Al-Qaïda. C’est ainsi qu’on a comptabilisé ces six derniers mois plus d’une centaine d’attaques terroristes dans le Sinaï. De même, on a vu en 2013 l’Afrique subsaharienne bouleversée par des groupes affiliés à Al-Qaïda. Chassés par l’armée française du Mali, on retrouve ces mercenaires islamistes – souvent plus mercenaires qu’islamistes – au Niger, en Libye ou même en Somalie.
Mais les bases les plus solides d’Al-Qaïda sont désormais au cœur du Moyen-Orient, depuis le Liban jusqu’en Irak. En Syrie, l’opposition armée laïque doit livrer bataille aux groupes radicaux islamiques, ce qui était sans doute le souhait le plus cher de Bachar al-Assad. Au Liban, les brigades Abdallah Azzam, qui ont perdu leur chef récemment, redoublent leurs attentats, notamment contre le Hezbollah chiite. Quant à l’Irak, gouverné par le chiite Nouri al-Maliki, c’est devenu un terreau fertile pour les jeunes sunnnites en mal de destin. Rien de surprenant donc de voir une ville de 300 000 habitants comme Falloujah, à 60 kilomètres de Bagdad, passer le 4 janvier sous contrôle de “l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) !
Cette résurgence d’Al-Qaïda est d’autant plus inquiétante qu’elle est polymorphe. La “Base” est désormais un réseau sans centre, sans chef. Elle se nourrit à la fois de la lutte contre les régimes locaux impies et corrompus, de la haine contre un chiisme en passe de dominer de plus en plus de territoires, et bien sûr de la détestation des Américains, Européens et Israéliens. Et ce n’est pas le rapprochement entre l’Iran chiite et les Occidentaux qui va calmer l’ardeur des groupes. Plus que jamais, Al-Qaïda est comme l’Hydre de Lerne, monstre aux multiples têtes, dont l’une était immortelle.
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