dimanche 5 janvier 2014

Al Qaïda des cigales contre le nouvel an et le reste du temps

Le Quotidien d’Oran-Kamel Daoud 
C’était la veille de la nouvelle année: dans une maternité d’Oran, un gynécologue rapporte que les mères qui venaient d’accoucher avant minuit exigeaient simplement que l’on retarde l’inscription/déclaration de naissance, de leurs enfants jusqu’à la date la plus fraîche. Comme dans un salon de l’automobile. Cela reste légitime: dans un pays qui perd le temps de tous, il faut gagner des ans, chacun. Cela est bon pour la future mariée, le jeune à pousser. Le monde des médecins a ses anecdotes sur le monde du peuple: cela va du gynécologue connu à Oran aussi, devenu soudain islamiste et qui n’examine plus ses patientes que par le biais de son épouse, derrière un rideau, et qui lui dicte les symptômes, aux restaurateurs de virginité que l’on supplie dans la discrétion, aux disputes avec des patients qui contestent ce que dit le docteur mais jamais ce que dit le cheikh Chemssou du quartier.
Revenons au temps: il trouble profondément depuis des années. Sur les murs d’Oran, des affiches appelant à ne pas fêter la fin de l’année, parce que ceux qui le font sont des impies et des athées. Avec la confusion des salafistes bêtes et imbéciles qui confondent chrétiens et athées. Le néo-Arabe se dessine les contours du corps désormais par la réaction, par le déni, le refus, le repli, l’exhumation des cadavres, la contradiction.Je ne suis pas moi-même mais je suis ce qui est contraire à l’Occident.
Et après ? Personne n’y pense. C’est une identité par défaut et une religion par repliements de la terre comme s’il s’agissait d’un tapis de prière que l’on coince sous l’aisselle avant d’aller vers Dieu, marchant sur le visage. Toute la différence avec les conquérants arabes qui se bâtissaient par la conquête et l’assimilation par le rapt ou par la réflexion, le néo-Arabe se dessine par l’Islam comme refus de l’Autre et par l’identité comme enfermement et par la confession comme démission.
Après plusieurs siècles, on choisit celui qui n’a jamais existé, on s’y enferme, on déclare que le reste du monde est une agression, que le temps est une impureté, que la différence est une insulte. On croit que l’on maîtrise le temps en le refusant et donc en se repliant sur ses calendriers.Cela donne, au bout du siècle, ces étranges névrosés qui viennent déclarer la guerre au nouvel an, à une bûche, une fête, un cheveu, un morceau du coude de la femme, une couleur, une courbe, la joie et qui font de la futilité un feuilleton épique. Des sortes de Foutouhate mais à l’échelle de la cigale. Cela donne ce que nous voyons et vivons. Cela donne cet étrange comportement qui, faute de maîtrise de la géographie, se replie sur le décompte. Le Temps y devient alors un objet fétiche, il est fétichisé, pétrifié, un ciment, une pierre sculptée, une idole.Les néo-Arabes/islamistes, naissent aujourd’hui mais, face au gynécologue, exigent qu’on déclare leur naissance à l’an zéro de l’hégire.
Règle du monde: qui tient les comptes, impose les décomptes. Aujourd’hui, c’est l’Occident. Si on ne le veut pas, il faut aller au bout de l’hégire en remontant: enlever sa montre, poser son portable, offrir sa voiture au passant, remettre son dentifrice, se déchausser, rapporter sa carte bancaire, sa chemise fabriquée en Chine, sa télévision, le haut-parleur de la mosquée, le climatiseur, l’aiguille à coudre, le SMS, l’insuline, le PC, la ceinture du pantalon et les avions. Enfin, remettre à l’Occident toutes les choses qu’il a inventées puis lui demander de rester loin de nous, puis revenir nu et à pied et imposer l’hégire, interdire le nouvel an et déclarer que nous sommes le contraire des autres et que cela est un pays et une nation suffisante pour marcher sur la lune.
J’arrête.
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5192403

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