vendredi 15 mars 2013

Les retombées de l’offensive occidentale au Mali


Par : David Urra
Publié le : 14/03/13
L’apparition soudaine de la menace « islamique » au Mali est en réalité un prétexte, comme dans tant d’autres cas, utilisé par l’Occident pour introduire ses forces dans un pays qui partage une longue frontière avec l’Algérie, et plus précisément sur le côté de l’Algérie qui est la moins peuplée et la plus vulnérable.
Beaucoup de choses ont été écrites et réécrites sur les événements qui se déroulent au Moyen-Orient, mais il n’a pas toujours été facile de comprendre que ces événements sont le résultat d’un plan unique qui s’est développé dans l’ombre et n’est devenu visible que dans ses phases finales. Alors que les « analystes » se limitent presque toujours à l’observation des événements tels qu’ils sont rapportés, les actions non déclarées sont plus difficiles à percevoir. La guerre psychologique/médiatique (Psy/Media Ops) se déroule dans l’ombre et ce n’est que par la compréhension de ses caractéristiques qu’il est possible de comprendre ce qui se passe réellement. Dans l’opération militaire en cours au Mali, tout indique que l’objectif réel est l’Algérie, qu’elle fait partie des priorités de l ‘« Axe de la guerre. »
On peut avoir oublié que toute cette histoire a apparemment commencé avec les révoltes en Tunisie et en Égypte, bien qu’en réalité, le déclenchement ait été décidé longtemps à l’avance par les membres de l’« Axe de la guerre » (les États-Unis et ses partenaires, à la fois à l’Ouest et au Moyen-Orient), avec les premières phases élaborées minutieusement et dans certains cas, avec le consentement des futures victimes.
Le plan, maintenant connu et dénoncé par le général américain quatre étoiles Wesley Clark inclut des Coups d’état dans plus de sept pays du Moyen-Orient, où les intérêts occidentaux étaient menacés pour diverses raisons. Afin y parvenir, d’abord une étude a été réalisée sur la société, avec une vue d’ensemble des caractéristiques ethniques, sociales, culturelles, économiques et de défense des différents pays (comme Southcom avait fait avec l’Amérique latine par le biais de son partenaire, l’institution Florida International Université). Plus tard, un plan spécifique a été élaboré pour chaque pays, pouvant se réajuster coup par coup en fonction de leur « maturité », pour le renversement des gouvernements qui ne sont pas alignés sur les États-Unis.
En principe, les guerres psychologiques sont planifiées séparément pour chaque pays, tenant compte des différentes couches sociales à influencer, et du niveau potentiel de pénétration des médias dans la société occidentale. En conséquence, il n’y avait aucune feuille de route définissant par quel pays commencer, ni quel serait le suivant, la décision serait prise en cours de route, en fonction du degré de « maturité » que les actions entreprises avait atteint.
En ce sens, lorsque les révoltes en Tunisie et en Égypte ont été déclenchées, l’Occident a compris que c’était le prétexte dont elle avait besoin pour commencer l’assaut final, comme cela nous a été définitivement prouvé par les principaux médias de « désinformation ». Dans tous les cas, la préparation en coulisses avait débuté depuis un certain temps, et pour certains de ces cas, depuis des années.
En Tunisie et en Égypte, il était nécessaire d ‘ » écouter » la voix du peuple et de « remplacer » les dictateurs qui avaient longtemps servi les intérêts américains, mais dont l’image publique était ternie. Leur disgrâce servirait à « projeter le mécontentement » vers les pays voisins qui avaient été définis à l’avance comme des objectifs de déstabilisation, la Libye, l’Algérie, la Syrie et l’Iran. La première phase de ce plan avait été accomplie. C’est ce qui avait été élaboré en Afghanistan et en Irak sous le prétexte de la lutte contre Al-Qaïda et le terrorisme.
Il est nécessaire de souligner que l’Afghanistan et l’Irak ont servi de préparation pour la deuxième partie de l’offensive qui serait lancée contre le reste des « infidèles ». Dans le cas de l’Afghanistan, où Al-Qaïda a joué un rôle prépondérant, il était aussi un lieu d’incubation pour la plupart des combattants-terroristes qui allaient plus tard être employés en Libye, Syrie, Iran et Algérie.
Nous devons garder à l’esprit que Al-Qaïda était une organisation créée par la CIA à partir des pires éléments existants dans le Moyen-Orient, dans le but de déstabiliser l’Afghanistan à l’époque où ce pays était soutenu par l’Union soviétique, et servir plus tard de prétexte pour des agressions futures. Al-Qaïda n’a jamais été hors de contrôle de la CIA et, qu’elle soit utilisée comme prétexte ou comme exécutant, elle a toujours été un acteur dans tous les événements du Moyen-Orient. En tant que tel, en Afghanistan et en Irak, Al-Qaïda était une organisation terroriste qui devait être combattue et détruite. En Libye et en Syrie, il s’agit d’une organisation qui défend « la liberté et la démocratie. »
Dans le cas de la Libye, les révoltes en Égypte et en Tunisie qui ont servi à renverser des dirigeants corrompus ont également été utilisées pour générer un éventail d’opinions au sujet de l’« insurrection » libyenne. Dans ce pays, qui avait le plus haut niveau de vie de toute la région et où, malgré les erreurs stratégiques commises, ses dirigeants se sont toujours préoccupés des besoins de la population, l’analyse des couches de la société a révélé que, à Benghazi, il y avait encore certains secteurs qui aspiraient au retour du roi Idris Ier, renversé par Kadhafi, et on leur a fourni les conditions pour activer leurs forces, en les utilisant comme un fer de lance pour la « rébellion » générale.
En outre, Kadhafi a remis à l’Occident non seulement les armes que les rebelles utiliseraient, mais aussi les principales entreprises stratégiques du pays, y compris ses raffineries de pétrole, en fin de compte utilisées contre lui durant les révoltes organisées par ce même occident.
Ils n’avaient besoin que d’un prétexte qui, dans ce cas consistait à organiser des manifestations qu’une petite minorité des médias-mensonge (MMD : media of mass déception) amplifieraient indéfiniment, afin de mettre en œuvre immédiatement la formule utilisée ailleurs et perfectionnée en Afghanistan, un élément fondamental des guerres psychologiques : préparer le terrain et l’opinion publique pour la phase finale, dans laquelle des mesures économiques, financières et diplomatiques combinées avec des mercenaires, des terroristes, des opérations des forces spéciales et la supériorité aérienne, porteraient le coup final à Kadhafi et ceux qui l’ont soutenu.
On connaît le résultat.
Mais toutes ces actions étaient liées, étant donné que les révoltes en Égypte et en Tunisie, se dirigeant vers la Syrie et l’Algérie, faisaient partie du plan conçu au Quartier Général de Fort Bragg, sauf que dans le cas de l’Algérie, la guerre psychologique n’avait pas donné le résultat escompté, et le plan devrait être modifié.
En Syrie, toutes les conditions n’avaient pas été réunies, non plus, mais l’Occident, enhardi par les résultats très favorables obtenus avec un minimum de ressources, et pourquoi pas, par la résistance tiède de la Russie et de la Chine, a décidé « d’accélérer » le plan pour ensuite se concentrer sur les deux objectifs les plus difficiles : l’Iran et l’Algérie.
Mais l’aventure syrienne s’est avérée être beaucoup trop compliquée, et semble figée sans aucune solution en vue. La Russie et le léger changement de la position chinoise ont bloqué l’élaboration du plan de l’Occident tel qu’il était conçu, et malgré les « insurgés » achetés avec des fonds du Qatar et de l’Arabie saoudite qui ont réussi à déstabiliser le pays, la résistance du peuple syrien et de leurs forces armées n’a pas été liquidée. Apparemment, l’axe de la guerre devra s’impliquer plus directement dans le conflit, mais cela implique le danger de l’internationalisation et cela pose certains dangers, étant donné que ce n’est pas seulement la Syrie qui est en jeu, mais la Syrie ainsi que l’Iran et probablement la Russie.
Ce sont ces circonstances qui ont conduit l’Occident à décider de se tourner vers l’application de la variante qui consiste à accélérer ses actions contre l’Algérie, et c’est là que l’option Mali entre en scène.
Bien que le conflit au Mali soit en cours depuis un certain temps, c’est toujours une création relativement récente, et l’Occident ne l’a pas peaufinée, puisqu’il a déjà les ressources de la région sous son contrôle absolu.
L’apparition soudaine de la menace « islamique » au Mali est en réalité un prétexte, comme dans tant d’autres cas, utilisé par l’Occident pour introduire ses forces dans un pays qui partage une longue frontière avec l’Algérie, et plus précisément sur le côté de l’Algérie qui est la moins peuplée et la plus vulnérable.
Le nord du Mali, où une partie du désert du Sahara est situé, est habité principalement par des Touaregs, qui, en mars 2012 ont mené une rébellion contre le gouvernement corrompu de Amadou Toumani Touré, qui a finalement été vaincue non pas par les rebelles, mais par un coup d’État militaire dans lequel il a été accusé d’être trop indulgent envers les rebelles. La junte militaire ayant fait le coup d’état installa Dioncounda Traoré comme président, poste qu’il occupe encore.
Mais en réalité, les Touaregs ont été marginalisés par les « islamistes » des groupes voulant instaurer la charia la plus radicale. Bien que seul le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (NMLA) soit mentionné, il y a trois groupes dans le conflit et le plus dominant à l’heure actuelle est le Mouvement pour l’unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), qui, avec l’AQMI (Al-Qaïda du Maghreb islamique), a réussi à déplacer les Touaregs dans la région, en prenant le contrôle des principaux centres de population dans le nord du pays.
Il est important de préciser que ces groupes islamiques sont principalement composés de combattants terroristes que l’Occident utilisait dans sa guerre contre la Libye, tout comme avec les talibans en Afghanistan, qui y furent employés pour ensuite servir de prétexte pour envahir le pays.
Ces groupes sont mal organisés et mal armés, et par conséquent leur capacité militaire est très réduite. Ceci a été confirmé par la manière dont la France a lancé sa campagne, d’abord par les intermédiaires des Médias-Mensonge, en exagérant le « danger » que représentent ces groupes « islamistes », puis foncé avec un contingent limité et aucune préparation préalable, dans une confrontation où le combat, les victimes et même les blessés sont absents. Une véritable guerre virtuelle.
Comme nous avons pu voir à travers les images et les rapports, il n’existe aucune preuve que les villes ont opposé la moindre résistance. Les principales victimes sont les populations civiles, pratiquement piétinées par les troupes d’occupation française, créant un problème plus grave que celui qui existait auparavant, avec le déplacement de quelque 200 000 personnes.
L’attaque de la raffinerie de gaz algérien à In Amenas, coïncidant bizarrement avec l’invasion française du Mali est encore un autre élément de preuve qui confirme que l’option algérienne était la véritable motivation derrière les actions de la France au Mali.
Il est utile de rappeler que l’Algérie était la plus importante colonie de la France en Afrique et sa perte est restée en travers de la gorge de la classe dirigeante française. Pour l’Occident, éliminer les gouvernements alignés contre ses intérêts, c’est réduire la base de soutien de la Russie et de la Chine.
Un autre élément révélateur se trouve dans les accords que les insurgés avaient déjà réalisés au Mali, qui semblaient offrir une solution négociée du conflit et qui ont été torpillés par la décision française d’envahir le pays, fonctionnellement approuvée par la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU le 20 décembre 2012, qui bien que n’ayant pas autorisé l’invasion, ne l’a pas interdite non plus.
L’échiquier politique a des variantes multiples de ces types de conflits et ici nous voyons comment l’Algérie, dans son empressement à gagner les faveurs de l’Occident, la France en particulier, a concédé aux avions français l’autorisation d’utiliser son espace aérien pour ses interventions contre les rebelles au Mali. Le ministre français des Affaires étrangères a remercié les Algériens : « L’Algérie a autorisé le survol de son territoire, et je l’en remercie », a-t-il dit, avant d’ajouter : « La France se devait d’intervenir de toute urgence, sinon il n’y aurait plus de Mali, mais un État terroriste […] ». Le fait que l’Algérie ait pris la décision d’ouvrir son espace aérien à l’aviation française basée en France pour attaquer les islamistes dans le nord du Mali est significatif, compte tenu de la méfiance traditionnelle des autorités algériennes vis-à-vis de toute forme d’intervention militaire de Paris dans la région. « Une fois que la force africaine aura pris le relais dans le nord du Mali, il faudra que les Algériens ferment leurs frontières pour couper les combattants islamistes de leurs bases ».
C’est précisément là où se trouve le piège. En lisant entre les lignes, on entrevoit le prétexte qui sera utilisé contre l’Algérie une fois que les forces françaises au Mali seront positionnées avec la collaboration des États-Unis et la Grande-Bretagne : la présence éventuelle de combattants islamistes en territoire algérien.
Les faits sont têtus, et le temps nous le dira. Très bientôt, nous serons en mesure de voir si oui ou non un processus de déstabilisation est en cours en Algérie.
Traduit de l’anglais par Avic du site : http://www.counterpunch.org/Original en espagnol. Traduction en langue anglaise par Fausto Giudice.
David Urra est un analyste militaire et politique pour www.contrainjerencia.com. Il est diplômé de S.M. Kirov Caspian Higher Naval Academy. Il peut être contacté à davidurra@yahoo.com.

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