lundi 2 avril 2012


Voyage dans l'Azawad en guerre
Entretien avec Ferhat BOUDA, photographe
samedi 31 mars 2012
par Masin






Ferhat BOUDA est photographe kabyle. Il a été dans l’Azawad où il a passé quelques jours avec les combattants du MNLA. Il a aimablement accepté de partager avec les lecteurs de Tamazgha.fr ce qu’il a vu et vécu lors de son court voyage dans un pays amazigh sur la voie de libération.












Tamazgha.fr : Ferhat Bouda, vous êtes photographe et vous avez pu effectuer récemment un court séjour dans l’Azawad, un pays en guerre depuis le 17 janvier 2012. Comment vous est venue l’idée d’aller dans ce pays en guerre ? Et quel en est l’intérêt pour vous ?

Ferhat Bouda : L’idée de partir pour photographier les Touaregs remonteb à loin et elle s’inscrit dans mon projet de réaliser une documentation photographique sur les bérbères, et cela remonte à au moins deux ans. Et c’est lors de la dernière rencontre amazigh à Djerba en septemebre 2011 où j’avais rencontré des Touaregs que l’idée a commencé à se concrétiser. Mes interlocuteurs touaregs avaient trouvé interessant le projet que je leur avais soumis. Je suis revenu donc de Djarba avec l’objectif de rassembler les moyens nécessaires et trouver le temps pour effectuer le voyage dans le pays touareg. Et lorsque j’étais prêt à partir, la guerre était déjà déclenchée dans l’Azawad. Cela n’a pas entamé ma volonté d’effectuer le voyage. Mon intérêt est de decouvrir une region, une culture,.... et de recontrer des gens et partager ces découvertes à travers la photo.

Racontez-nous un peu comment êtes-vous arrivé sur place, qu’avez vous visité et qui avez-vous rencontré ?

Pour aller dans l’Azawad il fallu des contacts sur place parce que nous sommes dans le désert, la situation sécuritaire est dangereuse avec les enklèvements. La nouvelle situation de guerre complique davantage les choses. Je suis rentré par le nord-est de la Mauritanie. À la frontière j’étais pris en charge par des combattants du MNLA et je suis parti avec eux jusqu’à leur base. Là-bas j’ai rencontré d’autres soldats, des responsables du MNLA et des prisoniers maliens qui étaient capturés par le MNLA.

Quelle est la tranche d’âge des combattants que vous avez rencontrés ? Ces soldats vous ont-ils dit les raisons de leur engagement dans l’armée de libération de l’Azawad ?

J’ai rencontré un soldat (déserteur de la gendarmerie malienne) âgé de dix-sept ans seulement, un autre soldat avait cinquante-et-un ans, mais on peut dire que la majorité ont entre 20 et 25 ans. Ce sont des jeunes assoiffés de liberté. S m’ont dit qu’ils sont là pour la liberation de l’Azawad. Ils m’ont dit combien ils sont marginalisés et leur pays est abandonné et sans infrastructures, livré à l’insecurité. Même au sein de l’armée malienne, il y a une grande méfiance à l’égard des Azawadiens dès le début de ce conflit. Pour les Azawadiens le gouvernement malien est incapable de gérer la région. Enfin il veulent prendre leur destin en main.


Un jeune de 17 ans, déserteur de la gendarmerie malienne.

Que pensent-ils de la question amazighe ?Pour les personnes que j’ai rencontrées, la question amazighe est TOUT pour eux ; c’est leur existence-même. "Nous naissons, nous vivons et nous mourrons avec !" m’ont-ils dit. Ils m’ont raconté l’histoire berbère avec une grande fierté et ils ecrivent en tifinagh. Ce qui m’a surpris c’est qu’il y a des soldats qui ne parlent aucune autre langue que le berbère .


Mohamed, 51 ans

Parmi les combattants que vous aviez rencontrés y avait-il des soldats revenus de Libye ?En réalité je ne le sais pas et je n’ai pas posé la question aux soldats que j’ai rencontrés. Mais je sais que le MNLA a déjà confirmé officiellement la présence de soldats touaregs revenus de Libye.

Vous avez rencontré un ex-colonel de l’armée malienne qui a rejoint le MNLA. Pouvez-vous nous dire plus sur cette rencontre ?

Pendant notre rencontre je lui ai posé quelques questions et je voulais notamment savoir les raisons qui l’ont poussé à déserter l’armée malienne. Il m’a répondu ceci : "J’ai quitté l’armée pour regagner la cause juste. La révolution est un long chemin mais le bilan depuis le 17 janvier est très positif. Le MNLA est beaucoup plus structuré que les soulèvements des années precédentes. C’est un mouvement politico-militaire et son but est bien précis : c’est la libération de l’Azawad . Nous avons le contrôle d’une grande partie du territoire de l’Azawd et en plus nous avons récupéré une quantité importante d’armes pendant les combats".


Au centre : un ex-colonel de l’armée Malienne

Parmi ceux que vous aviez rencontrés, il y avait également des soldats de l’armée malienne faits prisonniers par le MNLA. Dans quelles conditions sont-ils détenus et avez-vous pu discuter librement avec eux ?La rencontre avec les prisonniers s’est passée en toute liberté. Je pouvais poser toutes les questions que je voulais et ils m’ont repondu en toute liberté aussi. Il y avait un lieutenant avec quatres soldats que le MNLA a capturé àLéré depuis le 23 janvier. Ils sont bien traités ; ils ne sont pas attachés et ils disposent de leur propre espace où ils font la cuisine et où ils dorment. Le lieutenant appele sa soeur dès la premiere semaine, mais les autres n’avaient pas encore, à la date où je les avais vus, établi un contact avec leurs familles. Parmi eux il y a aussi un caporal qui était stationé au nord du mali depuis douze ans et il a été capturé avec un autre soldat le 3 fevrier à Niafunke.





Prisonniers (le lieutenant Sangarri avec 4 autres soldats, capturés le 26 janvier 2012


Qu’est-ce que ces prisonniers vous ont raconté ?Ils demandent à avoir un contact avec les autorités militaires maliennes dans l’espoir d’être libérés le plus vite possible. Ils m’ont tous confirmé que les combattants du MNLA les traitent correctement et que leur dignité n’a pas été touchée.

J’ai demandé au caporal statiopnné dans la région depuis douze ans si l’armée malienne présente dans l’Azawad a eu à affronter des éléments d’AQMI. Sa réponse est : "Non". Et lorsque je lui ai demandé plus de précisions, il me dit ceci : "Je ne peux pas le dire car nous sommes juste des exécutants".

Les médias parlent beaucoup des accointances du MNLA avec l’AQMI. Qu’avez-vous constaté sur le terrain à ce sujet ?

J’ai photographié dans deux bases différentes pendant trois jours et je ne peux pas dire que j’ai ressenti le moindre lien entre le MNLA et L’AQMI.

Propos recueillis par

Masin FERKAL.

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