Les Touaregs algériens face à la contagion malienne
Le Figaro
Près de Tamanrasset, en 2010. La population de la ville, en pleine expansion, a été multipliée par trente depuis 1962. Crédits photo : © Zohra Bensemra / Reuters/REUTERS
Les habitants du Grand Sud se tiennent à l'écart des troubles qui se déroulent de l'autre côté de la frontière.
Tamanrasset
Sur tous les murs de la ville, un même slogan. Tagué en arabe, sous les affiches électorales des candidats aux législatives. «Unité nationale». À Tamanrasset, carrefour du Sud algérien, on sait bien que par la frontière avec le Mali, à 400 kilomètres de là - une broutille pour les habitants du Sahara rompus aux longues distances -, tout passe. Les armes libyennes, les mangues maliennes, le carburant algérien mais aussi… les problèmes des voisins. Surtout depuis la reprise de la rébellion touareg au nord du Mali en janvier et la proclamation de l'indépendance de l'Azawad début avril. Assis à l'ombre de son potager, élégamment coiffé de son chèche blanc, l'ex-sénateur Othmane Ben Messaoud résume: «Les relations familiales et économiques entre les Algériens du Sud et les habitants du nord du Mali sont telles que tout ce qui se passe de l'autre côté de la frontière nous touche aussi.»
Depuis le début du conflit, ils seraient plus de 30 000 réfugiés maliens, 450 officiellement, à être passé du côté algérien pour trouver asile chez des parents installés en Algérie. «Pour autant, l'Azawad reste le problème des Touaregs maliens. Que leur projet de partition réussisse ou pas, ce ne sont pas nos affaires…» Boudjemaa Belaou, 29 ans, tête de liste du Parti du renouveau algérien, en course pour les élections législatives de jeudi, n'est pas le seul à marquer de la distance avec ses voisins touaregs. Une façon de dire que si, autrefois, les tribus ne connaissaient pas de frontières, aujourd'hui, les Touaregs algériens sont avant tout Algériens. À de Gaulle qui leur proposait une partition du Sahara, ils avaient déjà dit non. À Kadhafi qui tentait de les monter contre Alger pour former un grand État touareg, ils avaient encore dit non. L'autonomie n'a jamais figuré dans leur agenda. Au contraire, les Touaregs algériens se plaignent de ne pas être assez associés à la vie politique. «Ces élections sont une occasion de le rappeler: les gens de Tam (le diminutif de la ville) ne sont pas assez bien représentés. Ni à l'Assemblée nationale, où ils n'ont que cinq sièges, ni dans l'administration. Les cadres nommés dans le sud sont des gens du nord qui savent qu'ils ne resteront pas plus d'un an, souligne Ali, jeune fonctionnaire à la Météo. Pourtant, notre wilaya représente en superficie un quart du pays!»
Pour les anciens, l'explosion démographique de la ville - la population a été multipliée par trente depuis 1962 - est une source d'inquiétude. «Certaines familles ont trois ou quatre voitures, on voit des filles fumer dans la rue, les rues sont devenues sales…», s'inquiète Amman, un vieux Touareg qui ne reconnaît plus sa ville. Si les Algériens du Nord et les Subsahariens se sont massivement installés à Tamanrasset, c'est parce que les projets de développement, menés à coups de milliards de dinars par l'État, ont transformé la ville en pôle d'attraction régional.
Après le centre universitaire, le transfert d'eau potable depuis In Salah à 700 km, les dizaines de nouvelles routes, les nouvelles cités de logements sociaux, Tamanrasset développe une zone industrielle de plus de quarante entreprises à l'entrée nord de la ville, a commencé l'extension de son aéroport et la construction d'un grand hôpital militaire. Un bilan que Mahmoud Guemama, indétrônable député du FLN à Tamanrasset, s'empresse de reprendre à son compte, en rappelant combien «la sécurité nationale est une priorité». «Pour ça, nous comptons sur la présence des militaires. Les élections ont commencé et tout se déroule pour le mieux malgré la proximité de la frontière…»
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Sur tous les murs de la ville, un même slogan. Tagué en arabe, sous les affiches électorales des candidats aux législatives. «Unité nationale». À Tamanrasset, carrefour du Sud algérien, on sait bien que par la frontière avec le Mali, à 400 kilomètres de là - une broutille pour les habitants du Sahara rompus aux longues distances -, tout passe. Les armes libyennes, les mangues maliennes, le carburant algérien mais aussi… les problèmes des voisins. Surtout depuis la reprise de la rébellion touareg au nord du Mali en janvier et la proclamation de l'indépendance de l'Azawad début avril. Assis à l'ombre de son potager, élégamment coiffé de son chèche blanc, l'ex-sénateur Othmane Ben Messaoud résume: «Les relations familiales et économiques entre les Algériens du Sud et les habitants du nord du Mali sont telles que tout ce qui se passe de l'autre côté de la frontière nous touche aussi.»
Depuis le début du conflit, ils seraient plus de 30 000 réfugiés maliens, 450 officiellement, à être passé du côté algérien pour trouver asile chez des parents installés en Algérie. «Pour autant, l'Azawad reste le problème des Touaregs maliens. Que leur projet de partition réussisse ou pas, ce ne sont pas nos affaires…» Boudjemaa Belaou, 29 ans, tête de liste du Parti du renouveau algérien, en course pour les élections législatives de jeudi, n'est pas le seul à marquer de la distance avec ses voisins touaregs. Une façon de dire que si, autrefois, les tribus ne connaissaient pas de frontières, aujourd'hui, les Touaregs algériens sont avant tout Algériens. À de Gaulle qui leur proposait une partition du Sahara, ils avaient déjà dit non. À Kadhafi qui tentait de les monter contre Alger pour former un grand État touareg, ils avaient encore dit non. L'autonomie n'a jamais figuré dans leur agenda. Au contraire, les Touaregs algériens se plaignent de ne pas être assez associés à la vie politique. «Ces élections sont une occasion de le rappeler: les gens de Tam (le diminutif de la ville) ne sont pas assez bien représentés. Ni à l'Assemblée nationale, où ils n'ont que cinq sièges, ni dans l'administration. Les cadres nommés dans le sud sont des gens du nord qui savent qu'ils ne resteront pas plus d'un an, souligne Ali, jeune fonctionnaire à la Météo. Pourtant, notre wilaya représente en superficie un quart du pays!»
Barons maliens de la drogue
Loin des salons d'Alger où il n'est question que d'«abstention», les citoyens du Sud croient au pouvoir de leur bulletin de vote. Et les nomades se présentent nombreux auprès des bureaux itinérants qui sillonnent les villages du Sud depuis lundi. «Les Touaregs de l'Ahaggar sont comme une brebis entre deux chacals, analyse Billal Ourzig, notable touareg. Entre les descendants des goumiers qui se retrouvent à des postes d'influence dans l'administration et les barons de la drogue, pour l'essentiel des Maliens, qui tiennent les réseaux économiques de la ville, et dont certains ont aussi fait alliance avec les groupes islamistes armés.»Pour les anciens, l'explosion démographique de la ville - la population a été multipliée par trente depuis 1962 - est une source d'inquiétude. «Certaines familles ont trois ou quatre voitures, on voit des filles fumer dans la rue, les rues sont devenues sales…», s'inquiète Amman, un vieux Touareg qui ne reconnaît plus sa ville. Si les Algériens du Nord et les Subsahariens se sont massivement installés à Tamanrasset, c'est parce que les projets de développement, menés à coups de milliards de dinars par l'État, ont transformé la ville en pôle d'attraction régional.
Après le centre universitaire, le transfert d'eau potable depuis In Salah à 700 km, les dizaines de nouvelles routes, les nouvelles cités de logements sociaux, Tamanrasset développe une zone industrielle de plus de quarante entreprises à l'entrée nord de la ville, a commencé l'extension de son aéroport et la construction d'un grand hôpital militaire. Un bilan que Mahmoud Guemama, indétrônable député du FLN à Tamanrasset, s'empresse de reprendre à son compte, en rappelant combien «la sécurité nationale est une priorité». «Pour ça, nous comptons sur la présence des militaires. Les élections ont commencé et tout se déroule pour le mieux malgré la proximité de la frontière…»
«Centralisation excessive»
Rabah, un universitaire de Tamanrasset, se montre plus sceptique. «La centralisation excessive de l'État maintient peut-être la stabilité, mais freine le développement en gérant le Sud comme le Nord, constate-t-il. En imposant des filières de formation inadaptées à notre marché du travail. En interdisant sans réfléchir les circuits touristiques. En construisant des logements inadaptés à nos conditions climatiques…» Boudjemaa Belaou, le jeune candidat du PRA, reconnaît aussi que beaucoup d'efforts ont été consentis par l'État mais qu'il reste «beaucoup à faire». «Et il n'en va pas uniquement de l'avenir des Touaregs, conclut-il. Tam réunit à elle toute seule 48 wilayas et 7 pays! Elle devrait être une wilaya pilote du changement démocratique…»LIRE AUSSI:
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Par Mélanie Matarese
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