mardi 3 avril 2012


SAHEL: Les réfugiés maliens risquent d’être « oubliés »

Des réfugiés maliens à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso
DAKAR, 29 mars 2012 (IRIN) - Le Mali est confronté à la « pire crise humanitaire de ces 20 dernières années » en raison de l’insécurité alimentaire dont souffrent environ trois millions de personnes et des déplacements provoqués par les conflits dans le nord. 

Des incertitudes demeurent concernant la localisation et le statut de quelque 93 500 personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) dans le nord du Mali ; de plus, 113 000 réfugiés ont fui le nord pour s’installer dans des pays voisins. 

Entre 175 000 et 220 000 enfants souffriront de malnutrition aiguë cette année et l’accès au nord du Mali et aux zones des réfugiés de l’autre côté de la frontière est problématique. Les difficultés actuelles sont aggravées par le manque historique d’intérêt pour le Sahel. 

« Jusqu’à présent, les organisations d’aide humanitaire n’ont pas bénéficié d’un accès satisfaisant à ces zones … Il est difficile de mettre cette crise en avant, beaucoup de personnes l’ont oubliée », dit Helen Caux, porte-parole du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Afrique occidentale. 

L’arrivée de tant de réfugiés coïncide avec une période difficile pour plusieurs pays voisins du Mali, où neuf millions de personnes sont confrontées à une grave crise alimentaire en raison de la mauvaise récolte de 2011 : dans certaines régions, les taux de malnutrition sévère des enfants dépassent les 15 pour cent. 

Les Maliens ont commencé à fuir le nord du pays en janvier, lorsque les combats ont repris entre l’armée malienne et les rebelles touareg du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad). 

En collaboration avec les gouvernements des pays hôtes, le HCR coordonne la réponse à la situation des réfugiés au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie. Selon ses indications, quelque 113 000 Maliens ont trouvé refuge dans ses pays – 40 000 en Mauritanie, 23 000 au Burkina Faso (selon des statistiques gouvernementales) et 19 000 au Niger, le reste dans d’autres pays.

Les premières estimations donnaient des chiffres plus élevés, notamment parce que de nombreux migrants étaient des retournés Nigériens qui fuyaient le Mali, et parce que nombre de Maliens se sont depuis réinstallés dans leurs villages non loin de la frontière. Il est également possible que des milliers de personnes aient fui les combats de Tessalit et Aguelhoc pour rejoindre l’Algérie, mais le gouvernement, qui préfère ne pas recourir à l’aide extérieure, dirige la réponse, et le HCR ne dispose pas des chiffres officiels. 

Au Mali, jusqu’à 120 000 personnes sont accueillies par des membres de leurs familles ou des amis installés dans des camps temporaires et des villages hôtes situés dans et autour des zones de conflit comme Ménaka, Kidal – qui est actuellement le théâtre d’hostilités – et Gao, qui serait encerclée par des rebelles du MNLA consolidant leurs positions. 

Sécurité dans le nord 

Le Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (CICR) a beaucoup de difficultés à accéder aux PDIP qui se trouvent dans les zones les plus isolées du nord du Mali, et s’inquiète pour la sécurité de son personnel. Germain Mwehu, porte-parole du CICR, a cité l’exemple de Ménaka, à l’est du Mali, qui est désormais sous le contrôle du MNLA. « Nombre de ceux qui sont restés vivent à l’extérieur de la ville. La nourriture et les abris sont nos priorités ; cette zone est très vulnérable à la sécheresse », a-t-il dit à IRIN.

« Les habitants de Ménaka sont très inquiets, car ils ne savent pas quoi faire. Doivent-ils essayer de quitter le Niger ? Doivent-ils rester sur place ? Les conflits vont-ils reprendre ? Le gouvernement va-t-il lancer une offensive ? ».

L’organisation Médecins du Monde a été obligée de réduire ses actions dans le nord du pays en raison de l’insécurité, avant de les renforcer. Malgré l’insécurité, Médecins Sans Frontières (MSF) a récemment développé des programmes de soins de santé dans les environs de Kidal et de Tombouctou. Johanne Sekkenes, chef de mission pour MSF dans la capitale, Bamako, a indiqué que les déplacés qui sont moins habitués à la vie nomade sont les plus vulnérables.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) et le CICR travaillent en étroite collaboration à la négociation et à la signature d’accords avec d’autres organisations non gouvernementales (ONG) partenaires afin d’atteindre les déplacés présents dans le nord et de leur distribuer de l’aide alimentaire, a indiqué Nancy Walters, représentante du PAM au Mali. Le projet a pour objectif de fournir de l’aide à 1,2 million de Maliens, y compris les déplacés – à condition que le niveau de sécurité, les financements et l’accès le permettent – mais jusqu’à présent le PAM n’a reçu que 38 pour cent des fonds nécessaires, a indiqué Mme Walters. 

Les animaux dans les camps

Selon le PAM au Niger, de la nourriture est distribuée aux réfugiés maliens installés dans les différents camps, mais pas encore à la population locale.

« Les personnes qui arrivent [du Mali] sont exténuées, affamées et ont besoin de produits de base », a dit Chris Palusky, responsable de l’ONG World Vision pour la réponse d'urgence à la crise alimentaire au Mali et au Niger. « Mais le Niger a du mal à faire face à l’afflux de réfugiés, et les familles ont du mal à survivre face à ces difficultés supplémentaires ». 

La plupart des personnes qui se sont présentées à l’un de ses trois sites situés près de la frontière entre le Niger et le Mali viennent de Ménaka, à environ 50 km à l’intérieur du Mali ; nombre d’entre elles ont abandonné tous leurs biens, même leurs animaux. 

En ce qui concerne les personnes qui ont voyagé avec leur bétail – une des principales sources de moyens de subsistance des agro-pasteurs touareg – le HCR réfléchit au développement d’un camp de réfugiés différent, a dit Mme Caux, car les animaux ne peuvent pas être accueillis dans les camps.

Il est urgent de trouver des solutions, car il y a peu d’eau : « Jusqu’à présent, la population locale partage ses puits, mais la situation posera des problèmes à long terme », a-t-elle dit à IRIN. La majorité de l’eau disponible n’est pas propre à la consommation, les organisations d’aide humanitaire doivent donc acheminer de l’eau potable. 

Le projet vise à séparer les Maliens qui ont des animaux – ils seront accueillis dans des « camps » de réfugiés plus flexibles – et ceux qui n’en ont pas. Nombre de Maliens originaires du nord sont semi-nomades et n’ont pas envie de vivre dans des camps sédentaires. « Ils ont des difficultés à s’adapter à cet environnement », a dit Mme Caux, notant que nombre d’entre eux préféreraient s’installer dans des villages frontaliers au péril d’une plus grande insécurité.

Jusqu’à présent, le HCR a transporté 2 000 des 4 700 réfugiés installés dans le village de Sinegodar, non loin de la frontière malienne, vers le camp d’Abala, à 84 km de la frontière. D’autres Maliens sont installés à Mangaize, où un camp plus permanent pourrait être construit sous réserve de l’approbation du gouvernement, et dans les environs d’Ayorou.

Burkina Faso 

La plupart des réfugiés maliens du Burkina Faso sont arrivés dans les provinces sahéliennes d’Oudalan et de Soum, qui sont situées dans le nord du pays et qui sont touchées par la sécheresse. La Commission nationale pour les réfugiés (CONAREF) et le HCR y dirigent désormais les interventions après un démarrage très lent, ont indiqué des observateurs. 

Lors d’une récente conférence de presse, Ousmane Aga Dalla, le directeur de l’organe gouvernemental chargé de la coordination de l’assistance aux réfugiés maliens (CAREM), a indiqué qu’il n’y avait pas de difficultés majeures et que les communautés accueillaient chaleureusement les réfugiés, même en cas de rupture temporaire de la distribution de la nourriture et des fonds d’urgence.

Les organisations d’aide sont confrontées à de nombreux problèmes, mais Mme Caux a indiqué qu’elle avait des raisons de se sentir soulagée. Très affaiblis par le voyage, par le fait d’avoir dormi à l’extérieur et d’avoir été confrontés à de grandes difficultés pour préserver leurs moyens de subsistance, leur sécurité et leur avenir commun, la plupart des réfugiés sont arrivés dans des conditions physiques relativement bonnes, ont indiqué le HCR et MSF, aucune épidémie majeure n’a été signalée, et seuls quelques enfants sont décédés au cours du trajet.

aj/bb/ch/he/cb-mg/amz

[Cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies]

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