Mossa Ag Attaher : « L’Algérie est incontournable dans la gestion de notre conflit »
Crise avec Bamako, relations avec les islamistes armés, rôle de l’Algérie : Mossa Ag Attaher, porte-parole du bureau politique du Mouvement national pour la libération de l’Azawad, fait le point sur la situation au Mali.
Une grande confusion entoure les négociations pour la libération des otages algériens enlevés jeudi 5 avril. Où en sont les pourparlers ?
Nous collectons des informations pour aider à leur libération, mais nous ne sommes en aucun cas négociateurs avec les preneurs d’otages. Le MNLA a condamné cet acte terroriste et a exprimé sa solidarité avec le peuple algérien. Notre priorité, c’est de sauvegarder la vie des otages et de sécuriser la population.
Les témoins de l’enlèvement racontent que le MNLA n’était pas dans Gao au moment de l’attaque. On a l’impression que vous ne maîtrisez pas toute la situation au nord-Mali…
Après le coup d’Etat à Bamako, l’état-major du MNLA a demandé aux combattants d’accélérer les opérations. Kidal est tombée le 30 mars, Gao le 31, Tombouctou le 1er avril. Pendant que des unités du MNLA attaquaient, d’autres étaient mobilisées pour sécuriser la zone. A Gao, ce fut plus difficile. D’autant que dans la ville, des miliciens, armés par l’Etat malien, se livraient à des actes de vandalisme. Le MNLA a commencé par sécuriser les accès à la ville. Quand les combattants sont arrivés à proximité du consulat, des terroristes, équipés de ceintures d’explosifs, ont menacé de se faire exploser si nous avancions.
Plusieurs groupes islamistes ont revendiqué leur contrôle sur les villes du nord. Est-ce que le MNLA a signé un pacte avec eux contre l’ennemi commun, l’Etat malien ?
Pas du tout. Depuis le 17 janvier, le discours du MNLA est très clair. Nous n’avons rien à voir avec eux. Pour rappel, en 2006, de violents affrontements ont opposé Ag Bahanga (chef rebelle touareg) et Aqmi au cours desquels le numéro 2 d’Aqmi a été tué. En revanche, l’Etat malien est complice de l’implantation d’Al Qaïda dans cette zone. Nous avons des preuves qu’avant le mois de janvier, des camps militaires maliens se sont installés à moins de 20 kilomètres des camps d’Aqmi. Des officiers touareg qui ont déserté l’armée nous ont raconté que l’Etat malien était au courant et qu’ordre leur était donné de ne pas les approcher et de ne pas les inquiéter.
Mais aujourd’hui, Aqmi n’est plus seul. Il y a aussi Ansar Dine et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest…
Le MNLA n’a connaissance que de deux groupes islamistes : Aqmi et Ansar Dine. Nous ne considérons pas ces derniers comme des terroristes. L’Etat major du MNLA a rencontré Ag Ghaly. Il nous a fait savoir qu’il souhaitait l’application de la charia sur l’ensemble du territoire. Nous lui avons répondu que le MNLA, dont la revendication est la libération de l’Azawad, ne pouvait accepter une telle idéologie. Lorsque notre Etat sera doté d’institutions démocratiques, des élections seront organisées pour que la population s’exprime sur le projet politique de son choix. C’est vrai, sur le terrain, il y a eu des coïncidences. Ansar Dine a concentré ses attaques sur la région de Kidal, que le MNLA a aussi attaqué. Mais jamais il n’y a eu de commandement commun, ni même de combattant commun. Quant à Mujao, il s’agit d’un groupe fantôme en quête de publicité. Le MNLA, lui, a un combat politique et une lourde responsabilité.
A terme, l’affrontement entre le MNLA et ces groupes semble inévitable…
La présence de ces groupes constitue une menace. Mais elle ne peut pas être un frein à l’aboutissement de notre combat. Une grande assemblée générale s’est tenue mardi entre des chefs de l’Etat-major, de factions nomades, des jeunes, etc… Ils se sont entendus, à l’unanimité, pour demander aux groupes islamistes de quitter le territoire. L’Etat malien a reçu des milliards et du matériel militaire sophistiqué pour lutter contre le terrorisme et il n’a rien fait. Nous disons à la Cédéao, à la communauté internationale et aux pays de la région que le MNLA est disposé à lutter contre le terrorisme et le trafic de drogue. Mais nous ne souhaitons pas ouvrir tout de suite un conflit avec ces groupes.
Cette semaine deux nouveaux fronts de libération de l’Azawad se sont créés. Ne craignez-vous pas qu’ils brouillent votre message ?
Le Front de libération nationale de l’Azawad aurait déjà explosé suite à des tensions internes. Il était constitué d’anciens militaires arabes de l’armée malienne. Aujourd’hui, la majorité de la jeunesse arabe a rejoint le MNLA. Un de ses représentants est devenu secrétaire général adjoint de notre mouvement. Quant au Front de libération de l’Air et de l’Azawad, il s’est formé suite à la décision de la Cédéao de chasser le MNLA de l’Azawad. C’est par solidarité et non pas pour délivrer un message politique différent.
Les relations avec les groupes islamistes seraient aussi à l’origine de tensions au sein même du MNLA…
Il n’y a aucune tension. Au contraire, les rangs se sont resserrés. Les combattants du MNLA sont soudés comme un seul homme.
Quelles relations avez-vous avec l’Algérie ?
Nous souhaitons établir de bonnes relations avec l’Algérie, pays incontournable dans la gestion de notre conflit avec le Mali. Nous aimerions qu’elle use de toute son influence pour trouver une solution dans la région.
Comment réagissez-vous aux propos du président Traoré qui vous menace d’une « guerre totale et implacable » si vous refusez de « rentrer dans les rangs » ?
Suite à l’appel du Conseil de sécurité des Nations-Unies, des Etats-Unis, de la Cédéao et de la France, nous avons proclamé de manière unilatérale la fin des opérations militaires. Nous avons refusé tout dialogue avec les putschistes car ils ne sont pas choisis par le Mali de manière démocratique pour parler en son nom. Nous avons été très surpris de voir que malgré nos efforts, le nouveau président malien nous déclare la guerre alors que son armée a enregistré tant de défaites sur le terrain ! Nous réaffirmons toute notre disponibilité pour des négociations politiques avec un pouvoir malien légitime. M. Traoré doit faire preuve d’un peu plus de courage politique et admettre qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit politique qui nous oppose à l’Etat malien. Toute tentive de récupération de l’Azawad par des actions militaires sera considérée par le MNLA comme une déclaration de guerre et une violation flagrante du cessez-le-feu.
lefigaro.fr
Par Mélanie Matarese le 14 avril 2012 10h26
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