samedi 2 mars 2013

« Aqmi est une hydre à plusieurs têtes avec des intérêts divergents »


« Aqmi est une hydre à plusieurs têtes avec des intérêts divergents »

Nouvel Observateur--Créé le 01-03-2013 à 17h50 -
La mort de l’émir d’Aqmi, Abou Zeid, confirmée par le président tchadien Idriss Déby mais pas par la France, ne signifie pas pour autant la fragilisation du réseau terroriste.
Abou Zeid, dans une vidéo datant de 2010. (Sipa)
Abou Zeid, dans une vidéo datant de 2010. (Sipa)
La France s’est refusée vendredi 1er mars à confirmer la mort dans le nord du Mali d’Abdelhamid Abou Zeid, l’un des chefs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), annoncée par des médias algériens qui assurent que des tests ADN sont en cours pour tenter de l’identifier et par le président tchadien Idriss Déby. Philippe Hugon, spécialiste du Mali à l’Iris, estime que cela ne signifie  pas un grand bouleversement dans l’organisation du réseau terroriste. Interview.
L’information n’est pas encore confirmée par Paris, mais quelles conséquences peuvent avoir la mort de l’émir Abou Zeid sur Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ?
- Il était à la tête d’une des katibas du Sahel les plus importantes, vraisemblablement basée dans le massif des Ifoghas et qui est à l’origine d’un certain nombre d’enlèvements. Il représentait l’aile la plus dure d’Aqmi. Certes, cela décapiterait sa katiba mais il faut savoir que le réseau terroriste est une nébuleuse, un label, relativement décentralisée.
Il n’y a pas véritablement de commandement hiérarchique. Aqmi est un hydre à plusieurs têtes. Si les différentes katibas ont comme point commun de vouloir développer un califat islamique et étendre le djihad dans le Sahel et le Sahara, elles sont autonomes et ont des intérêts divergents.
Certaines trempent dans l’économie mafieuse, dans le narcotrafic, tandis que d’autres sont davantage portées par l’idéologie.
Un successeur est-il prévu en cas de mort d’un cadre comme Abou Zeid ?
- Sûrement. Mais les katibas, quelles soient plus ou moins importantes, sont en rivalité. On sait très bien qu’Abou Zeid et Mokhtar Bel Mokhtar (le chef djihadiste qui a revendiqué l’attaque de In Amenas) sont en compétition pour le contrôle de différents trafics. Ce qui est étonnant, en revanche c’est le silence de Abdelmalek Droukdel, le chef d’Aqmi.
On savait qu’Abou Zeid nourrissait une certaine obsession contre la France. Son élimination signifie-t-elle une victoire pour l’armée française ?
- On ne peut pas comparer sa mort à l’élimination de Ben Laden par les Américains, mais c’est vrai que symboliquement ce serait une grande victoire française. Reste que pour le moment, François Hollande reste prudent.
Sur le terrain, est-ce que cela peut désorganiser les combats côté djihadistes ?
- Les actions d’Aqmi ne sont pas liées à un chef d’Aqmi. La mort d’un des leurs peut au contraire renforcer l’un ou l’autre des chefs de phalanges. Les décapitations dans le groupe djihadistes Boko Aram au Nigeria n’ont jamais autant renforcé et consolidé le mouvement. Les recrutements vont se développer et le sentiment de martyr sera décuplé.
On dit qu’Abou Zeid se tenait toujours très proches géographiquement de ses otages. Y-a-t-il dorénavant une menace sur les Français ?
- Encore une fois, restons prudent sur la véracité de l’information. Il y a deux réactions possibles : soit Abou Zeid est remplacé par quelqu’un de moins violent et les opportunités de négociations seront plus nombreuses. Soit, ses combattants se vengent et s’en prennent aux otages.
http://tempsreel.nouvelobs.com/guerre-au-mali/20130301.OBS0550/aqmi-est-une-hydre-a-plusieurs-tetes-avec-des-interets-divergents.html
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