dimanche 8 avril 2012


Une Française échappe à Aqmi grâce aux Touaregs

Le Figaro.fr
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Par Mélanie MataresePublié  Réactions (3)
Une famille de Maliens installée à Gao arrive à Bamako, vendredi, après le putsh <br/>des rebelles Touaregs dans le nord du pays.
Une famille de Maliens installée à Gao arrive à Bamako, vendredi, après le putsh
des rebelles Touaregs dans le nord du pays.
 Crédits photo : ISSOUF SANOGO/AFP

La seule Française de Gao, au nord-est du Mali, a été rapatriée dimanche saine et sauve à Paris après avoir été évacuée vers l'Algérie par les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).

«Ils sont arrivés dans des 4 × 4 beiges, brandissant leurs kalachnikovs, habillés en tenue militaire, coiffés d'un chèche touareg. Ils ont tiré en l'air. L'assaut a duré au moins deux heures. Dès que je les ai vus, j'ai su que c'était des islamistes…»
La seule Française de Gao, au nord-est du Mali, a été rapatriée dimanche saine et sauve à Paris après avoir été évacuée vers l'Algérie par les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Mais elle n'est pas près d'oublier ce jeudi 5 avril. Ce matin-là, l'humanitaire, qui travaille pour l'Unicef sur un programme de malnutrition et pour l'Association d'aide à Gao sur un projet d'orphelinat, assiste en direct à l'attaque du consulat d'Algérie et à l'enlèvement de sept diplomates, dont le consul Boualem Sias. Ils auraient été libérés dimanche par leurs ravisseurs, selon l'édition en ligne du quotidien El Watan .
L'enlèvement avait été revendiqué dans la matinée par le Mouvement pour l'unicité du djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), qui n'en est pas à sa première attaque contre l'Algérie. Ce groupe récent sur la scène sahélienne se dit également à l'origine du rapt de trois humanitaires dans la région de Tindouf (Sahara occidental) en octobre 2011 et d'un attentat à Tamanrasset (Sud algérien) en mars dernier. L'opération de Gao semble toutefois avoir été menée avec l'appui d'autres islamistes: Mokhtar Belmokhtar, «émir» d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), et le groupe Ansar Dine. «J'ai reconnu leur drapeau, qu'ils ont hissé après avoir brûlé le drapeau algérien», assure l'humanitaire française, qui tient à l'anonymat pour protéger sa famille.

Divisions internes

Depuis le coup d'État militaire du capitaine Amadou Sanogo à Bamako, le MNLA, profitant d'une décomposition de l'armée, s'est progressivement emparé des villes du Nord, rejoint dans son combat contre l'armée malienne par Aqmi, Ansar Dine (nouveau groupuscule se réclamant d'al-Qaida, mené par Iyad Ag Ghaly, une ancienne figure de la rébellion touareg) et Mujao (autre groupe djihadiste se réclamant d'al-Qaida). «Le 29, Kidal est tombée aux mains du MNLA. À quelque 400 km de là, nous savions que nous serions les prochains sur la liste, avec Tombouctou, raconte l'humanitaire. D'ailleurs, dès le 30, tous les militaires ont abandonné le camp (Gao est la base militaire la plus importante du Mali, NDLR) pour rejoindre Bamako. En quelques jours, la ville a été détruite, les boutiques pillées, les stations d'essence vidées…»
Alors que les islamistes entourent la résidence du consul où elle a trouvé refuge, la Française parvient à fuir dans une maison toute proche où son «exfiltration» est organisée vers l'Algérie. Ses relations privilégiées avec les Touaregs (elle vit à Gao depuis 1995) lui ont «peut-être» permis d'échapper aux islamistes. «J'ai la conviction qu'ils savaient où j'habitais et qu'ils pouvaient venir me chercher quand bon leur semblait…» Après avoir traversé la ville «tous feux éteints», le groupe a filé vers le nord, direction Bord Badji Mokhtar, ville à la frontière sud algérienne. «Il faut normalement un jour et une nuit pour parcourir cette distance, mais nous l'avons traversée en une nuit, via les pistes de la contrebande. Avec une heure de pause et une halte pour faire le plein de carburant. Seul le MNLA peut faire ça…»
La semaine dernière, les rebelles touaregs avaient organisé l'évacuation de deux Britanniques et d'un Français de Tombouctou, leur permettant d'échapper à Aqmi. Le MNLA, occupé sur le front extérieur - il a proclamé vendredi l'indépendance de l'Azawad, rejetée par la communauté internationale -, se retrouve désormais confronté à un double rapport de forces sur le front intérieur. D'abord avec les islamistes, qui brouillent les revendications purement indépendantistes du MNLA et le mettent en position délicate vis-à-vis d'Alger. Au sein même du mouvement ensuite, où des divisions apparaissent entre les cadres exaspérés par les dérives des islamistes - et déterminés à les chasser du nord Mali - et ceux plutôt partisans d'un partage du territoire. «Personne ne comprend le brusque retournement d'Iyad Ag Ghaly (le leader d'Ansar Dine, NDLR), jusqu'à maintenant très respecté par les Touaregs, explique l'humanitaire française. Sa conversion à l'islamisme se serait faite pendant qu'il était en poste à Djedda, en Arabie saoudite, comme conseiller consulaire. Là, il se serait mis à fréquenter assidûment les mosquées…»
Présenté comme «le» négociateur pour la libération des diplomates algériens, il se positionne aujourd'hui comme l'homme fort de la région, capable de dialoguer aussi bien avec les islamistes qu'avec les rebelles touaregs.
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Par Mélanie Matarese

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