lundi 16 avril 2012


Publié le 16 avril 2012

Touaregs, terroristes et trafiquants d'armes... qui est qui au Mali ?

Au Mali, les gênants partenaires des Touaregs que sont plusieurs groupes islamistes, pourraient profiter du chaos pour bénéficier d'un sanctuaire sécurisé. Et si la mise en échec de ces réseaux liés à Al-Qaïda se trouvait dans la mise en place d'un Etat fédéral au sein duquel la rébellion touareg trouverait toute sa place ?

Emmanuel Dupuy

Emmanuel Dupuy est président de l'IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe).
Spécialiste des questions de sécurité européenne et de relations internationales, il a notamment été conseiller politique auprès des forces françaises en Afghanistan.

  •  
  •  
 
La grave crise sécuritaire et l’instabilité politique qui secoue le Mali, suite au coup d’état du 22 mars dernier, ainsi que la perte de la moitié du pays au profit des rebelles touaregs et de leurs « alliés » islamistes, ouvre, comme de nombreux analystes l’ont déjà exprimé, une « boîte de pandore » aux effets déclics dans une zone déjà particulièrement tourmentée. Les effets induits ne sont néanmoins pas seulement là où on a bien voulu les voir !

Le Mali sera-t-il notre Afghanistan ?

Demeure un risque certain d’installation d’une zone grise, bastion à partir duquel des mouvements terroristes en quête de re-légitimisation de leur action combattantedepuis le mouvement d’autonomisation et son affaiblissement induits par la mort d’Oussama Ben Laden pourraient agir, vers la Mauritanie, l’Algérie, le Nigéria, le reste du Mali lui-même...
Les Etats-Unis ont toujours considéré la menace comme sérieuse et craint cette perspective qui verrait une continuité territoriale entre cellules sahélo-sahariennes éparses d’AQMI, à cheval entre le Nord et le Nord-Est du Mali et l’Ouest du Niger, le mouvement Boko Aram qui sévit au Nord du Nigéria et plus à l’est, nettement plus à l’est, les islamistes somaliens du mouvement Al Chabab.
Ils y ont, du reste, installés depuis quelques années des forces spéciales qui dépendent d’un commandement militaire dédié (SOCAFRICA, Special Operations Command Africa) qui a formé les militaires maliens et nigériens à ce dessein.
La mise en place d’exercices conjoints avec les militaires maliens, algériens, nigériens, mauritaniens, burkinabès par le truchement du programme Enduring Freedom Trans Sahara lancé en 2007, tout comme les 500 millions de dollars qu’ils consacrent depuis 2005 à travers le Trans-Saharan Counterterrorism Initiative et leur plan pan-sahel, sur un volet plus économique, depuis 2002, confirme leur vigilance quant à ce scénario du pire.
Perspective crainte qui leur fait parfois comparer ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux à ce qui s’est passé dans l’Afghanistan des talibans vis-à-vis d’Al Qaeda (entre 1996-2001), dans les zones tribales pakistanaises, et à ce qu’il craignaient pouvait devenir le Yémen pour AQPA (Al Qaeda en Péninsule Arabique), d’où leur soutien au régime - pourtant vacillant sous la pression de ses forces sociales et société civile - du président Saleh.
Peu d’observateurs directs peuvent en tout cas témoigner de ce qui se passe réellement en amont du fleuve Niger, au Nord de la ville de Mopti, encore aux mains de l’armée malienne qui s’y est replié.
L’on peut cependant constater que les échos alarmants reçus de Gao et Tombouctou,tombés aux mains des islamistes du mouvement Ansar al Dine, dirigé par une ancienne figure de la rébellion touareg, Iyad Ag Ghaly, et qui constitue une des nombreuses cellules d’AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique) rejoints, depuis la prise de la ville le 2 avril dernier, par des éléments du mouvement djihadiste nigérian Boko Aram, préfigure ce que d’aucuns, à l’instar du Président de la République Nicolas Sarkozy, qualifient déjà d’état terroriste au cœur de la bande sahélo-saharienne. Le contraste est tout état de cause saisissant à quelques encablures de l’espace euro-méditerranéen dans lequel la transition démocratique s’est ancré depuis le printemps 2011 et à quelques milliers de kilomètres d’un Sénégal post-électoral exemplaire dans sa transition politique.

Aucun commentaire: