Al-Qaida rejoint par ses militants du Maghreb au Mali
Jemal Oumar pour Magharebia à Nouakchott – 11/05/12
Tamoudre.org
Les extrémistes algériens et libyens qui suivent leurs leaders d’AQMI au Mali se présentent en « voisins du Maghreb ». Mais pour les habitants de Tombouctou et de Kidal, ce sont des terroristes étrangers.
Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) a une nouvelle stratégie pour renforcer ses rangs dans le nord du Mali : elle y fait venir ses recrues du Maghreb.
Selon des responsables locaux, les militants du Maghreb affluent à Tombouctou, Kidal et Gao pour rejoindre les brigades d’al-Qaida.
« Des centaines de combattants venus de Tunisie, de Libye et du reste du Maghreb sont arrivés dans le nord du Mali pour y rejoindre al-Qaida, a écrit le quotidien malien L’Express dans son édition du dimanche 6 mai, citant un responsable du ministère de la Défense.
Le porte-parole du groupe islamiste allié d’al-QaidaAnsar al-Din à Tombouctou a dit à Magharebia : « Nous ne pouvons confirmer ou infirmer l’arrivée de nouvelles recrues d’al-Qaida dans la région. »
Sanad Ould Bouamama a toutefois ajouté : « Il n’est pas dans notre intérêt de les renvoyer dès lors que leur objectif est de combattre les apostats et d’appliquer la charia islamique que nous souhaitons tous. »
« Nous sommes différents d’eux parce que nous sommes un groupe local », a souligné Ould Bouamama. « La présence d’al-Qaida s’étend de la Mauritanie au Niger et à la Libye, et ils peuvent emmener leurs éléments dans les régions qui sont sous leur contrôle. »
La communauté internationale tire la sonnette d’alarme sur la menace grandissante que représente al-Qaida après son implantation au Mali.
« Nous sommes très inquiets de ce qui se passe au Mali et de l’impact de cette situation sur la région », a déclaré la semaine dernière le Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres.
« Nous cherchons à créer les bonnes conditions pour éviter que cette crise ne devienne une menace pour la sécurité mondiale », a-t-il ajouté, appelant la communauté internationale à s’impliquer.
Il s’agit plus que d’une simple crise régionale, indique-t-il. C’est « un risque pour la paix et la sécurité dans le monde entier ».
Le maire de Tombouctou, Hallé Ousman, a expliqué que des membres d’AQMI venus de partout circulent désormais librement dans la région.
« Les éléments d’al-Qaida peuvent entrer et sortir à tout moment. C’est une chose qui est devenue habituelle pour nous. Ils peuvent passer devant moi sans être observés », a-t-il poursuivi.
Ibrahim Ag Asa, un habitant de Tombouctou, a affirmé à Magharebia : « J’ai vu de mes propres yeux des éléments armés d’al-Qaida non maliens. Ils viennent vraisemblablement de Tunisie, d’Algérie et de Libye. »
« Je n’ai vu aucun Marocain, ou du moins n’ai entendu personne d’entre eux parler en dialecte marocain », a-t-il ajouté.
Pour tenter de gagner la sympathie des populations locales, les militants étrangers venus du Maghreb ont été vus en train de distribuer de la nourriture aux personnes déplacées dans les faubourgs de Tombouctou.
Mohamad Ag Ali, négociant en bétail, les a entendus dire : « Nous sommes vos voisins, et notre but est de faire passer le message d’Allah parmi nos frères. »
« Certaines personnes avaient vraiment peur, d’autres avaient faim et voulaient à manger, et n’ont donc rien contredit de ce qu’ils disaient », a-t-il ajouté.
Le maire de Tombouctou a également exprimé ses inquiétudes concernant la manière dont les terroristes se comportent avec la population locale.
« Ils sont entrés de force dans les magasins d’alimentation et ont distribué la nourriture aux habitants, ce qui n’est approuvé par aucune religion parce qu’ils prennent la nourriture de force et la distribuent selon leurs propres règles », a dit Hallé Ousman.
« La question qui se pose maintenant est la suivante : comment vont-ils continuer à distribuer de la nourriture lorsque les magasins vandalisés seront vides ? », s’interroge-t-il.
Il souligne la colère de plus en plus vive contre ces vandales, notamment après la destruction du tombeau du saint de Tombouctou Sidi Mahmoud Ben Amar le 3 mai.
« Ils ont commencé par nous empêcher de pratiquer nos coutumes de nous rendre sur les tombes le vendredi », explique le maire. « Ils ont même détruit nos lieux sacrés, ce qui nous rend furieux. »
Pour sa part, Dawood Ag Mohamad, l’imam de la mosquée Belferandi, déclare ne pas avoir personnellement rencontré « les nouveaux groupes dont on dit qu’ils sont entrés dans Tombouctou », mais avoir « entendu plusieurs personnes dire qu’ils étaient venus dans la ville pour y renforcer la présence d’al-Qaida ».
« Cela n’est pas très rassurant et ne donne pas l’impression qu’al-Qaida s’apprête à quitter Tombouctou prochainement », a-t-il confié à Magharebia.
L’apparition de militants armés originaires du Maghreb n’est pas un phénomène qui se limite à Tombouctou, a indiqué l’AFP le 7 mai, citant une source proche de la sécurité malienne.
D’autres villes comme Kidal, à l’extrême nord-est du pays, font également face à un afflux de combattants étrangers d’AQMI.
Et cela ne pourra servir qu’à isoler encore un peu plus une région déjà éloignée et aux prises à maintes difficultés.
Le week-end dernier, les habitants de Kidal ont aperçu des leaders d’al-Qaida dans leur ville.
Khaled Abou El Abass (alias Mokhtar Belmokhtar, ou « Laaouar« ), le chef de la katibat d’AQMI qui couvre l’Algérie, le Tchad, le Niger, la Mauritanie et le Mali, a visité la ville vendredi et samedi, a fait savoir le quotidien malien Le Républicain dans son édition du 7 mai.
Abdelhamid Abou Zeid (de son vrai nom Mohamed Ghadir) a également été repéré à Kidal. Le chef de la brigade « Tariq ibn Ziyad » dirige maintenant les opérations d’AQMI de la province de l’Adrar jusqu’à la frontière nigérienne.
Yahya Abou Al-Hammam (alias Jemal Oukacha), le principal lieutenant du chef d’AQMI Abelmalek Droukdel, a également été vu en compagnie de ses collègues d’AQMI. Le mois dernier, Ansar al-Dinavait installé ce ressortissant algérien et émir d’al-Qaida au poste de gouverneur de Tombouctou.
Cette nomination du gouverneur de Tombouctou faisait partie d’un accord de partage du pouvoir entre le groupe islamiste et al-Qaida.
La situation à Kidal a contraint des familles à fuir vers l’Algérie ou le Niger voisins. Seules les personnes qui ne peuvent partir, ainsi que les éleveurs de bétails incapables de trouver un abri pour leurs animaux restent sur place.
La charia islamique impose d’autres contraintes aux habitants de Kidal, a expliqué à Magharebia l’un des rares habitants à rester dans la ville.
« Les gens ici sont sous stricte surveillance pour les pousser à modifier leurs habitudes sociales en matière vestimentaire, et dans la manière sont ils se saluent mutuellement et parlent entre eux », a expliqué Sheta Ag Haman.
« Les hommes sont forcés d’aller régulièrement à la mosquée, et leurs enfants doivent maintenant fréquenter des écoles religieuses non mixtes », explique-t-il. Ceux qui ne respectent pas la charia risquent le fouet et d’autres punitions, ajoute-t-il.
Cette difficile situation à Kidal a conduit les leaders locaux à rencontrer les militants de l’autre acteur dans la lutte pour le nord du Mali, le Mouvement national pour la libération de l’Azaouad (MNLA), pour discuter des moyens de contraindre al-Qaida à quitter la ville, a expliqué le militant touareg Adoum Ag al-Wali à Magharebia.
Mais de nombreux habitants effrayés ont déjà fait de même.
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