jeudi 2 janvier 2014

La liste des courses d’al-Qaida au Maghreb islamique

Des montagnes de factures ont été retrouvées dans l’ancienne résidence d’Aqmi à Tombouctou.
La première fois qu’il les a vus entrer dans sa boutique, Mohamed Djitteye a d’abord pris peur. Mais les miliciens d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), arrivés en avril 2012 à Tombouctou, n’étaient pas là pour lui faire du mal ni même pour le voler. Ils comptaient bien régler la note et obtenir une trace de leurs achats.
«Pour la plus petite chose, ils voulaient un reçu, observe l’épicier. Même pour une boîte de café.» Les commerçants de la ville ont rapidemment pris le pli, consignant chaque produit et son prix pour leurs nouveaux clients.
Parmi ces factures, qui ont été retrouvées par Associated Press dans un bâtiment de Tombouctou fraîchement quitté par des membres d’AQMI, beaucoup ne mentionnent que des dépenses de la vie courante: un pain de savon pour un euro trente, un pot de moutarde à un euro ou encore un paquet de macaroni au fromage acheté cinq euros quatre-vingts. Des transactions insignifiantes dont le récipissé révèle l’obsession de l’organisation terroriste d’Afrique du Nord pour la comptabilité.
«Ça m’a beaucoup surpris au début, confesse le pharmacien Ibrahim Djitteye. Mais je me suis dit qu’ils étaient ici pour une mission spécifique… Et quand vous êtes en mission, vous devez rendre des comptes. Ils ont des supérieurs qui attendent d’eux un rapport précis de ce qu’ils ont dépensé.»
Une organisation qui, d’après un ancien conseiller du département anti-terroriste américain William McCants, s’inspire des méthodes managériales des grandes entreprises.

AQMI, filiale d’une multinationale terroriste

Né en 1998 en Algérie, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) passe en 2007 sous la férule d’al-Qaida dont il tire son nouveau nom: Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Il se convertit alors aux techniques modernes de gestion du mouvement islamiste, qu’Oussama Ben Laden a l’habitude de dicter à ses sociétés. Lors de son exil au Soudan en 1992, le leader djihadiste avait créé l’un des plus grands conglomérats industriel et agricole du pays.
Un rigorisme religieux et managérial qui infuse toute l’organisation jusqu’à ses ramifications africaines. A Tombouctou, Associated Press n’a pas seulement mis la main sur la liste des course d’AQMI, mais aussi sur des factures de barils de diesel achetés en Algérie qui rappellent les notes de stations essence retrouvées par  l’ex-agent du FBI Dan Coleman dans des bases arrières d’al-Qaida au Kenya, au début des années 2000.
Le budget des islamistes devait également servir à s’attirer les faveurs de la population. Les factures exhumées détaillent le paiement de frais d’hôpitaux pour «l’enfant malade d’un chiite» ou d’un don pour l’organisation d’un mariage. Elles évoquent également le remboursement des dommages causés par «une voiture moudjahidine» à une maison, et un «voyage de propagande» évalué à 145 euros.

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